L’autre campagne des associations contre les idées fausses
Les initiatives se multiplient. Et les associations mettent le braquet pour secouer les politiques et la société, lutter contre les idées fausses qui pénalisent les plus faibles de nos sociétés en France, en Europe et dans le monde. Tour d’horizon des cris d’alerte.
« Il y a de la colère ! Nous ne supportons plus ces paroles de stigmatisation vis-à-vis des chômeurs véhiculées à longueur d’année, et qu’on sent venir en particulier en cette période », dénonce Thierry Kuhn, président d’Emmaüs France. De fait, les associations en ont assez d’entendre n’importe quoi. Et elles le disent haut et fort. C’est, en substance, le message qu’ont voulu faire passer, le 4 janvier, 51 grandes associations, dont le Secours catholique, la Fondation Abbé Pierre, la Fnars, Emmaüs France, le Secours populaire ou encore ATD Quart Monde.
Réunies au sein du Collectif « Alerte » qui, depuis 1994, rassemble les acteurs du combat contre l’exclusion, elles ont lancé ensemble une ambitieuse « Autre Campagne », destinée à combattre les préjugés sur les personnes en situation de pauvreté qui contribuent à éloigner des débats présidentiels cet enjeu pourtant central. « Il nous est apparu que, depuis de nombreuses années, circulent un certain nombre d’idées fausses dans la société sur lesquelles commencent à prendre racine des propositions aberrantes, explique François Soulage, président du collectif Alerte. Nous voulons rétablir les faits. » « Le sens de cette campagne, c’est de s’organiser en comité de vigilance contre cette dégradation du débat public » sur la question de l’exclusion. Car « c’est le moment où on va jeter à la figure des précaires un certain nombre d’idées préconçues », redoute aussi Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole du DAL (Droit au logement).
En France et dans le monde les inégalités se creusent !
« Les associations en ont marre d’être sages, ajoute Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre. Nous ne laisserons plus rien passer, quitte à écrire des communiqués à chaque contrevérité ou se mobiliser devant des QG de campagne. » Avec « un million de pauvres de plus en dix ans […], 50 % de SDF en plus entre 2001 et 2012 » et « une augmentation de 24 % des expulsions locatives l’an dernier […] on est sur une pente extrêmement dangereuse qui nous saute à la figure », alerte-t-il. Alors que près de 4 millions de personnes sont mal logées, selon son dernier rapport, la Fondation Abbé Pierre a reçu le 31 janvier Benoît Hamon, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot et une représentante de François Fillon. L’idée était de leur faire prendre conscience de la nécessité d’une mobilisation générale.
Le monde ne va pas mieux ! Dans son dernier rapport, Oxfam pose un constat clair : les huit premiers milliardaires mondiaux détiennent autant de richesses que la moitié la plus pauvre du monde, soit 3,6 milliards de personnes. L’association britannique dénonce une situation « indécente » dès lors que « tant de richesses sont concentrées dans les mains d’une si infime minorité, quand on sait qu’une personne sur dix dans le monde vit avec moins de 2 dollars par jour », déclare la porte-parole d’Oxfam France, Manon Aubry.
Jamais ce décalage entre les plus riches et les plus pauvres n’a été aussi important. L’an dernier, 62 personnes possédaient autant que la moitié la plus pauvre de la population mondiale. En 2015, elles étaient 80 et l’année précédente 85.
La France n’échappe pas aux critiques d’Oxfam. Selon l’étude, 21 milliardaires possédaient autant que les 40 % les plus pauvres de la population française en 2016. Dans l’hexagone, les 1 % les plus riches détiennent 25 % des richesses nationales. Et alors que le niveau de vie mensuel moyen des plus riches est resté stable (+ 272 euros), de 2003 à 2014, celui des plus pauvres a diminué de 31 euros.
Daniel Druesne