« Comment ça va, la vie intime et sexuelle ? » 2/6
« Comment ça va, la vie intime et sexuelle ? » Plutôt bien, si l’on en croit les résultats de l’enquête des Petits frères des pauvres sur la vie affective, intime et sexuelle des personnes âgées (1). Et ce n’est pas une nouveauté !
Sommaire du dossier
– Parlez-moi d’amour 1/6
– « Comment ça va, la vie intime et sexuelle ? » 2/6
– Ils témoignent 3/6
– Des résidents d’Ehpad saisissent la Défenseure des droits 4/6
– Dans les Éhpad, « s’assurer du consentement des partenaires » 5/6
– « La sexualité, c’est comme le sport, ne vous arrêtez pas ! » 6/6
Bien que rares, les différentes enquêtes réalisées au fil du temps, en France et à l’étranger, vont dans ce sens, comme le confirme le sexologue Sébastien Doerper dans l’interview qu’il nous a accordée ( -« La sexualité, c’est comme le sport, ne vous arrêtez pas ! » 6/6 à paraitre mercredi 26 avril). Eh oui, cette étude très sérieuse, tant sur le plan quantitatif que qualitatif, bat en brèche bien des idées reçues sur ces thèmes jusqu’ici peu documentés. Ainsi, contrairement à l’un des clichés sur l’érosion de l’amour, 94 % des personnes interrogées (de 60 ans et plus) vivant en couple, soit plus de 10 millions de Français, affirment être amoureuses de leur conjoint, et ce sentiment varie peu avec le temps, quels que soient l’âge et l’ancienneté du couple. On repassera pour l’usure du couple !
Et pour expliquer, au moins en partie, ce chiffre, un autre résultat montre que pour 71 % des personnes âgées, « un corps qui vieillit peut rester désirable ». Mieux : 41 % des plus de 80 ans se trouvent séduisants ! Pas étonnant dans ces conditions qu’une personne sur deux (52 %) dit avoir une vie intime. Les hommes sont plus nombreux à maintenir une activité sexuelle (65 %) que les femmes (42 %) et logiquement les personnes en couple (74 %) plus que les personnes seules (20 %). Mais surtout, 91 % des personnes interrogées se disent satisfaites de leurs relations intimes, et les femmes plus que les hommes (56 %).
À l’aise avec leur sexualité
Avec l’avancée en âge, les rapports sexuels diminuent doucement. Mais les 80-84 ans sont encore 32 % à avoir une vie intime et 8 % au-delà de 85 ans. Évidemment, la vie intime, ce n’est pas que des relations sexuelles. L’enquête l’affirme, « pour les aînés, l’essentiel dans le couple, c’est la complicité, le rire et les confidences ». Ainsi, complicité et rire ensemble sont les items qui arrivent en tête avec 94 %, se confier à l’autre 93 %, s’embrasser 83 %, s’endormir ensemble 80 %, avoir des relations intimes 72 %, se tenir la main 59 %. Les hommes sont plus nombreux que les femmes à considérer les relations intimes comme essentielles et importantes.
Les personnes âgées ne seraient pas à l’aise avec la sexualité : encore un tabou qui tombe ! Ils sont 84 % à déclarer être à l’aise avec ce sujet. En revanche, plus d’une personne sur deux considère le sujet tabou dans la société. Évidemment, on ne s’en ouvre pas à tout son entourage. 79 % se confient plutôt à des amis, 27 % à des membres de la famille en dehors des enfants, 14 % à un professionnel de santé et 26 % à leurs enfants.
La précarité, facteur de solitude
Si certains arrivent à parler de leur sexualité à un ou plusieurs de leurs enfants, en revanche, 35 % estiment que la pression de leurs enfants est un frein à de nouvelles rencontres et à une nouvelle vie intime. Chez les personnes seules, 20 % redoutent encore la pression de leurs enfants. Et ces personnes vivant seules sont 7 millions dans notre pays, soit 38 % des 60 ans et plus. Le phénomène touche davantage les femmes à 44 % contre 30 % des hommes. L’entrée dans le grand âge (à partir de 80 ans) se traduit par un renforcement de cette tendance : ils sont 54 % à vivre seul entre 80 et 84 ans et 65 % chez les plus de 85 ans. L’enquête montre également une forte corrélation entre précarité et vie solitaire. Ainsi, 81 % des plus de 60 ans ayant des revenus mensuels inférieurs à 1 000 € vivent seuls. À l’inverse, 7 % des personnes touchant des revenus supérieurs à 4 500 € vivent seules.
Pour autant, cette solitude n’est pas forcément subie. Sur les 7 millions de personnes seules, 85 % d’entre elles ne veulent pas vivre en couple contre 14 % qui le souhaiteraient. Pour 48 %, c’est un choix délibéré. 20 % ne souhaitent pas vivre en couple par fidélité à leur ancien conjoint et 24 % parce qu’elles estiment que c’est trop tard. Enfin, 9 % avancent l’argument du besoin de liberté et d’indépendance. Chez les 14 % qui souhaiteraient vivre en couple, « ne pas se sentir seule » est la raison principale invoquée. Le sentiment de solitude, bien qu’en baisse par rapport aux années précédentes, pèse au moins de temps en temps pour 28 % de la population étudiée contre 31 % en 2017. L’enquête révèle que les femmes sont davantage exposées à la solitude ainsi que les plus de 85 ans et les faibles revenus.
Des préconisations partagées par la CFDT Retraités
Face à ces résultats, les Petits frères des pauvres préconisent une dizaine de solutions. Parmi celles-ci, on trouve : faciliter la vie de couple dans les établissements avec refonte de la tarification, lutter contre l’exclusion numérique des personnes âgées, intégrer la dimension affective, intime et sexuelle dans la lutte contre l’isolement, soutenir les lieux de convivialité pour personnes âgées, inclure un module sur la vie intime et sexuelle dans tous les parcours de formation des professionnels de santé et inclure cette thématique dans les ateliers de prévention des caisses de retraite.
« Nous partageons l’essentiel des préconisations des Petits frères des pauvres, affirme Dominique Fabre, la secrétaire générale de la CFDT Retraités, elles confortent ce que nous disons depuis longtemps, et notamment qu’il faut changer le regard de la société sur les personnes âgées qui ont aussi besoin d’une vie sexuelle et affective, l’âge n’est pas un obstacle. Ces questions doivent être abordées sans tabou. Nous regrettons que ce sujet ne soit pas plus souvent traité. Le Conseil national de la refondation sur « Le bien vieillir », au lieu de ressasser les difficultés du grand âge que nous connaissons déjà, devrait aussi s’intéresser à d’autres aspects de la vie des personnes âgées. Mais pour l’heure [À la mi-janvier], les retours que nous en avons sont décevants. »
Didier Blain
(1) Enquête réalisée en avril 2022 par le CSA, avec le soutien de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, auprès d’un échantillon de 1 500 personnes âgées de 60 ans et plus représentatif de la population française métropolitaine.
Pour aller plus loin Retrouver l’intégralité de l’enquête des Petits frères des pauvres : Vie affective, intime et sexuelle des personnes âgées.La feuille de route du ministère des Solidarités et de la Santé sur la santé sexuelle 2021-2024 : Rester en bonne santé tout au long de sa vie.