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L’Italie au bord du précipice


Un gouvernement né d’une alliance hétéroclite, une situation économique dégradée, la question des migrants, autant de sujets d’inquiétude pour l’avenir de l’Italie, pays fondateur de la CEE.

Un contexte politique mouvant

L’Italie, pays fondateur de la Communauté économique européenne (CEE), a produit un choc avec les élections du 4 mars 2018 au Parlement puis avec la constitution du gouvernement. Une alliance hétéroclite s’est mise en place entre le Mouvement 5 étoiles (M5S) et la Ligue.
Cette élection met en lumière la prééminence du parti populiste, antisystème, M5S, qui confirme sa première place comme force politique avec plus de 32 % des suffrages, et la montée en puissance du parti populiste, anti-européen et xénophobe, La Ligue. Dirigée par Matteo Salvini, cette coalition de droite est passée de 4 % à 18 % en 5 ans au détriment de Forza Italia de Silvio Berlusconi. Le parti démocrate dirigé par Matteo Renzi n’obtient que 18,7 % des suffrages (après 25,43 % aux élections législatives de 2013).

Après le refus du président italien Sergio Mattarella de nommer un ministre de l’Économie eurosceptique, le gouvernement Conte a été constitué dans la suite de l’accord de gouvernement passé le 14 mai entre le Mouvement 5 étoiles et la Ligue. Ces élections de mars 2018 furent ensuite confirmées lors des élections locales en juin 2018.

Deux facteurs explicatifs, une situation économique dégradée, la question des migrants

Depuis 1997, la croissance italienne a été l’une des plus faibles de l’Union européenne (UE). Au cours de la décennie 2007-2016, l’économie s’est contractée de 9 %. Le chômage est de 10,5 % (décembre 2017) contre 8,7 % dans la zone euro. Celui des jeunes est très important : 32,2 % des moins de 25 ans sont au chômage contre 17,9 % dans la zone euro.

Quant aux migrants, les partis d’extrême droite savent mieux que personne exploiter cette question. Il y a pourtant une marge entre la réalité et la perception de la réalité. Les statistiques du ministère de l’Intérieur italien (mars 2018) sur les arrivées de migrants par la mer indiquent une baisse en 2017, comme en 2018. Néanmoins, l’actuel ministre de l’Intérieur d’extrême droite Salvini a refusé d’accueillir dans un port italien, contrairement aux règles du droit maritime international, les 629 migrants de l’Aquarius en juin 2018.

Si l’Italie, la Grèce, Malte sont les pays accessibles par la mer, c’est néanmoins l’Allemagne qui demeure le pays européen ayant accueilli le plus grand nombre de migrants, selon Eurostat.

Et maintenant ?

La situation politique en Italie peut évoluer car le passé ne plaide pas pour la stabilité. Depuis 1946, le pays a connu 60 gouvernements, dont 36 depuis 1972, et seulement 6 ont eu une durée de vie moyenne supérieure à un an et demi. Le programme « commun » de gouvernement apparaît comme une juxtaposition de vœux des deux partis avec comme points marquants la renégociation des traités européens, la nécessité de s’ouvrir à la Russie, la réforme fiscale, la réduction des flux migratoires, la mise en place d’un revenu de citoyenneté.

L’Italie représente 15 % du PIB de la zone euro, et sa dette publique 132 % de son PIB. Cela suppose que les instances européennes regardent la situation économique italienne avec intelligence pour ne pas retomber dans une nouvelle crise. Du côté italien, l’examen du budget au cours du dernier trimestre 2018 donnera les indications voulues.

La question migratoire est le second point de friction dans les relations avec l’UE. Les propositions d’accueil et de répartition des migrants entre les pays de l’UE se sont heurtées à l’opposition de plusieurs pays de l’est de l’Europe, de l’Autriche, et maintenant de l’Italie, et à la frilosité de plusieurs autres dont la France.

Pourtant la crise migratoire ne se résoudra que par une action européenne concertée et par la mise en place d’un plan de développement à moyen et long terme pour l’Afrique. En Italie comme en Europe, la crise démocratique est bien réelle avec la poussée de partis d’extrême droite dans plusieurs pays, et la difficulté à mettre en place des exécutifs en Belgique, en Allemagne et en Italie : répondre au « mal-être démocratique » est désormais l’enjeu européen prioritaire.

Jean-Pierre Moussy

Le drapeau européen au fronton de tous les monuments publics italiens.
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