UNION CONFÉDÉRALE CFDT DES RETRAITÉS

Notre activité


(6) « La convention collective summum du socialisme démocratique »


Nous sommes fiers d'avoir pu nous entretenir avec Jacques Delors. Cet homme mondialement connu, reconnu et honoré dans tous les pays européens, acteur de l'évolution de la CFDT en 1964, reste un adhérent de la CFDT, à présent comme retraité. Un entretien exceptionnel avec un homme exceptionnel. Nous avons découpé cet entretien en huit parties. Entretien exclusif avec Jaques Delors.

Quelle est votre conception de l’Europe sociale ?

Jacques Delors. Pendant mes dix ans à la présidence de la Commission européenne, je me suis attaché à trois idées fortes : le dialogue social, la cohésion économique et sociale et les minima sociaux.

Le dialogue social, c’était pour remettre les partenaires sociaux dans le jeu afin qu’ils puissent devenir facteur d’influence. Aux patronats j’ai dit : « si vous continuez ainsi, je suis pour la grève générale et la révolution. Je la ferai avec eux, je serai dans la rue avec eux parce qu’il y en a marre. Vous ne voulez rien faire, vous êtes trop
prudents ». Comme j’avais proposé le marché unique, et que les plus grands chefs d’entreprise soutenaient ce projet, ils ont accepté le dialogue social.

La cohésion économique et sociale c’est la solidarité entre les régions riches et les régions moins riches, les régions développées et les régions en développement : 40% du budget aujourd’hui !

Pour les minima sociaux, j’ai réussi à introduire, dans l’Acte unique, les minima en matière de conditions de travail, de santé et de sécurité sur le lieu de travail. Depuis il s’est passé bien des évènements contrariants…

Qu’est-ce qui vous contrarie actuellement ?

Jacques Delors. Un arrêt de la Cour de justice européenne me contrarie. En Suède, une entreprise non suédoise réalise un chantier et veut appliquer à ses salariés expatriés les conditions sociales du pays d’origine. Les syndicats suédois refusent et exigent l’application des conditions sociales suédoises.

La Cour de justice leur donne tort avec comme argument que ces conditions sociales ne résultent pas d’une loi suédoise, mais d’une convention collective ! Ils n’ont pas compris, ou n’ont pas voulu comprendre, que la convention collective s’avère le summum du socialisme démocratique, le summum de l’économie sociale de marché. Cela signifie qu’il n’y a même pas besoin de légiférer.

Le syndicalisme doit donc obtenir des lois européennes légalisant cette pratique. Sinon nous aurons ce que nous avons le plus combattu dans la fameuse directive sur les services.

Un arrêt de la Cour de justice dit de « Cassis de Dijon » sur la reconnaissance mutuelle des normes m’a permis de faire le « grand marché ». Si avant de faire le marché unique européen, nous avions dû unifier toutes les normes, nous n’y serions jamais arrivés. La Cour de justice de l’Union européenne joue un rôle important.

La loi ou le contrat entre les patronats et les syndicats, ce sont les deux cadres de la politique sociale dans mon pays. Ils doivent être consacrés au nom de la diversité et de l’importance vitale du dialogue social.

Entretien exclusif avec Jacques Delors

Sommaire d’un dossier spécial de 11 articles :
 (1) Jacques Delors, un désir permanent d’améliorer la société
 Lexique
 (2) L’Europe : « la compétition stimule, la coopération renforce, la solidarité unit »
 (3) L’agriculture n’est pas une activité comme les autres
 (4) Jusqu’où élargir l’Europe ?
 (5) « Pour une politique commune de l’énergie »
 (6) « La convention collective summum du socialisme démocratique »
 (7) Des rapports au CERC pour décrire la réalité et la dénoncer
 (8) Écartés avant la retraite, oubliés après
 Qui est Jacques Delors ?
 Le livre des « Mémoires » de Jacques Delors