Des solutions à bâtir
Il va falloir répondre aux questions soulevées par l’allongement de la vie et construire les différents plans sur lesquels travailler, au sein de la CFDT et au sein de la société.
Dossier
Les défis du temps de la vieillesse
– Les défis du temps de la vieillesse
– Les trois enjeux imposés par l’allongement de la durée de vie
– L’allongement de la durée de la vie apporte de la croissance
– Des solutions à bâtir
– Le sens du syndicalisme retraité
Dominique Fabre : « vivre décemment lorsqu’on est à la retraite »
Pendant très longtemps, il y a eu l’asservissement du travail, et la retraite était le moment court où, si on avait les moyens, on voyageait. Puis, l’amélioration des conditions de vie et de travail ont aidé à rallonger la vie. Avec la mise en place de l’Apa (allocation personnalisée pour l’autonomie), le gouvernement de Lionel Jospin montre que quelque chose se passe par rapport à la prise en charge du vieillissement de la population. On commence à réaliser que cet allongement de la durée de la vie existe et que cela va bousculer complètement le temps.
Dans les années 2010, la retraite est ressentie comme un retrait de la société. On a l’impression de ne plus lui être utile. C’est là où il faut trouver un moyen de valoriser cette richesse qu’est l’allongement de la durée de la vie : 25 ans en moyenne.
L’utilité est sociétale (associations, politique, famille), mais celle-ci restera éphémère si on ne repense pas le care, la prévention, l’utilité et tout ce qui est lié au bien-vivre, au vivre décemment pendant la retraite. Comment maintenir un niveau de vie décent chez les retraités ?
Les jeunes adultes connaissent une longue période de chômage et parallèlement les retraités perçoivent leur pension mensuelle. Une forme de dualité se crée entre le niveau de vie des retraités et celui des salariés ce qui aboutit à cette horrible image de retraités nantis. La richesse des retraités ne réside pourtant pas dans leur pouvoir d’achat, mais bien plutôt dans ce qu’ils peuvent apporter à la société, d’où l’importance du parcours tout au long de la vie.
Anne-Marie Guillemard : « Les emplois pénibles, il faut y rester un temps limité »
La réforme de 2003 apporte quelque chose de très important : asseoir les droits à la retraite sur la durée de contribution. C’est la seule chose équitable, gérer l’allongement de la durée de vie par l’augmentation progressive de la durée de contribution.
En 2010, l’âge est devenu le seul critère avec le relèvement progressif de l’âge légal de la retraite, ce qui est totalement absurde. C’est l’inverse de la Finlande ou de la Suède où il n’y avait alors déjà plus qu’un âge : l’âge plancher. Leur idée est de laisser à chacun le choix de décider quand partir à la retraite. En Finlande, l’âge plancher est de 62 ans et en Suède, 61 ans. Plus on prolonge, plus on améliore sa retraite. Il n’y a pas de décote. En Finlande, les travailleurs prennent leur retraite très tôt, à 55 ans, ce qui a amené les ouvriers à voter unanimement la réforme des retraites, autant que les cadres. Comme ils commençaient à travailler tôt, ils pouvaient partir plus tôt en améliorant leur retraite.
Nous avons deux paramètres d’âge pour la retraite : l’âge de la liquidation (62 ans) et 67 ans, l’âge où il est possible d’avoir une retraite non imputée par des décotes. Cette réforme altère le droit des femmes qui ont souvent des carrières incomplètes, qui ont des difficultés à rester en activité, qui ont des fins de carrière précaires. En France, nos plans d’emplois seniors ont échoué, parce que les politiques se sont portées uniquement sur l’offre de travail senior. On a fermé les préretraites.
Parallèlement, aucune politique n’a encouragé les demandes de travail senior de la part des entreprises. Contrairement à la Finlande, rien n’a été fait pour sensibiliser et rendre les seniors attractifs aux yeux des employeurs. Bien au contraire, on les a obligés à négocier sous peine d’amende de six mois.
Il faut intégrer dans la prévention, l’apprentissage par les employeurs et le conseil aux employeurs pour gérer les parcours. Vous évoquiez la pénibilité, cela se gère par de la mobilité. Les emplois pénibles, il faut y rester un temps limité. La formation tout au long de la vie est aussi une gestion des parcours professionnels. Voir dans quels emplois on peut mettre les gens, ce qu’on fait très peu et c’est essentiel pour l’emploi des seniors.
Le portefeuille de compétences est largement alimenté par les mobilités successives et les expériences qui en découlent. Le problème de nombreux seniors dans les entreprises françaises est d’avoir été peu mobiles, ils sont dans les emplois d’hier et les entreprises ne savent pas quoi en faire. Donc, elles font de la gestion de sortie par des dispositifs plus ou moins attrayants.
Véronique Descacq : « faire bouger l’indexation des salaires inscrits aux comptes »
Par essence, la retraite par répartition est un contrat entre génération. Nous avons rapidement constaté qu’il y avait un problème dans ce contrat et qu’il n’était pas soutenable financièrement voire humainement. Nous avons anticipé, beaucoup sous la pression financière, en 2003, et raisonné par la durée de cotisation plutôt que par l’âge, mais pas seulement : une surcote qui n’existait pas a été créée, les décotes ont été diminuées de moitié, la mise à la retraite d’office a été supprimée. Depuis cette époque, les patrons ne peuvent plus vous virer parce que vous avez 60 ou 62 ans. Cela a changé les comportements de manière incroyable. On a posé à ce moment-là les bases d’une véritable gestion individualisée des retraites mais dans un cadre de garanties collectives.
Il faut s’insurger contre cette idée qui circule que « les équilibres financiers ont été rétablis, donc on ne fait plus rien ». Les équilibres sociétaux ne sont pas complètement rétablis. La non-indexation des salaires inscrits aux comptes, mise en œuvre depuis 1993, n’a pas été remise en question. Cela va entraîner un retour en arrière, une paupérisation possible des salariés en retraite dans les années à venir.
Chaque année travaillée fait perdre du pouvoir d’achat pour sa retraite. On va revenir à une situation avec de nouvelles fractures entre les actifs et les retraités et une rupture de l’équilibre générationnel, qu’on estime aujourd’hui déséquilibré en faveur des jeunes. Mais il va redevenir en défaveur des retraités, si on n’arrive pas à faire bouger l’indexation des salaires inscrits aux comptes.
Le compte personnel d’activité, la CFDT a la volonté d’y intégrer un compte épargne temps.
Dire aux salariés qu’ils peuvent stocker du temps et qu’ils peuvent le gérer en fonction de leurs aspirations. La gestion des temps ne doit plus être comme une assignation en fonction de l’âge mais comme des choix individuels à mettre en œuvre, évidemment, dans un cadre collectif.