Ukraine : pour un sursaut européen
L’assassinat d’Alexeï Navalny montre une fois de plus que Poutine ne recule devant
rien. Ce chef d’État criminel ne comprend et ne comprendra que le langage de la force.
Il continue de s’arroger un droit de vie et de mort sur quiconque, en particulier sur ses
courageux opposants.
Le devenir de l’Ukraine est aujourd’hui à la croisée des chemins. En cas de victoire de
la Russie, le danger ne se limiterait pas à l’Ukraine. Nous pouvons penser que Poutine
poursuivrait son avantage en attaquant des pays voisins. La Moldavie et la Géorgie sont
en première ligne. D’autres pays, même dans l’OTAN, ne sont pas à l’abri. C’est le cas
des pays baltes et de la Finlande. N’oublions pas les menaces récentes de Poutine à
l’égard de Kaja Kallas, la Première ministre estonienne. Plus largement, à travers le
conflit en Ukraine, ce sont les démocraties qui sont en danger au plan européen, voire
mondial. Poutine est loin d’être isolé. Parmi ses alliés, figurent la Corée du Nord et
l’Iran ainsi qu’un certain Donald Trump qui n’a pas hésité à laisser entrevoir un
désengagement américain de l’OTAN et même à encourager Poutine d’attaquer
l’Europe elle-même. Force est de constater que les sanctions contre la Russie sont loin
de suffire. Il devient urgent de mettre les bouchées doubles en faveur de l’armement de
l’Ukraine à l’heure celui-ci fait cruellement défaut. C’est ce que vient de faire le
Danemark en transférant toute son artillerie à l’Ukraine.
Dans ce contexte difficile, l’Europe n’a pas le choix. La construction progressive d’une
Europe de la défense s’avère chaque jour nécessaire. Ce serait un élément clé pour que
l’Union européenne devienne une puissance politique. Cela ne se décrète bien sûr pas.
Une réflexion entre Etats membres sur la mise en commun de moyens, comme cela a
été fait à bon escient pour les vaccins anti-Covid, serait d’ores et déjà judicieuse. Il
manque encore une volonté politique forte. La possibilité, évoquée par la présidente de
la Commission européenne, de nommer à l’avenir un commissaire à la défense
constitue néanmoins un signal prometteur.
Dans ce cadre, le rôle du futur Parlement européen s’avère décisif. A mon sens, le
premier critère pour élire les futurs députés concerne l’importance des valeurs,
notamment l’attachement à la défense et à l’approfondissement de la démocratie. Les
forces politiques complaisantes avec Poutine au cours de ces dernières années ne
peuvent faire illusion. Elles doivent être démasquées. Il ne faut pas avoir la mémoire
courte. Souvenons-nous du financement des campagnes précédentes de l’extrême
droite par des banques russes, des votes contre les sanctions à l’égard de la Russie au
Parlement européen, de visites de Marine Le Pen à Moscou, reçue avec les honneurs
par Poutine. Prenons la mesure d’alliances passées par le Rassemblement National avec
des partis d’extrême droite dans d’autres pays européens, notamment avec le parti néo-
nazi allemand…
L’Ukraine se bat aussi pour nous. Un sursaut européen coordonné devient urgent. Il
conditionne la construction d’une paix durable à plus long terme.
Article paru dans Ouest-France (mars 2024) Jean-Michel Boulier