UNION CONFÉDÉRALE CFDT DES RETRAITÉS

Actu revendicative


Edmond Maire, le making of


Durant trois ans, le statut du journaliste « qui-est-en-train-de-faire-la-biographie-d’Edmond-Maire » a valu à son titulaire des sourires entendus. Entre curiosité et incrédulité. Certes, chacun reconnaissait que c’était une bonne idée, cette figure parmi les plus marquantes du syndicalisme contemporain n’ayant jamais fait l’objet d’un travail de ce genre. Mais bon vent à celui qui s’y risquerait, la vie d’un syndicaliste n’étant en général pas réputée pour ses rebondissements romanesques et, surtout, bon courage à celui qui se risquerait à forcer la légendaire réserve d’un homme public qui avait toujours jalousement protégé son domaine privé !

Editions de Seuil, 600 pages, 25 €

Comme on dit avec bienveillance dans la presse, c’était un sujet « casse-gueule. » Sur ce plan, il est indéniable que l’auteur a survécu à l’épreuve, comme en témoigne la sortie début octobre du livre Edmond Maire, une histoire de la CFDT. Mais dans quel état ? D’autres que moi en jugeront.

Par contrat

Au départ, l’idée était de Thierry Pech, alors directeur général du Seuil et ancien conseiller de Nicole Notat. Plusieurs fois il était revenu à la charge auprès d’Edmond Maire, qui finit par se décider à ce qu’il avait longtemps refusé : qu’on explore sa vie, que l’on restitue son parcours tant professionnel, syndical que politique. Pourquoi si tard ? Au soir d’une existence, on surmonte peut-être les pudeurs antérieures si l’on craint de voir estompée, sinon oubliée, une expérience dont l’on veut croire qu’elle peut être encore utile à la formation des jeunes générations.

Pourquoi s’adresser à moi, journaliste politique, pour écrire cette histoire sociale ? Mais justement, un tel profil n’était-il pas préférable pour maintenir une certaine distance vis-à-vis du sujet, et surtout porter un regard grand angle sur un homme dont il était convenu d’avance que la vie ne pouvait être racontée que dans le contexte plus général de son époque ? Il était convenu par contrat qu’il s’agirait d’une biographie écrite sous la seule responsabilité de l’auteur.

Utilement réduites

Edmond Maire fut toujours disponible pour les interviews que je sollicitai (une trentaine d’heures environ), coopératif dans mes démarches (il ne s’opposa pas aux incursions dans sa famille et me mit sur la piste de ses entretiens avec le sociologue Schwalbach, à ce jour inédits). Il n’abusa pas du droit qui lui était moralement accordé de rectifier éventuellement ses citations dans lesquelles il ne se reconnaîtrait pas. Pour ce qui est des analyses de l’auteur, il pouvait les discuter, mais il n’avait pas en la matière le final cut. Edmond Maire reconnaissait volontiers que les logiques de chacun ne pouvaient être les mêmes. Ici comme ailleurs…

Les différends factuels furent rares – touchant à des domaines sensibles comme le rapport à la religion ou à des propos dont la véracité tenait à un seul « parole contre parole ». Pour le reste, l’exceptionnelle richesse des archives confédérales et la bonne volonté des quelque quatre-vingts personnes interrogées, dont des responsables de la CFDT qui n’avaient jamais eu l’occasion de raconter leur propre expérience, ont fourni matière à un manuscrit d’environ 900 pages, réduites utilement à 600.

Un grand regret : que Marcel Gonin, l’ami irremplaçable d’Edmond Maire, ait manqué à l’appel. Il est décédé trois mois avant la signature du contrat d’édition.

Jean-Michel Helvig

Jean-Michel Helvig vient de publier aux éditions du Seuil la biographie d’Edmond Maire. Journaliste et écrivain, ancien chef du service politique, directeur adjoint de la rédaction et éditorialiste à Libération, il est également l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Conversations avec Stéphane Hessel qui lui a valu, en 2008, le prix Jean-Zay. Il collabore aujourd’hui au quotidien La République des Pyrénées.