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Crise ukrainienne : « L’Europe est une invitation à l’effort solidaire »


Le 25 mai prochain, date des élections européennes, sera aussi, si les conditions sont réunies, la date fixée pour l’élection du nouveau Président ukrainien. Un fort taux de participation est attendu. Depuis la révolte du 21 novembre à Kiev, puis l’annexion de la Crimée le 16 mars par l’URSS, nombre de pays occidentaux ne reconnaissent pas ce qu’ils dénoncent comme une « annexion ». La Pologne, l’Allemagne et la France ont joué un rôle déterminant pour mettre fin aux cycles de violences en Ukraine. 10 ans après l’adhésion de la Pologne à l’Union européenne, Tomasz Orlowski, ambassadeur de la république de Pologne en France, nous livre son analyse de ces événements.

La Pologne, l’Allemagne et la France ont été actives pour tenter de trouver une issue à la situation en Ukraine. Qu’en dites-vous ?

Tomasz Orlowski. L’objectif de cette mission était de calmer la situation et d’enclencher un processus de dialogue national entre le Maidan (NDLR : nom de la place de l’Indépendance à Kiev qui a donné son nom à l’opposition au Président Ianoukovitch) et les autorités en place. Il ne s’agissait en aucun cas d’obtenir le départ du Président. Dans l’organisation du protocole de transition démocratique, M. Ianoukovitch avait un rôle à jouer. Il avait la possibilité de se représenter aux élections. Il s’est dessaisi lui-même du pouvoir en fuyant le pays. Sa désertion, dont nous ignorons les raisons, a provoqué une dégradation inattendue de la situation, et une remise en question du projet de transition. Il a fui en tant qu’homme, il a déserté en tant que président de la République.

Une situation explosive

Le mouvement de révolte ukrainien a démarré le 21 novembre, après l’annonce par le Président Ianoukovitch de la suspension des relations avec l’UE, alors qu’un accord d’association entre l’Ukraine et l’UE était sur le point d’être signé. Des étudiants et des opposants de Viktor Ianoukovitch ont aussitôt convergé vers le centre-ville de la capitale et de plusieurs autres villes, occupant à Kiev le Maidan, la place de l’Indépendance, pour demander au Président de tenir les engagements qu’il avait pris. Conséquence directe : depuis le 16 mars dernier et le référendum en Crimée sous couvert de la Russie de Vladimir Poutine, cette région de l’est de l’Europe est devenue un véritable casse-tête, la Crimée, région autrefois ukrainienne, a été rattachée à la Russie.
10 ans après l’adhésion des pays d’Europe centrale et orientale à l’Union européenne, qu’en sera-t-il de l’Ukraine, indépendante depuis le 24 août 1991, de ses 45 millions d’habitants, et de son territoire dont une partie de la frontière longe quatre États membres de l’Union européenne : Pologne, Slovaquie, Hongrie, Roumanie ?
La mobilisation populaire, trop souvent réduite aux réalités de forces d’extrême droite qui ont utilisé ces soulèvements populaires, a fait une centaine de morts et de nombreux blessés. Mourir ou être blessé pour la défense des valeurs de l’Union européenne en 2014 !
J.-P.B.
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Existe-t-il des similitudes dans la réaction des pays européens avec ce qui s’est passé en Pologne dans les années 1980 avec Solidarnosc ?

Tomasz Orlowski. La situation est très différente. En 1980, les événements en Pologne ont déclenché un processus politique qui s’est réalisé sur dix ans. Avec la guerre froide et l’équilibre de la peur, la dynamique était beaucoup plus lente que ce que nous connaissons aujourd’hui en Ukraine. L’URSS était par ailleurs dominée par une gérontocratie pour qui la notion d’État primait sur la vie humaine. Enfin, Gorbatchev a été l’interlocuteur indispensable de l’espace de dialogue et de négociation. Quant à Kiev, nous avons essayé de créer une discussion entre l’opposition et le Gouvernement, entre la Russie et l’Ukraine, sans y parvenir vraiment.

Il n’y a quasiment pas en Ukraine de mouvement structuré de la société civile, comme Solidarnosc qui a eu un effet positif, rassurant et structurant.

Tomasz Orlowski. Un mouvement populaire s’est constitué lors des manifestations de l’opposition de novembre dernier. Sans mettre en doute la légitimité des autorités du pays, ses partisans ont exprimé leur mécontentement face à la décision du Président Ianoukovitch de refuser de signer l’accord d’association avec l’UE. Ce mouvement a pris de l’ampleur et a fini par dégager ses propres dirigeants. Mais il est évident qu’il n’est pas structuré de la même manière que Solidarnosc qui, à l’époque, comptait 10 millions de Polonais inscrits. Ce syndicat était aidé par l’Église, consolidé par une vie intellectuelle d’opposition et de contestation du régime.

Nous refusions alors avec force la propagande russe disant qu’il y avait eu un coup d’État nationaliste et néonazi. L’influence russe exercée sur l’opinion était injuste et mensongère. Mais il est vrai qu’il existe dans le mouvement informel ukrainien d’aujourd’hui des courants radicaux qui nous inquiètent.

Que pensez-vous de l’organisation du référendum en Crimée et de ses résultats ? Quelles conséquences peut-on envisager dans l’immédiat pour l’Ukraine et l’Europe ?

Tomasz Orlowski. Ce référendum est un acte illégal qui, en tant que tel, n’a pas été reconnu par la communauté internationale, y compris par la Pologne. D’ailleurs, un acte politique d’une telle envergure ne se prépare évidemment ni en dix jours et ni sous surveillance de forces armées étrangères. Avec ce référendum, nous avons été confrontés à ce qu’on appelle « la politique du fait accompli », alors que nous souhaitons exactement le contraire. Nous voulons tout tenter pour éviter l’irréparable. C’est ce que la Russie cherche à faire. C’est inacceptable.

Nous avons toutes les raisons de craindre que la séparation de la Crimée ne soit pas un chapitre clos. Car alors, que dire de l’Ukraine orientale, de celle du Sud, de la Moldavie, et de la Transnistrie ?

Le 1er mai a marqué le 10e anniversaire de l’élargissement de l’UE aux pays d’Europe centrale et orientale, ainsi que Chypre et Malte. Quel bilan tirez-vous de ces dix années, notamment sur le plan économique et social ?

Tomasz Orlowski. En 2004, la classe politique européenne a commis une grave erreur de communication : elle n’a pas su présenter l’élargissement comme le signe d’un succès et de vitalité du projet européen. Le silence a laissé le champ libre au populisme. Si l’on continue de rester silencieux, il y a de fortes chances que les élections européennes du 25 mai prochain soient une élection-sanction des partis politiques pro-européens.

L’UE n’est pas un club où l’on attend d’être servi, mais une invitation à l’effort. Et dans cet effort, il faut être solidaire. Cette solidarité entre les pays démocratiques constitue le fondement des politiques européennes. Ceux qui contestent aujourd’hui l’élargissement d’une zone démocratique de liberté et de prospérité contestent l’idée même de la construction européenne, telle qu’elle avait été envisagée par Robert Schuman dès 1950.

Cette année, sera célébré le 25e anniversaire de la table ronde en Pologne qui a ouvert la voie à la démocratie politique, sociale, citoyenne. Que pouvez-vous dire de cet événement et du chemin parcouru ?

Tomasz Orlowski. Sans cette table ronde, nous n’aurions jamais pu engager d’importantes réformes politiques, économiques et sociales qui nous ont permis d’intégrer l’UE. En 25 ans, nous avons organisé un État économiquement fiable, politiquement stable et socialement sensible. La Pologne est devenue un élément fort du paysage européen. Elle fait rayonner sa stabilité dans les pays avoisinants et apporte aide et assistance à ses partenaires occidentaux. Pour célébrer ce 25e anniversaire, notre Président souhaite organiser une grande fête de la liberté à Varsovie le 4 juin prochain.

Propos recueillis par Jean-Pierre Bobichon

Tomasz Orlowski, ambassadeur de Pologne en France, à gauche Jean-Pierre Bobichon

Nouvelles menaces sur l’Ukraine ?

L’Ukraine connait un nouveau regain de tension. La situation est toujours très tendue dans l’Est du pays. Des séparatistes pro-russes tenaient tête au gouvernement pro-européen de Kiev. Ils s’étaient emparés du commissariat de la ville d’Horlivka, dans la province de Donetsk.
De son côté, Olexander Tourtchinov, le Président ukrainien par intérim, a affirmé que les dirigeants ukrainiens n’étaient « pas contre » la tenue d’un référendum dans l’Est du pays, au même moment que la présidentielle le 25 mai.
Est-ce que cette échéance du 25 mai sera respectée ? Tout est fait en tous cas par la Russie pour qu’il n’en soit pas ainsi. C’est une nouvelle atteinte grave inadmissible à la vie démocratique d’un État souverain.
J.-P.B.

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