L’Europe a apporté une contribution importante à la Croatie
Depuis janvier 2020, la Croatie préside l'Union Européenne. Joseph Le Corre, ancien secrétaire général de la CFDT Paris, puis d’Île de France, adhérent de la CFDT Retraités Paris et Croate d’adoption, nous apporte un regard sur le dernier entrant de l’Union.
Quelle est la situation en Croatie ?
Le premier tour des élections présidentielles qui s’est déroulé le 22 décembre dernier a donné un aperçu de la vie politique du pays. Ici la bipolarisation est toujours présente mais fragile avec un parti conservateur, HDZ, actuellement au pouvoir, et un parti social-démocrate, le SDP. Le candidat du SDP, Zoran Milanovic, est arrivé en tête au premier tour. Il a été élu au second tour, le 5 janvier 2020, avec 52,73%, contre 47,27 % face à la présidente sortante Kolinda Grabar-Kitarovic. Ceci ne dit pas tout, onze candidats participaient au premier tour et au final, la droite conservatrice sort de cette élection très affaiblie et divisée. Le premier ministre, Andrej Plenkovic , issu du HDZ est plus modéré. C’est un libéral européen.
Quelles sont les principales difficultés internes au pays ?
JLC. La Croatie est un pays industriel. On peut citer tout particulièrement la réparation et la construction navale, la confection, le bois, la transformation agro-alimentaire qui s’appuie sur de vastes zones agricoles.
Malgré ses potentialités, la Croatie doit faire face à un certain nombre de difficultés. Les activités industrielles historiques ont toutes souffert de la crise mondiale, l’exemple le plus criant est celui de l’industrie navale. Le pays, la vie économique, politique et sociale demeure minée par la corruption. En 1991, lors de la proclamation de l’indépendance, le pays comptait environ 4,7 millions d’habitants, il se situe à environ 4 millions aujourd’hui. Ceci est le résultat d’un faible taux de natalité et du fait que les jeunes, particulièrement les diplômés, reprennent le chemin de l’exil : ingénieurs, personnels de santé et bien d’autres ne trouvent pas d’emplois ou de reconnaissances salariales à la hauteur de leurs formations.
Ainsi en 5 ans 600 médecins ont quitté le pays, ramené à l’échelle de la France cela voudrait dire que 10 000 médecins quittent le pays en 5 ans ! La population est en baisse et elle est vieillissante, chacun peut imaginer les difficultés des comptes sociaux et tout particulièrement des retraites.
Qu’est-ce que l’Europe apporte à la Croatie ?
JLC. L’Europe a déjà apporté une contribution importante au pays, dans le domaine des infrastructures par exemple : aéroports, autoroutes et maintenant le pont de Pelješac qui permet de rapprocher des zones excentrées (la presqu’île, l’île de Korcula) et garantit la continuité territoriale.
Le tourisme assure aujourd’hui le quart des revenus de la Croatie avec 19 millions de visiteurs (5 fois la population) en 2019. L’offre de logement chez l’habitant s’est démultipliée, parfois déraisonnablement, et les prix ont tendance à s’aligner sur les moyens des visiteurs. Mais progressivement l’offre tend à se diversifier, des projets nouveaux voient le jour, l’agro-tourisme ou encore la réactivation des vieux métiers bénéficient du soutien européen, contribuent à étendre la saison touristique.
Les autorités ont su, courant 2019, tirer la sonnette d’alarme sur la fragilité du tourisme et appeler à la prudence sur les prix.
Mais le tourisme constitue aussi une autre richesse pour la Croatie et pour toute l’Europe. Dans ce pays, à l’occasion de l’été principalement, se croisent depuis des décennies, des visiteurs venus de d’Allemagne, d’Italie, d’Autriche, de France mais aussi, depuis la fin du bloc soviétique, de Pologne, de République tchèque, de Slovaquie… La construction européenne, l’affirmation de son identité se fera aussi en saisissant ces belles opportunités d’échanges qui s’offrent à nous.
Propos recueillis par Jean-Pierre Bobichon