UNION CONFÉDÉRALE CFDT DES RETRAITÉS

Action internationale


De la crise grecque à celle de l’euro ?


Est-ce que la crise frappant la Grèce menace l'euro ? Les « manques d'Europe » apparus au cours de « cette crise dans la crise » permettront-ils finalement de dépasser les égoïsmes ? Provisoirement, c'est oui.

Solidarités avec les Grecs

La CFDT prend acte de l’accord du 2 mai entre le gouvernement grec, la zone euro et le FMI (Fonds monétaire international) pour une aide à la Grèce. (…)

La CFDT exprime sa solidarité avec les travailleurs grecs pour qu’ils ne deviennent pas les boucs émissaires des décisions erronées prises par les gouvernements successifs et les principales victimes des mesures de redressement des comptes publics. Le message de l’Europe envers le peuple grec doit être celui de la solidarité et non celui de la rigueur imposée.

La CFDT observe avec une grande inquiétude les exigences de L’Union européenne et du Fonds monétaire international, qui conditionnent leur aide à l’application de mesures d’austérité de plus en plus dures.

Ces mesures prévoient une réduction radicale des revenus et des pensions de retraite, ainsi que d’importantes augmentations fiscales. Elles sont injustes pour la population déjà atteinte par la crise financière et sociale mondiale.

La CFDT soutient les organisations syndicales grecques dans leurs efforts de lutte pour l’adoption de mesures socialement acceptables et négociées avec les syndicats. (…)

Source : Communiqué de presse CFDT du 3 mai 2010.

Une dette publique de 297 milliards d’euros, soit 120% du PIB. Un déficit public de 12,7% du PIB (2009). Un coût élevé du crédit passant de 6,24% à 7,5% (début avril 2010). Spéculation sur les marchés, attaques contre l’euro : la Grèce s’en remettra-t-elle ?

Le gouvernement grec a présenté mi-janvier un premier plan de « stabilité » puis en mars un nouveau plan d’austérité devant rapporter 4,8 milliards d’euros d’économies, avec augmentation de 2% de la TVA (portée à 21%), des taxes sur les alcools, le tabac, les carburants, des réductions salariales dans la fonction publique et le gel des retraites.

Plusieurs grèves générales, des transports ou de la fonction publique, se sont déroulées depuis février. Mais les divers gouvernements et institutions communautaires sont-ils sensibles à ce message social ainsi exprimé, focalisés qu’ils sont sur les seuls ratios de dette publique ?

La Grèce : un petit 2,5% du poids des pays de la zone euro

La Commission européenne a passé au crible en mars 2010 la crédibilité des programmes de réduction des déficits de 14 pays. Elle a estimé que les hypothèses de croissance retenues sont trop optimistes. Faut-il tabler sur l’ampleur des déficits pour faciliter la sortie de crise ou bien, au contraire, sera-t-elle une difficulté supplémentaire aggravant la récession ? Manifestement les réglages de la politique macro-économique sont, en cette période, très délicats à manier.

Quoiqu’il en soit, la Grèce ne représente seulement qu’environ 2,5% du poids économique de l’ensemble de la zone euro. Si on ajoute le Portugal, l’Espagne et l’Irlande, également en situation délicate, le poids de ces quatre pays représente alors 18% de la zone.

Situation de quelques pays parmi les 16 de la zone euro

Pays Chômage en 2009 Poids dans la zone euro Dette publique en % du PIB (2008)
Allemagne 7,5% 26,9% 65,9%
Espagne 18,9% 11,7% 39,7%
France 10% 21% 67,4%
Grèce 9,7% 2,6% 99,2%
Irlande 13,3% 2% 44,1%
Italie 8,5% 17% 105,8%
Portugal 10,3% 1,8% 66,3%

Poids dans la zone euro : rapport entre le PIB de chaque État et le PIB communautaire.
Les chiffres des colonnes 3 et 4 sont des chiffres 2008. Des chiffres plus récents colonne 4 seraient plus élevés
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Trois obstacles à franchir

Trois obstacles au moins se cumulent pour construire une politique européenne. Les obstacles juridiques résultent des traités de Maastricht et de Lisbonne et des statuts de la Banque centrale européenne (BCE). Ainsi, l’article 125 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne interdit, en principe, à un État membre de répondre des engagements financiers d’un autre État membre.

Les obstacles politiques résultent eux d’une méfiance entre États membres et d’une absence de volonté coopérative. L’attitude de l’Allemagne aura été singulière et surprenante : Angela Merkel dans un discours au Bundestag allant même jusqu’à évoquer - sous les applaudissements des parlementaires - la possibilité « d’exclure un pays de la zone euro s’il ne remplit pas ses obligations de façon répétée sur le long terme ».

L’opinion de son côté rechigne. La solidarité européenne ne semble guère être au rendez-vous, d’après un sondage Ifop(1) réalisé en mars 2010 en France, en Allemagne, en Espagne, en Italie, et au Royaume-Uni. Minoritaires sont les Européens estimant devoir par solidarité aider la Grèce. Plus encore, ils sont 86% à se dire « très » ou « plutôt inquiets » en pensant au déficit public et à la dette de leur propre pays.

Des réponses européennes lentes et laborieuses

Reste la question de la gouvernance européenne et notamment l’existence d’une monnaie unique qui ne peut jusqu’alors s’appuyer sur aucun des leviers de la politique économique (budget, fiscalité) et sur une surveillance macro-économique et financière digne de ce nom.

Le débat a d’abord porté sur la création d’une agence européenne de la dette, l’instauration d’un mécanisme de stabilité financière, la création d’un cadre de solidarité pour venir en aide aux pays qui traversent des difficultés temporaires... Des positions sont devenues très tranchées. Il a fallu du temps pour que les esprits se calment.

Depuis, les chefs d’État et de gouvernement déclarent soutenir « pleinement les efforts du gouvernement grec et son engagement … de prendre toutes les mesures nécessaires. Les Etats membres de la zone euro prendront des mesures déterminées et coordonnées, si nécessaire, pour préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble. »

À la réunion des ministres des Finances, les modalités techniques d’un dispositif d’assistance financière sont arrêtées. À la réunion des chefs d’Etat et de gouvernement des 16 pays de la zone euro, le mécanisme de soutien est enfin adopté.

Jean-Pierre Moussy

(1) Source : Ifop pour Fondation pour l’innovation politique, Les Européens face à la crise grecque, mars 2010.