Jeannette Laot, une femme à l’avant-garde à la CFDT
Pionnière du syndicalisme au féminin, Jeannette Laot a ouvert la voie à des générations de militantes. Elle a su porter les valeurs de la CFDT et faire entrer les combats féministes au cœur de l’engagement syndical. Elle est décédée le 18 mai 2025 à Strasbourg.
« Je suis heureuse comme pas deux », avait-elle lancé le 15 février, jour de son centième anniversaire fêté à Strasbourg. Marylise Léon, à la tête d’une délégation CFDT, était venue ce jour-là saluer sa longue vie de militantisme syndical et de combat pour la libération des femmes. Elle l’admirait pour sa détermination et sa proximité avec les travailleurs et les travailleuses. « La CFDT lui doit énormément », a-t-elle rappelé. Elle a « incarné une valeur centrale de la CFDT : l’émancipation », a souligné Jocelyne Cabanal, secrétaire nationale de la CFDT, présente comme bien des militants à ses obsèques.
Une femme de Landernau
Le corps de Jeannette a rejoint le caveau familial à Landerneau (Finistère) où elle est née dans une famille bretonne, catholique et modeste. Son père, fils d’agriculteur, dernier-né d’une famille de dix enfants, deviendra garçon boucher. Mobilisé et gazé lors de la Grande Guerre, il est mort en 1938. Sa mère, originaire de Landerneau, avait sept frères et sœurs.
Jeannette, qui a été à l’école catholique jusqu’au certificat d’études, a secondé sa mère à la boucherie au décès de son père.
Sa volonté de concilier sa foi et son désir de justice sociale a germé lors de l’Occupation. Entourée d’un milieu ouvrier, mais ne se considérant pas à l’époque comme « une vraie salariée, une vraie ouvrière », elle ne s’engagea dans aucune organisation. Pourtant son frère aîné militait à la Confédération générale du travail (CGT), sa belle-sœur, institutrice, était syndiquée et plusieurs de ses camarades militaient à la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC).
Première élue à la commission exécutive
Catholique pratiquante, Jeannette est embauchée comme ouvrière à la Manufacture des tabacs de Morlaix, en 1948. Elle y crée la section syndicale CFTC, rejoint ensuite l’Union locale CFTC de Morlaix puis l’Union départementale. En 1963, à une époque où les femmes étaient très peu représentées dans les instances syndicales, elle devient la première femme à intégrer le Conseil confédéral de la CFTC, instance dirigeante majeure du syndicat. Cela constituait un acte fort et symbolique d’ouverture.
Active et proche du courant « Reconstruction », Jeannette Laot participe à la déconfessionnalisation du syndicat, qui devient par un vote majoritaire en 1964 la Confédération française démocratique du travail (CFDT). Au sein de la CFDT, elle est la première femme à occuper un poste-clé en intégrant la commission exécutive en 1970, avec l’appui d’Edmond Maire, et y restera jusqu’en 1981.
Libérer le corps des femmes
Pionnière du féminisme, engagée au service des travailleuses et du collectif de travail, militante convaincue de la lutte pour le droit des femmes, elle est notamment chargée des conditions de travail et des femmes. Proche du Mouvement français pour le planning familial (MFPF), elle s’engage dans la lutte pour le droit à la contraception et à l’avortement et devient, de 1973 à 1975, vice-présidente du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC). À ce titre, elle œuvre à la dépénalisation de l’avortement.
Après 1982, elle rejoint l’Élysée et devient conseillère de François Mitterrand sur ces mêmes questions. Elle termine sa carrière comme inspectrice générale des PTT, avant de prendre sa retraite en 1990.
[Denis Ritzenthaler
Sources : Le Maitron, les articles des revues CFDT.