11 Retraite anticipée avec des points pour pénibilité
Mesure significative de justice sociale revendiquée depuis longtemps par la CFDT, la pression syndicale a permis de renforcer ce dispositif pour les salariés exposés à la pénibilité instauré par la loi de 2014. La réforme de 2023 augmente les droits pour la formation et le recours à temps partiel. Pour la retraite, les points produisent des trimestres réputés cotisés qui comptent désormais dans la durée d’assurance.
(les mises à jour précédentes sont retirées)
– selon loi 2023-270 et décret 2023-436 sur la réforme des retraites (attente circulaire d’application) (17/9/23).
1. Quelles pénibilités inscrire dans le compte professionnel de prévention ?
Un « compte professionnel de prévention » existe pour chaque salarié exposé à un ou plusieurs facteurs de pénibilité. Les facteurs de pénibilité pris en compte depuis la réforme de 2017 sont limités.
Tableau 1. Les facteurs de risque donnant droit à des points
Risque | Intensité | Durée |
---|---|---|
Liés à un environnement physique agressif | ||
Milieu hyperbare | 1 200 hectopascals | 60 travaux/ an |
Températures extrêmes | Inférieure à 5° ou supérieure à 30° | 900 heures/ an |
Bruit | Exposition quotidienne à un bruit d’au moins 81 décibels pour une période de référence de 8 heures | 600 heures/ an |
Exposition à des bruits impulsionnels (brefs et répétés) d’au moins 135 décibels | 120 fois/ an | |
Liés aux rythmes de travail | ||
Travail de nuit | 1 heure entre minuit et 5 heures | 100 nuits/ an |
Travail posté (5x8, 3x8) | 1 heure de travail entre minuit et 5 heures | 30 nuits/ an |
Travail répétitif (répétition même geste, à fréquence élevée et sous contrainte) | 15 actions par 30 secondes ou 30 par minute | 900 heures/ an |
Depuis octobre 2017, 4 facteurs de risque relèvent uniquement de la retraite anticipée pour incapacité permanente (fiche 12). Par conséquent, l’employeur a déclaré des points de pénibilité pour ces risques jusque octobre 2017 :
– les manutentions manuelles de charges (R 4541-2 du code du travail) ;
– les postures pénibles définies comme positions forcées des articulations ;
– les vibrations mécaniques (R 4441-1) .
– les agents chimiques dangereux (R 4412-3 et R 4412-60), y compris poussières et fumées ;
Les dix critères inscrits dans le code du travail ont été définis au début des années 2000 sur la base d’études scientifiques prenant en compte les facteurs qui réduisent l’espérance de vie (voir tableau 2).
2. Qui a droit au compte professionnel de prévention ?
Le compte professionnel de prévention concerne :
– les salariés des employeurs de droit privé, à l’exception des salariés affiliés à un régime spécial de retraite comportant un dispositif de prise en compte de la pénibilité (Banque de France, IEG, Opéra, Comédie-Française, employés de notaires, RATP, SNCF, marins, Port Strasbourg, mines) ;
– les agents non-titulaires des employeurs publics ayant un contrat de droit privé.
Ces salariés, du régime général ou du régime agricole, disposant d’un contrat de travail égal ou supérieur à un mois doivent avoir été exposés à un ou plusieurs facteurs de pénibilité. Les salariés des particuliers employeurs en sont exclus.
3. Qui doit déclarer la pénibilité ?
L’exposition des salariés aux facteurs de pénibilité est mesurée chaque année par l’employeur, au regard des conditions habituelles de travail dans les postes occupés. Elle est appréciée en moyenne annuelle. La fiche indique :
– l’exposition à un ou plusieurs des facteurs de pénibilité prévus par la réglementation lorsque l’exposition dépasse le seuil déterminé, après application des mesures de protection collective et individuelle ;
– la période d’exposition ;
– les mesures de prévention prises par l’employeur.
La fiche tient compte, le cas échéant, des situations d’exposition à la pénibilité liées à certains métiers reconnues par un accord collectif de branche étendu. Cette déclaration est transmise à la caisse de retraite (Carsat ou Cnav) ou à la caisse de la MSA.
4. Comment acquiert-on des points de pénibilité ?
L’exposition à un ou plusieurs facteurs de pénibilité ouvre droit à l’acquisition de points sur le compte personnel de prévention de la pénibilité. La limite maximale de 100 points a été supprimée. Ce compte suit l’intéressé tout au long de sa vie active.
L’exposition à un facteur de risques permet d’inscrire 4 points par an sur le compte pénibilité.
Le rythme d’acquisition des points pour les salariés polyexposés, est désormais d’un point
par trimestre et par facteur auquel le salarié est exposé.
Par exemple, un salarié exposé à trois facteurs aura trois points par trimestre
Des mesures particulières sont prévues pour les salariés en fin de carrière et toujours exposés à la pénibilité lors de la mise en place du compte pénibilité. Ainsi, pour tous les salariés nés avant juillet 1956, les points acquis sont doublés.
5. Comment utiliser les points ?
Les points du compte pénibilité sont utilisables de quatre manières différentes, pouvant se combiner.
Les 20 premiers points inscrits sur le compte pénibilité seront réservés au financement d’une action de formation ou de reconversion professionnelle
Pour une formation professionnelle continue. Les points peuvent financer une formation en vue d’une reconversion, pour être moins exposé ou non exposé aux facteurs de risques.
Un point sur le compte pénibilité permet la prise en charge de 500 € pour financer une action de formation professionnelle, en vue d’accéder à un emploi non exposé ou moins exposé.
Pour un temps partiel avec maintien de la rémunération. Dix points permettent de compenser une réduction du temps de travail équivalente à 50 % pendant 4 mois (dans la limite de 80 points avant 60 ans)
Pour une reconversion professionnelle. Le C2P ouvre désormais droit au financement de congés de reconversion professionnelle, avec prise en charge des frais de formation et de la rémunération.
Pour un départ anticipé en retraite. Dix points donnent droit à majoration de durée d’assurance d’un trimestre, dans la limite 8 trimestres maximum. L’âge légal de la retraite est abaissé du nombre de trimestres de majoration de durée d’assurance attribués, dans la limite de 8 trimestres. Ces trimestres sont :
– ajoutés à la durée d’assurance retenue pour le taux de la pension (fiche 20) ;
– réputés cotisés pour le bénéfice de la retraite anticipée pour carrière longue (fiche 13) ;
– pris en compte dans la durée d’assurance servant au calcul de la retraite (fiche 21).
La majoration de durée d’assurance peut être utilisée par d’autres régimes de base obligatoires.
6. Comment est géré le compte pénibilité ?
La gestion du compte personnel est transférée de la branche retraite à la branche AT-MP du régime général et à celle de la MSA.
Cette dernière :
– enregistre les points sur le compte pénibilité de chaque salarié concerné, et l’informe annuellement de l’état de son compte, au 30 juin de chaque année ;
– verse les sommes correspondant aux utilisations qui sont faites du compte (financeurs des actions de formation, employeurs pour le complément de rémunération des salaires du temps partiel), aux régimes de retraite pour les départs anticipés.
Les trimestres majorant la durée d’assurance s’ajoutent au nombre total de trimestres reportés au compte. Ils ne sont donc pas affectés à une période particulière du compte individuel de retraite.
Un service d’information sur internet est en place.
7. Quel contrôle des expositions et voies de recours des salariés ?
La branche ATMP (CARSAT) peut exercer un contrôle de l’effectivité et de l’ampleur des expositions aux facteurs de pénibilité déclarés par l’employeur et faire un redressement sur 3 ans suivant la fin de l’année au titre de laquelle des points ont été ou auraient dû être inscrits au compte.
Les voies de recours des salariés concernant l’exposition à la pénibilité sont spécifiques :
– contestation préalable devant l’employeur ; par écrit en recommandé, il a deux mois pour répondre ;
– si rejet de la contestation par l’employeur, et dans un délai de 2 mois, contestation auprès du C2P : Compte professionnel de prévention, service réclamation, Libre réponse 86057, 35099 Rennes cedex 9 ;
– recours auprès du tribunal judiciaire, dans un délai maximum de 3 ans après l’année de l’exposition contestée.
Bon à savoirOù s’informer ?
Il est possible de s’informer sur son compte dans le site officiel :
– téléphone : 3682
– site dédié : www.compteprofessionnelprevention.fr
Tableau 2. Quels sont les 10 facteurs de pénibilité ?
Voici la liste des facteurs de pénibilité inscrits dans le code du travail. Seuls ceux cités au point 1 donnent droit à des points.
La réforme de 2023 a uniquement modifié le nombre de nuits de travail pour avoir des points à 100 nuits (120 avant). Et le nombre de nuits en équipe alternante passe à 30 nuits (50 avant).
Facteurs de pénibilité | Seuils d’exposition | ||
---|---|---|---|
> | Action ou situation | Intensité minimale | Durée minimale (1) |
Manutentions manuelles de charges | Lever ou porter | Charge unitaire de 15 kg | 600 heures par an |
Pousser ou tirer | Charge unitaire de 250 kg | ||
Déplacement du travailleur avec la charge ou prise de la charge au sol ou à une hauteur située au-dessus des épaules | Charge unitaire de 10 kg | ||
Cumul de manutentions de charges | 7,5 tonnes cumulées par jour | 120 jours par an | |
Postures pénibles | Maintien des bras en l’air à une hauteur située au-dessus des épaules ou positions accroupies ou à genoux ou positions du torse en torsion à 30 degrés ou positions du torse fléchi à 45 degrés. | 900 heures par an | |
Vibrations mécaniques | Vibrations transmises aux mains et aux bras | Valeur d’exposition rapportée à une période de référence de 8 heures de 2,5 m/s2 | 450 heures par an |
Vibrations transmises à l’ensemble du corps | Valeur d’exposition rapportée à une période de référence de 8 heures de 0,5m/s2 | ||
Agents chimiques dangereux | Exposition à un agent chimique dangereux relevant d’une ou plusieurs classes ou catégories de danger définies à l’annexe I du règlement (CE) n°1272/2008 et figurant dans un arrêté ministériel. | Le seuil est déterminé, pour chacun des agents chimiques dangereux, par application d’une grille d’évaluation prenant en compte le type de pénétration, la classe d’émission ou de contact de l’agent chimique concerné, le procédé d’utilisation ou de fabrication, les mesures de protection collective ou individuelle mises en œuvre et la durée d’exposition, qui sera définie par arrêté ministériel. | |
Activités exercées en milieu hyperbare | Interventions ou travaux | 1 200 hectopascals | 60 interventions ou travaux par an |
Températures extrêmes | Température inférieure ou égale à 5 degrés Celsius ou au moins égale à 30 degrés Celsius | 900 heures par an | |
Bruit | Niveau d’exposition au bruit, rapporté à une période de référence de huit heures d’au moins 80 décibels (A) | 600 heures par an | |
Exposition à un niveau de pression acoustique de crête au moins égal à 135 décibels | 120 fois par an | ||
Travail de nuit | Une heure de travail entre 24 heures et 5 heures | 100 nuits par an (2) | |
Travail en équipes successives alternantes | Travail en équipes successives alternantes impliquant au minimum une heure de travail entre 24 heures et 5 heures | 30 nuits par an (3) | |
Travail répétitif | Temps de cycle inférieur ou égal à 30 secondes : 15 actions techniques ou plus | 900 heures par an | |
Temps de cycle supérieur à 30 secondes, temps de cycle variable ou absence de temps de cycle : 30 actions techniques ou plus par minute |
(1) Lorsque la durée minimale d’exposition est décomptée en nombre d’heures par an, le dépassement du seuil est apprécié en cumulant les durées pendant lesquelles se déroulent chacune des actions ou pendant lesquelles chacune des situations sont constatées (Code du travail, article D.4163-4).
(2) Pour 2023, le nombre de nuits requis est de 113
(3) Pour 2023, le nombre de nuits requis est de 43