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L’holodomor, la grande famine en Ukraine !


Le terme ukrainien « holodomor » se traduit par : « extermination par la faim ». Il désigne la grande famine qui, en 1932 et 1933, a fait périr plus de 4 millions d’Ukrainiens sur une population de 31 millions d’habitants. Cette famine n’est pas liée aux aléas climatiques. Elle est un crime idéologique orchestré par le dirigeant tout-puissant de l’URSS, Staline.

En 1922, l’Ukraine devient l’une des Républiques socialistes soviétiques de l’URSS. C’est une riche région agricole, le grenier de l’Europe, dont la population est formée de petits paysans propriétaires de leurs terres. Mais les décisions du pouvoir central vont annihiler ce monde rural ancestral. Moscou supprime la propriété privée et les paysans se voient confisquer leurs terres, annexées aux kolkhozes, ces fermes collectives où ils doivent aller travailler.

Par ailleurs, Staline a décidé l’industrialisation du pays à marche forcée. Pour financer l’achat de machines à l’étranger, il prélève autoritairement des quantités toujours plus grandes de céréales destinées à l’exportation. Ces livraisons obligatoires et la collectivisation créent des pénuries. Le pouvoir central rencontre une forte opposition et craint la résurgence du nationalisme ukrainien. Staline décide de briser cette société paysanne considérée comme un foyer de résistance à l’évolution vers la société communiste.

Une famine politique

Les graves pénuries se transforment en famine quand l’État confisque la quasi-totalité des récoltes mais l’inimaginable est l’aggravation intentionnelle de cette famine. En août 1932, le gouvernement promulgue une loi dite « loi des épis », qui punit de déportation ou de mort « tout vol de la propriété socialiste », c’est-à-dire le vol dans les champs. Les récoltes, les entrepôts de vivres sont surveillés par des gardes armés. Des brigades parcourent les villages, fouillent les maisons à la recherche de la nourriture cachée et confisquent tout ce qui peut servir de monnaie d’échange.

Privés de tout, les villageois mangent les chats, les corbeaux, les hérissons, les serpents, l’écorce des arbres, le chaume des toits, etc. Au cours du glacial hiver 1932, les paysans périssent par villages entiers. Dans cette société déstructurée, affamée, spoliée les cas de cannibalisme se répandent. Les survivants essaient de fuir en ville. Mais en janvier 1933, l’État central met en place un système de passeport qui empêche les paysans de quitter leur village d’origine. Les gens sont pris au piège, la population rurale d’Ukraine est condamnée à mort.

Un événement constitutif de l’identité ukrainienne

Ce crime de masse a été pendant des décennies nié et dissimulé par le pouvoir soviétique. Cette effroyable tragédie restait cependant très vive dans la mémoire ukrainienne. Dès l’indépendance de l’Ukraine, une politique mémorielle s’est développée autour de la grande famine. Le quatrième dimanche de novembre est, depuis 1998, désigné Jour national du souvenir en mémoire des millions de victimes de la famine : les drapeaux sont mis en berne, des bougies sont allumées aux fenêtres.

L’holodomor est reconnu comme génocide par le Parlement ukrainien en 2006, et à Kiev, le Musée national de l’Holodomor fait partie du programme officiel lors des visites des chefs d’État étrangers. Le déni constant de cette tragédie, même dans la Russie post-soviétique, a alimenté le sentiment d’appartenance ukrainien. En octobre 2022, quand, au cours de la guerre d’invasion, l’armée russe conquiert la ville de Marioupol, le monument commémoratif intitulé « Aux victimes de l’holodomor 1932-1933 » est rapidement démantelé par les occupants.

La mémoire de l’holodomor a la force d’unifier la conscience nationale ukrainienne, qui revendique son passé et son identité dans les premières paroles de l’hymne national : Ni la gloire, ni la liberté de l’Ukraine ne sont mortes.

[Françoise Berniguet