L’inflation ronge le pouvoir d’achat des plus modestes
La répartition des dépenses d’un ménage varie selon ses revenus. La hausse des prix touche surtout la consommation des 10 % les plus modestes. Les prix de l’énergie et de l’alimentation progressent. Et nos retraites ne suivent pas.
Les ménages les plus modestes, c’est-à-dire les 10 % de ménages aux niveaux de vie les plus faibles, subissent une hausse des prix à la consommation plus élevée que les autres. Proportionnellement à leur budget total de consommation, ils dépensent plus que les ménages aisés pour le logement (loyers, charges, eau, énergie), les déplacements et l’alimentation. Le même phénomène est observé entre les ménages dont la personne de référence est un ouvrier et ceux pour lesquels c’est un cadre. La part des biens consommés à forte inflation est plus élevée chez les ouvriers.
Des tensions persistantes sur les prix
L’évolution des prix dépend de plusieurs facteurs : les cours internationaux de l’énergie et des matières premières, la valeur de l’euro sur les marchés de change, la vitesse et le degré de transmission des hausses des prix de production aux prix à la consommation, les politiques publiques de limitation des prix, en particulier ceux de l’énergie.
Si l’inflation en France reste élevée, elle se situe parmi les plus faibles des pays de la zone euro. En août 2022, l’indice des prix à la consommation en France a augmenté de 0,5 % par rapport à juillet. Par rapport à septembre 2021, les prix à la consommation augmentent de 5,9 %, après 6,1 % en juillet. Cette baisse résulte du ralentissement des prix de l’énergie, notamment ceux des produits pétroliers. Mais sur un an, les prix de l’alimentation accélèrent, ceux de la viande (+10,2 %), du lait, du fromage et des œufs (+10,9 %), du pain et des céréales (+9,1 %) et les boissons non alcoolisées (+7 %). Selon l’Insee, bien que tempérée par les mesures de limitation des prix de l’énergie, l’inflation restera élevée en France d’ici la fin de l’année.
Améliorer le minimum de pension
La problématique des basses pensions demeure. Lors des concertations sur la réforme des retraites, le minimum de pension sera débattu. La CFDT s’engage dans ces discussions avec détermination et clarté. La CFDT Retraités continuera à être vigilante afin de préserver le pouvoir d’achat des retraités.
Benoit Prince
Nos retraites revalorisées avec retardDepuis 2014, les retraites de base sont revalorisées avec retard par rapport à l’inflation. La revalorisation annuelle repose sur la moyenne des prix à la consommation, hors tabac, calculée sur les douze derniers indices mensuels publiés par l’Insee. La revalorisation des régimes de base de janvier 2022, 1,1 %, correspond à l’augmentation moyenne des prix des 12 derniers mois connus. La loi sur le pouvoir d’achat du 18 août revalorise les retraites de 4 % à partir de juillet. Cette augmentation est une « avance » sur la hausse moyenne des prix calculée en novembre. Les prévisions de revalorisation des retraites en janvier prochain oscillent entre +0,8 et +1 %.
Les régimes complémentaires Agirc-Arrco ont décidé une revalorisation de 5,12 % à partir de novembre 2022. Comme la CFDT Retraités l’avait demandé, ce taux va au-delà des règles de l’accord interprofessionnel de 2019 limitant la hausse à celle des salaires des cotisants. L’application des règles accordait une augmentation de 4,92 % (4,82 % au titre de 2022 plus 0,10 % de rattrapage de 2021), la CFDT Retraités est satisfaite du coup de pouce de 0,20 % permettant une augmentation 5,12 %.
Inflation : des adhérents inquiets
L’inflation grignote leur pouvoir d’achat mais « le phénomène n’est pas nouveau », disent en chœur les adhérents retraités que nous avons rencontrés. Ils constatent cependant une accélération du phénomène. Tous disent vivre moins bien depuis plusieurs années, sans toutefois dresser un tableau noir de leur vie.
« On regarde davantage qu’auparavant les prix de l’alimentaire et la note finale est plus élevée. Je m’interroge sur ce que ça va donner dans l’avenir. » Marie-Renée Fournier, 70 ans, en retraite depuis près de 5 ans, résume bien le constat que font les retraités que nous avons rencontrés. Cette ancienne laborantine de Lorient, reconvertie dans les services à la personne, touche aujourd’hui 880 € par mois.
Une petite pension, commente-t-elle, et ce n’est pas avec les revalorisations tardives qu’on s’en sort. » Pour autant, Marie-Renée ne se plaint pas. La pension de son mari leur permet d’être sereins. « Mais il ne faudrait pas que je me retrouve seule », glisse-t-elle, un brin d’inquiétude dans la voix. Si elle « roule moins » et fait davantage attention aux dépenses, l’ex-déléguée du personnel de l’Adapei d’Hennebont (56) ne renonce pas au cinéma, sa passion depuis la retraite. « Avec la carte d’abonnement, la place est à 5,60 € », se justifie-t-elle.
Cette perte de pouvoir d’achat, Henri Le Bris, 77 ans, ancien miroitier puis agent de sécurité lorientais, la subit aussi.
Les revenus de ce célibataire plus confortables que ceux de Marie-Renée atteignent 1 800 € mensuels mais incluent une allocation d’invalidité de plus de 500 €. Celle-ci résulte d’un accident du travail qui l’a cloué au lit pendant près d’une année.
À l’époque, sa famille s’était montrée très solidaire. Aussi, aujourd’hui, c’est Henri qui fait jouer la solidarité familiale dans l’autre sens. Il aide ses enfants, une sœur, un frère, ses petits-enfants… Bref, il n’est pas avare, Henri, même si sa pension n’augmente pas aussi vite qu’il le souhaiterait.
« Je vérifie toujours l’utilité de mes achats, je mange moins de viande, je profite des promotions. Chaque semaine, je refais le complément du plein de ma voiture. Je ne voudrais pas être pris au dépourvu si quelqu’un a besoin de moi », explique-t-il.
La solidarité familiale, Jean-Paul et Marie-Thérèse Steunou connaissent aussi. L’ancien sidérurgiste lorrain et l’ex-assistance commerciale perçoivent 3 000 € par mois à eux deux et ont dû aider un enfant en difficulté.
Locataires à Lanester (Morbihan) depuis une dizaine d’années, ils constatent : « Les retraites ne suivent pas depuis un moment », « on avait déjà subi un premier choc avec une différence de 600 € entre nos salaires et nos pensions même si on le vivait bien au départ, affirme Marie-Thérèse, maintenant c’est plus compliqué. Il arrive qu’on tire sur les réserves pour boucler les fins de mois. »
Mais les Steunou ne se disent pas malheureux. Jean-Paul critique même les revalorisations en pourcentage : « 4 % d’augmentation pour quelqu’un qui touche 600 €, ça ne fait pas grand-chose et 4 % pour un retraité qui gagne 4 000 €, est-ce vraiment nécessaire ? questionne-t-il. Une augmentation de 100 € par mois pour les plus basses pensions serait sûrement plus juste. »
Didier Blain