Alertes dans les Ehpad sur les conditions de travail
Malaise dans les établissements d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes (Ehpad). Les conflits des soignants de cet été révèlent un besoin de transformation des conditions de travail des personnels et des conditions de vie des résidents. À cela s’ajoute la réforme tarifaire et budgétaire. Syndicats, associations et organismes professionnels réagissent.
Conditions de travail dégradées, manque de personnel et de formation, faible rémunération et reconnaissance insuffisante des métiers, les soignants et les représentants des usagers poussent un cri d’alarme devant la maltraitance institutionnelle qui en découle. Exemples : impossibilité d’effectuer une douche quotidienne, de les accompagner rapidement aux toilettes, temps limité au prendre soin, tensions avec des résidents et des familles. Les tâches sanitaires s’amplifient au détriment du relationnel.
Dès 2011, la fédération Santé-Services sociaux, à partir de son enquête nationale, révélait la souffrance au travail des personnels des Ehpad. La nouvelle enquête de 2017, « Parlons effectifs », confirme l’aggravation. « Un taux d’absentéisme moyen de 10 % et un taux d’accident du travail – deux fois supérieur à la moyenne nationale du secteur de la santé – sont des baromètres significatifs de l’épuisement des professionnels », indique le syndicat national CFDT des cadres et directeurs (Syncass). Certains salariés, motivés mais débordés, se découragent, d’autres s’impliquent peu, les résidents le ressentent, notent des conseils de la vie sociale (CVS).
Des moyens adéquats attendus
Les Ehpad sont et seront de moins en moins adaptés à l’évolution des résidents entrant de plus en plus âgés et atteints de multiples pathologies et de maladies cognitives. L’avancée en âge avec une perte d’autonomie accrue implique des moyens et des approches adéquats dans les établissements. Le bien-être au travail, les moyens et les qualifications, le type de gestion du personnel, le développement d’une culture de la bientraitance ont des impacts directs. La qualité des soins suppose aussi le renforcement des approches collectives et préventives par le dialogue social, la participation et la représentation, à la fois des personnes concernées, des aidants familiaux, des représentants des usagers et du personnel à partir du CVS.
À ces difficultés se mêle la culpabilisation des familles contraintes de placer leurs proches en établissement sans parler du reste à charge financier, pour les résidents et leurs familles, qui devient de plus en plus insupportable. Pour la CFDT retraités, une réforme est à entreprendre à partir du volet 2 de la loi « vieillissement ». Le Syncass CFDT insiste également sur la réforme tarifaire et budgétaire en cours, les baisses de financements publics depuis 2008 qui réduisent les moyens et les marges de manœuvre des Ehpad, donc la qualité des prestations. De plus, des prestations qui concourent à la bientraitance ne sont pas financées dans le budget attribué aux soins.
Imaginer l’Ehpad de demain
Face à ces aggravations, une mission flash de l’Assemblée nationale a auditionné en septembre une trentaine d’associations, syndicats et organismes. Les constats et propositions sont partagés par tous, y compris la médicalisation insuffisante, les difficultés de recrutement compte tenu des emplois peu attractifs. Des suites sont attendues et annoncées sur l’ensemble des points, dont la valorisation du métier d’aide-soignant, le maintien de contrats aidés, la télémédecine, les infirmiers de nuit, une plus grande transparence sur la qualité des soins, et surtout une réflexion publique pour imaginer l’Ehpad de demain, y compris « l’Ehpad à domicile ».
Médias, opinion publique et politiques sont sensibilisés. Il reste à maintenir la pression pour améliorer de manière significative les conditions de travail des salariés afin que les résidents puissent bénéficier d’une prise en charge et d’un accompagnement humain de qualité.
Jacques Rastoul