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Action internationale


L’esprit de Schengen dans la tourmente


L'Europe « passoire » va-t-elle voir se refermer ses frontières ? En 1985, Schengen devient le symbole de la liberté de circuler à l'intérieur de la Communauté européenne grâce à la volonté de François Mitterrand, Jacques Delors, et Helmut Kohl. Pour Catherine Lalumière, alors secrétaire d'Etat auprès du ministre des Relations extérieures, chargée des Affaires européennes, et aujourd'hui présidente de la Fédération française des maisons de l'Europe, Schengen est le bouc émissaire de la démagogie populiste.

Quel était le contexte de l’époque ?

CL : Les accords de Schengen ont consacré le principe de la libre circulation à l’intérieur de la Communauté européenne. Les citoyens souhaitaient cette ouverture des frontières pour ne plus avoir ces files d’attente aux frontières. La libre circulation des personnes reste un formidable succès à l’intérieur de l’Union européenne. Et c’est perçu comme cela à l’extérieur.

Une convention d’application a suivi en 1990. Elle est extrêmement détaillée. Tout a été passé au peigne fin. Les dispositions sont organisées. Il ne fallait pas introduire le désordre ou un laxisme excessif. Il fallait être réaliste.

On dit qu’il n’y a plus de contrôle aux frontières…

Toutes les personnes qui passent les frontières de l’Europe sont concernées par l’accord de Schengen et ses conditions d’application. Des contrôles renforcés, pour les personnes venant des pays tiers, se font aux frontières extérieures de ce qu’est aujourd’hui l’Union européenne. Certains pays sont mal outillés pour exercer ces contrôles, en particulier certains pays de l’Est. Il fallait les aider. Cela a été fait !

Des crédits de l’Union européenne ont été débloqués pour renforcer les contrôles aux frontières extérieures, pour favoriser la formation des personnels. Dès la signature des accords, on a été très attentif aux frontières extérieures de l’Union européenne. Et même en ce qui concerne les frontières intérieures, les contrôles n’ont pas entièrement disparu. Il y a des contrôles volants inopinés.

En quoi l’Europe, aux yeux de certains, serait-elle devenue une « passoire » ?

Quand on parle de « l’Europe passoire », ce n’est pas uniquement des personnes dont il s’agit. C’est aussi du commerce des marchandises. Le principe de la libre circulation des marchandises, entre l’Union européenne et les pays tiers, est un bon principe. L’Union européenne fait à elle seule 42 % du commerce mondial. Mais ce qu’il faut éviter, c’est d’accepter l’importation de marchandises dans l’UE sans avoir la réciprocité, c’est-à-dire la possibilité d’exporter dans les pays tiers.

La fameuse convention d’application des accords de Schengen a prévu que, dans des circonstances exceptionnelles, on puisse rétablir le contrôle aux frontières nationales. La France et d’autres pays ont demandé, au Conseil européen de juin 2011, que soit revue, actualisée, non pas les accords de Schengen directement, mais la convention d’application, pour durcir les modalités de contrôle, et étendre les cas dans lesquels on pourrait rétablir les frontières nationales. Le travail est en cours.

Ce sentiment d’insécurité est-il propre à la France, ou est-ce plus général ?

C’est très net en France, mais cela existe dans d’autres pays. Même les Pays-Bas sont très sensibles à ces thèmes tels que le nationalisme, la xénophobie. Cette tendance au repli sur soi, à la méfiance envers l’étranger est malheureusement répandue dans toute l’Europe, à des doses variables.

Les accords de Schengen ne favorisent en rien la circulation des terroristes. Ils circuleront de toute façon. Par contre, faire de la publicité contre les accords de Schengen relève de la démagogie.

Propos recueillis par Jean-Pierre Bobichon

Catherine Lalumière, présidente de la Fédération française des maisons de l’Europe