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Chronique d’un massacre annoncé au Rwanda en 1994


Voilà tout juste vingt ans, le Rwanda sombrait dans l’horreur absolue. « Le pays aux mille collines » allait être le théâtre, entre avril et juillet 1994, des pires atrocités perpétrées contre des familles entières au seul motif de leur origine.

En une centaine de jours s’est déroulé un génocide visant à éliminer la population tutsie. Une situation qui couvait de longue date, fruit d’une politique coloniale (d’abord allemande puis belge) ayant d’emblée créé une hiérarchie entre les différentes ethnies en présence. De fait, cette option allait historiquement susciter des antagonismes forts, notamment entre populations hutu et tutsi.

D’année en année, les relations entre ces deux communautés n’ont fait que s’envenimer. Ainsi dès les années 70 200 000 Hutus seront massacrés au Burundi. La logique en place allait brusquement empirer au début de la décennie 90. Au gouvernement rwandais dirigé par les Hutus va s’opposer le Front patriotique rwandais mené par les Tutsis. Le conflit va brusquement dégénérer le 6 avril, lorsque l’avion transportant les Présidents rwandais et burundais est abattu par un missile.

Abattez les grands arbres

Le choc suscité constituera le point de départ d’une gigantesque extermination méthodiquement organisée. Un cri de haine distillé notamment par « la radio des mille collines » appelant, au travers d’une formulation codée « abattez les grands arbres », la population hutue à exécuter sommairement et immédiatement tout Tutsi. Un déferlement également fatal à tout Hutu protégeant les Tutsis.

Les lieux traditionnellement considérés comme protecteurs comme les églises ou les écoles allaient se refermer comme de véritables pièges et se transformer en sites de massacres collectifs. Entre 800 000 et un million de morts seront dénombrés. Un bilan abominable qui aurait pu être évité si les instances internationales, maintes fois alertées, avaient rempli leur rôle.

Pardonner sans oublier

Après la mise en place d’instances juridictionnelles tant au niveau international (avec l’instauration d’un Tribunal pénal international) que rwandais, le pays est entré officiellement dans une phase de réconciliation nationale. Depuis 2013, les autorités ont mis en place un processus invitant chaque Hutu à un repentir et chaque Tutsi au pardon. Néanmoins, des polémiques demeurent.

Des crimes restés impunis, l’attentat contre l’avion présidentiel en 1994 inexpliqué à ce jour, la mise en cause par le Rwanda de l’attitude internationale dont celle de la France lors du drame sont autant de marques de blessures restées profondes. La situation demeure tendue dans la plupart des pays frontaliers, en particulier la République démocratique du Congo, l’Ouganda et le Burundi qui ont connu ou connaissent encore des conflits interethniques. En dépit de quelques motifs d’espoir, la vigilance reste toujours de mise dans cette région du monde où le moindre incident peut engendrer de graves conséquences.

Jean-Paul Rueff

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