UNION CONFÉDÉRALE CFDT DES RETRAITÉS

Notre activité


Des personnes âgées précaires et isolées


Si les jeunes sont plus touchés par la précarité, la part des personnes âgées de plus de 60 ans rencontrées dans les accueils du Secours Catholique (1) est en constante augmentation depuis 2000. Ce nouveau phénomène est pris au sérieux par l’association, qui a organisé un colloque le 26 novembre 2014 pour approfondir et mobiliser.

Les 55-64 ans sont les plus fragiles. Ils s’enfoncent souvent dans la précarité, suite à la perte de leur emploi. Les femmes seniors sont aussi particulièrement touchées par la pauvreté et l’isolement, notamment celles issues de l’immigration. Les emplois précaires qu’elles ont occupés pèsent doublement quand vient l’âge de la retraite.
Julien Damon, sociologue, spécialiste de la pauvreté et de l’exclusion (2), confirme l’observation du Secours Catholique à partir de 1,5 million de personnes accompagnées chaque année. « Alors qu’on assistait à une baisse significative des cas de pauvreté ces 30 dernières années, la tendance s’inverse aujourd’hui », souligne-t-il. Le nombre de femmes âgées précaires et isolées explose. Le sociologue poursuit : « Le véritable enjeu est de lutter contre cet isolement. Le travail des bénévoles est essentiel pour reconstruire le lien social, bien plus sûrement que le permet celui des services publics, sociaux et administratifs. »

Plus on vieillit, plus on est seul et invisible

Autre constat partagé par les participants : plus on vieillit, plus on est seul, souvent invisible et ignorant de ses droits. « 30 % des personnes en situation de précarité pouvant prétendre au minimum vieillesse n’en font pas la demande », affirme Jean-Pierre Bultez, de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale.
Seul, on devient à la fois invisible et vulnérable, souligne Rafael Ricardou, de l’association d’aide aux migrants GRDR (3), notamment en direction des femmes immigrées et âgées. Précaires, elles ont de graves problèmes financiers, plus de 200 000 sont veuves. « Quand ces personnes arrivent au guichet de la caisse de retraite avec 20 ou 30 ans de papiers dans un sac plastique pour tout résumé de sa vie, prend-on vraiment le temps de l’aider dans sa démarche ? »

Quand s’ajoute l’exclusion numérique

La révolution numérique et la dématérialisation des services de l’État aggravent la précarité des personnes âgées, particulièrement en milieu rural, indique Julien Damon. Si l’on ajoute la complexité administrative et l’illettrisme, notre société demeure plus excluante qu’accueillante.

Pour mobiliser l’opinion, la canicule de 2003 a provoqué un début de prise de conscience des conséquences de l’isolement. Jean-François Serres, qui dirige la plate-forme Monalisa (4), souligne l’importance de la mobilisation des bénévoles pour rompre l’isolement et prévenir leur situation de précarité, sans se substituer aux professionnels et aux familles.

Autre innovation, l‘association COS (5) intervient dans la prévention des ruptures par de multiples actions culturelles et sportives, jusqu’à l’expérimentation d’un « Ehpad hors les murs » par la visio-assistance.

Sur le plan européen, l’action est engagée. Par exemple par Age Platform Europe (6) qui favorise l’échange de bonnes pratiques en matière de lutte contre la discrimination de l’emploi des seniors, de protection sociale et de solidarité intergénérationnelle.
Michel Delaunay, ancienne ministre venue présenter le projet de loi sur l’adaptation de la société au veillissement de la population, a conclu ainsi : « Pauvre et vieux, c’est la double peine. »

Jacques Rastoul

Isolé, pauvre et vieux : c’est la triple peine. (Photo Fotolia)

(1) Secours Catholique. Rapports annuels www.secours-catholique.org.
(2) Auteur de la revue Que sais-je ? sur l’exclusion, les familles recomposées, les politiques familiales.
(3) Les migrations, une ressource durable pour des territoires solidaires www.grdr.org.
(4) Monalisa : Mobilisation nationale contre l’isolement des personnes âgées.
(5) Association COS www.cos-asso.org.