Chute du mur de Berlin il y a 25 ans !
Il y a 25 ans, il faisait la fête et disait au revoir au mur ! Journaliste d’origine, Peter Seideneck a assumé plusieurs responsabilités au sein de la Confédération allemande des syndicats, la DGB, depuis 1974, puis de la Confédération européenne des syndicats (CES) comme conseiller du secrétaire général, puis conseiller des relations extérieures, notamment pour la région des Balkans et des pays arabes.
Où étais-tu le 9 novembre 1989 ?
J’étais à Düsseldorf, le 9 novembre 1989. La nouvelle tombe. Je prends le téléphone et j’appelle ma femme Monique qui était avec sa famille en France. Puis j’ai parlé avec mon ami Wolfgang Templin, un dissident qui a été expulsé en 1988 avec quelques-uns de ses amis. Et puis je suis allé à la gare et j’ai pris le premier train vers Berlin. Et on a fait la fête : nous avons dit au revoir au mur !
Quel témoignage peux-tu apporter sur cet événement imprévisible ?
Quelques mois plus tard, j’ai pris la direction du bureau de liaison de la DGB à Berlin, d’abord dans la maison de la centrale de la FDGB (l’homologue de la DGB en République démocratique allemande, RDA, ex-Allemagne de l’Est) qui était en train de disparaître. L’opposition démocratique avait l’espoir de pouvoir réformer la RDA et de la mener dans une fédération avec la RFA (République fédérale d’Allemagne), une proposition qui était aussi soutenue par une grande partie de la classe politique en Allemagne et par le chancelier Helmut Kohl.
Cette voie aurait probablement changé la suite du processus : une RDA sur des bases démocratiques rentrant avec dignité dans une nouvelle Allemagne. Mais le peuple en a décidé autrement. Reste qu’il y a eu absence complète de connotations nationalistes. À la fin, le système de la RFA a pris les devants. Et l’opposition démocratique, avec ses ambitions et rêves, est restée sur le bord de la route.
Comment s’est situé le mouvement syndical européen dans le contexte de l’époque ?
La DGB était devant un challenge énorme. Reconstruire une nouvelle organisation syndicale en RDA n’était plus possible face à la dynamique populaire. La DGB et ses fédérations étaient obligées de prendre l’initiative. Nous étions dans l’embarras et devant des épreuves énormes. Une première réunion de l’assemblée syndicale de la DGB se tenait au mois de novembre 1990 à Berlin, un instant certainement historique.
Les syndicats européens étaient surpris, eux aussi, par les événements. J’ai reçu à titre individuel la visite de quelques amis, parmi eux le futur secrétaire général de la CES Emilio Gabaglio, et l’ancien secrétaire international de LO-Norvège. Finalement, j’ai réussi à organiser un groupe de travail avec les affiliés de la CES, qui s’est tenu dans une ancienne école de la Stasi. Une situation incroyable !
Une deuxième rencontre s’est déroulée avec des syndicalistes des Pays-Bas, dans un village près de la frontière avec la Pologne. Par la suite, une réunion de notre groupe de travail « élargissement » s’est organisée, « à cheval » entre la Pologne et l’Allemagne. Les participants étaient obligés de passer les contrôles frontaliers deux fois par jour. Cela nous a aidés à encore mieux apprécier une Europe sans frontières.
Penses-tu que l’action de Solidarnosc ait précipité cette ouverture de l’Europe ?
Solidarnosc, avec comme précurseurs les événements à Berlin, à Poznan et à Budapest dans les années cinquante, a sans doute pavé le chemin vers un renouveau de l’Europe démocratique. Mais c’est aussi la banqueroute complète, économique, politique et morale du système soviétique qui a fait tomber le mur de Berlin.
Quel bilan peux-tu tirer de ces bouleversements européens ?
« Globalement positif », a répondu Georges Marchais quand on lui a demandé de tirer le bilan du « socialisme » de type soviétique. Il a eu tort. Je reprends ses mots pour tirer le bilan de l’unification de l’Allemagne et je pense que j’ai raison.
Propos recueillis par Jean-Pierre Bobichon