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Jérôme VIGNON : À Calais, « les pas d’après » doivent faire sens !


Questions à Jérôme Vignon Président de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’inclusion sociale En septembre dernier, Jérôme Vignon se voyait confier avec Jean Aribaud, préfet honoraire, une mission par Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, pour mieux appréhender la situation des populations migrantes dans le Calaisis et élaborer des propositions. Leur rapport a été remis le 1 juillet dernier.

Quel constat faire de la situation des populations immigrées à Calais ?

La situation des migrants dans le Calaisis reste marquée par une grande précarité. Les personnes, des hommes surtout, vivent dans des abris de fortune. Avec les arrivées du printemps, la promiscuité des groupes de nationalités parfois hostiles est source récurrente de tensions. En même temps, le centre Jules Ferry, ouvert en avril dernier par l’État, sert deux repas par jour, propose des douches, assure les soins de première nécessité et un hébergement aux femmes et aux enfants.

Des forces de la société civile organisent la solidarité, qu’en pensez-vous ?

À Calais, depuis des décennies, la société civile organise une solidarité remarquable autour des migrants. Les associations invitent les migrants à faire part de leurs besoins, de leurs projets. Calais est un laboratoire de la société civile en renouvellement permanent. Mais la solidarité organisée par la société civile ne peut être à la hauteur du défi. L’apport des associations ne peut qu’être complémentaire. L’engagement de l’État est décisif. La qualité des relations entre l’État régalien et le tissu associatif est une dimension stratégique. La base de la communication consiste à reconnaître que le souci humaniste est totalement partagé de part et d’autre.

Quelles perspectives préconisez-vous dans votre rapport ?

Notre rapport est intitulé « Le pas d’après ». Comment surmonter les craintes qui paralysent, y compris celle de « l’appel d’air » ? Nos deux premières préconisations portent sur la coopération avec nos voisins, l’Italie et le Royaume Uni, les plus directement concernés par ce flux migratoire européen quasi permanent qui s’est établi depuis les rives de la Grèce et de l’Italie. Cette coopération consiste dans une forme de mutualisation des responsabilités liées à l’accès à la demande d’asile (qu’il ne faut pas confondre avec les tâches qui découlent de l’octroi effectif d’un statut de réfugié ou assimilé). Elle s’inscrit dans la proposition de « relocalisation » solidaire, mise sur la table par la Commission Juncker, comme aussi notre proposition d’instaurer un « groupe pionnier » de pays qui appliqueront de manière intelligente le règlement de Dublin III sans attendre sa révision inévitable.
Dans un contexte européen clarifié, on pourra mettre en œuvre les autres propositions du rapport qui consistent à systématiser des lieux de « mise à l’abri », dispersés en Europe. Ils permettront une pause et une réflexion des migrants face aux perspectives qui s’offrent réellement à eux. On pense évidemment à l’asile. Mais tous ne peuvent y prétendre, à moins de dénaturer ce droit que l’on souhaite au contraire renforcer. Là se situe une vérité qui ne plaira pas à tout le monde : celle du retour vers des pays d’origine lorsque cela est possible, celle d’un statut intermédiaire pour ceux qui ne peuvent ni bénéficier d’une protection, ni rentrer chez eux.
Ces « petits pas d’après » que nous proposons n’ont de sens que s’ils font sens pour les Français et les Européens en général. Ils se situent donc sur un chemin plus vaste, celui d’un avenir commun à construire avec les migrants et l’Afrique d’où qu’ils viennent.

Propos recueillis par Jean-Pierre Bobichon

Jérôme Vignon, Président de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’inclusion sociale