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De l’avortement illégal à la loi constitutionnelle sur l’IVG


Le 4 mars 2024, la Constitution française a été modifiée par l’introduction d’une phrase dans l’article 34 : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. »

Cinquante ans après la loi Veil qui autorise l’interruption volontaire de grossesse, cette inscription offre une garantie supplémentaire. Un changement de loi peut conduire à un retour en arrière, comme ce fut le cas récemment aux USA. Pour solenniser cette loi constitutionnelle, une cérémonie de scellement a eu lieu pour la première fois en public.

Le garde des Sceaux appose un cachet de cire sur le ruban tricolore de la loi. Cette tradition millénaire servait à garantir l’authenticité d’un document. Le scellement est encore utilisé pour les textes à forte portée symbolique mais, juridiquement, est remplacé par la publication au Journal officiel.

Une réalité occultée

Depuis toujours, les femmes ont cherché à interrompre une grossesse non désirée. Déjà, au XVIe siècle avant J.-C., un des plus anciens traités médicaux, le papyrus Ebers, contient des prescriptions pour avorter. Mais ce type d’écrit est rare. Dans le monde romain, puis dans l’Occident médiéval chrétien, cet acte est sévèrement puni.

Avorter se fait dans la clandestinité avec des pratiques douloureuses à l’issue souvent mortelle. En France, si la Révolution de 1789 se montre moins répressive, le Code Napoléon en 1804 est un monument de misogynie et instaure un patriarcat d’une rigueur absolue qui va perdurer un siècle et demi. Selon Napoléon, « l’enfant appartient au mari de la femme comme la pomme au propriétaire du pommier ».

Longtemps les femmes souhaitant interrompre leur grossesse sont condamnées à aller voir les « faiseuses d’ange », les « tricoteuses ». La première moitié du XXe siècle continue de nier la réalité et l’avortement est sévèrement réprimé, car l’État développe une politique nataliste après le déficit démographique de la guerre de 1914-1918. Même violence avec Pétain. Une loi fait de l’avortement « un crime contre la société, l’État et la race », puni de la peine de mort. Pour avoir réalisé des avortements, Marie-Louise Giraud est guillotinée en 1943. Des avortées ou avorteuses sont condamnées aux travaux forcés.

Les combats féministes

Après la Seconde Guerre mondiale, les combats féministes obtiennent des victoires. L’avortement thérapeutique est autorisé. En 1971, le Manifeste des 343, où 343 femmes célèbres ou inconnues annoncent avoir avorté, révèle au grand jour un fait de société que nul ne peut plus faire semblant d’ignorer. Le mouvement Choisir, créé par Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir, défend devant les tribunaux la cause des femmes. L’année suivante, le procès de Bobigny démontre l’iniquité de la loi. Une jeune fille de 16 ans, violée et dénoncée pour avortement par son agresseur, est poursuivie en justice. Elle est acquittée grâce aux plaidoiries de Gisèle Halimi. Le retentissement de ce procès est immense.

La ministre de la Santé Simone Veil porte devant l’Assemblée, en 1974, un projet de loi qui autorise l’IVG. Les débats sont houleux, les attaques violentes, mais la loi est votée pour une période de cinq ans, puis reconduite définitivement. La société mûrit dans le respect qu’elle porte aux femmes et, un demi-siècle plus tard, l’inscription de l’IVG dans la Constitution sera votée par les deux Chambres dans un climat beaucoup plus apaisé.

La France est le premier pays au monde à avoir inscrit dans sa Constitution cette liberté fondamentale, qui garantit à chaque femme la libre disposition de son corps. Il est maintenant souhaitable que les structures médicales permettent le plein exercice de ce droit.

[Françoise Berniguet