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Paradis fiscaux ou parasites fiscaux ?


L’histoire des paradis fiscaux est ancienne mais, avec la globalisation financière, marquée par la création du marché de l’eurodollar sur la place de Londres en 1957, la fin des taux de change fixes en 1971 et la libre circulation des capitaux des années 90, le phénomène s’est accru.

Des faits divers se multiplient à la une des médias. Nombre d’artistes ont préféré rejoindre la Suisse ou la Belgique afin d’échapper aux « rigueurs » du fisc français. Des joueurs de tennis ou des chefs d’entreprise les ont rejoints. Les hommes ou femmes politiques ne sont pas toujours parmi les plus vertueux. Rappelons les scandales des ministres Cahuzac et Thévenoud, les déboires judiciaires répétés du couple Balkany.

La fraude fiscale atteint parfois d’importants degrés de sophistication. Parmi les affaires les plus emblématiques, on se souvient encore de l’affaire Madoff (2008). Il s’agissait d’une escroquerie utilisant la chaîne de Ponzi (système dans lequel les investisseurs anciens sont rémunérés grâce aux capitaux des investisseurs entrants). Madoff a été condamné le 29 juin 2009 à 150 ans de prison.

On relèvera aussi certaines pratiques « légales » comme la tax ruling (2014), communément admise au Luxembourg, qui permet à une multinationale de se mettre d’accord avec l’administration afin d’obtenir des dispositifs fiscaux avantageux. Cette pratique existe également aux Pays-Bas et en Irlande.

L’étau réglementaire se resserre

Dès lors, la dichotomie est flagrante entre les États nationaux de plus en plus nombreux (51 en 1945, 193 en 2011) et la globalisation financière. Selon l’Assemblée nationale, la fraude fiscale entraînerait pour l’État français un manque à gagner de 60 à 80 milliards d’euros par an.

Sous l’effet des scandales, de l’action des « lanceurs d’alerte » (Falciani/HSBC), des restrictions budgétaires, de nouvelles règles s’élaborent. En France, la loi de « lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière » (décembre 2013) a créé un délit de fraude fiscale en bande organisée et permis la mise en place d’un Parquet financier national.

Aux USA, la loi Facta (mars 2010) exige que les institutions financières non américaines identifient partout dans le monde leurs titulaires de comptes américains et transmettent les renseignements au fisc américain. La mise en œuvre de cette loi a fait plier la banque UBS et entraîné la levée du fameux secret bancaire suisse.
Dans les pays du G20 et de l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économique a abandonné les listes « grises », « blanches », « noires » qui avaient été vidées de leur substance. Elle se fonde dorénavant sur une démarche plus opérationnelle. Fin octobre 2014, 51 pays ont accepté « l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers ». Cet accord devrait permettre aux pays de localiser les revenus et les actifs placés à l’étranger.

Que fait l’Union européenne ?

Le nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker (ex-Premier ministre du Luxembourg) ne souhaite pas commencer son mandat à la tête de la Commission avec pareil boulet. Il a promis que la directive sur l’impôt des sociétés (2011) serait reprise et que seraient encadrées les pratiques de tax ruling. L’exercice ne va pas être facile, tant les écarts de taux entre pays sont différents.

Cette diversité met en lumière la nécessité d’agir pour permettre, dans le cadre du marché unique, les indispensables convergences fiscales. Si l’unanimité des 28 n’est pas possible, il conviendra alors de s’appuyer sur le système dit des coopérations renforcées (accord entre 10 États) et se mettre d’accord sur des fourchettes, un « couloir fiscal » utilisant la méthode qui a prévalu lors de la mise en place du système monétaire européen avant l’instauration de la monnaie unique.

La lutte contre l’évasion fiscale et les paradis fiscaux devrait constituer un élément essentiel de cette convergence. Un bon moyen de prouver aussi que les élargissements successifs de l’Union ne sont pas synonymes de paralysie, mais contribuent bien à l’approfondissement de la construction européenne.

Jean-Pierre Moussy

La fraude fiscale entraînerait chaque année pour la France un manque à gagner de 60 à 80 milliards d’euros. (Fotolia)