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La crise économique peut-elle revenir ?


Le 10e anniversaire de la crise de 2007-2008 donne l’occasion de se rappeler les turpitudes des dérèglements du système économique et financier, mais il peut aussi générer une réflexion qui, en matière de crise économique, est polymorphe.

La crise de 2008 s’inscrit dans le mouvement de dérégulation des années 1980. Elle est marquée par l’explosion de la finance et du crédit, avec une vague d’innovations financières, suivie par une folie spéculative dans les années 1990 sur les actions Internet. Elle naît aux USA sur une niche les crédits « subprimes » (prêts hypothécaires), prêts accordés par des organismes de crédits à taux variables à des ménages modestes. Le marché immobilier se retourne, de nombreux ménages sont alors dans l’incapacité de rembourser leurs crédits. Les maisons hypothéquées sont mises en vente.

Cette crise immobilière s’est amplifiée à cause d’une technique financière inappropriée : la titrisation. La titrisation des créances consiste en la mise en paquet des créances en titres négociables sur les marchés financiers. Cette technique permet aux banques de se refinancer.

Du coup, le risque financier augmenté n’est plus identifiable. Les banques en viennent alors à ne plus se prêter entre elles, la « confiance » s’est altérée, la crise de liquidité s’est affirmée. Les marchés financiers étant interconnectés entre les différentes places financières, la crise s’est vite étendue des USA notamment vers l’Europe.

Le choc a été sévère sur le plan macroéconomique. Ainsi, pour la zone euro (à 19), le recul du PIB a été de 4,5 % en 2009. Les choses viennent récemment de s’améliorer, mais après une longue période d’accroissement du chômage et des inégalités.

Cette crise a connu une « réplique » avec la crise de l’endettement au sein de la zone euro en 2010-2011. Plusieurs plans d’austérité ou de « redressement des finances publiques » gérés par la troïka Union européenne (UE), Banque centrale européenne (BCE), Fonds monétaire international (FMI) ont été successivement mis en œuvre pour l’Irlande, le Portugal, la Grèce, l’Espagne, Chypre. Ils sont aujourd’hui arrivés à terme.

Quelles leçons ont été tirées de cette crise ?

Sur le plan international, une concertation a été mise en place avec le G20, en avril 2009, avec la création du « Conseil de stabilité financière » afin de diagnostiquer les risques financiers.

Sur le plan européen a été créé le Mécanisme européen de stabilité (MES) en 2012 qui a pour objet de préserver la stabilité financière de la zone euro. Il s’agit d’une sorte de FMI européen. Les normes prudentielles des banques ont été renforcées tandis que des tests de résistance, conduits par l’Autorité bancaire européenne, permettent de mesurer la capacité des grandes banques à encaisser une sévère récession.

L’Union bancaire, quant à elle, repose sur trois piliers. La garantie que les défaillances bancaires seront réalisées au coût le plus bas pour le contribuable et les finances publiques. Le mécanisme de surveillance bancaire (MSU) chargé de la supervision unique des plus grandes banques de la zone euro. Le mécanisme de garantie des dépôts, ce point est actuellement le moins abouti. L’Union bancaire doit poursuivre ses travaux. La régulation mise en place est encore insuffisante. Elle peut être contournée par les activités financières des non-banques qui demeurent hors-champ.

Et maintenant une situation géopolitique instable

On recense actuellement plus d’une cinquantaine de conflits. Certains perdurent et sont particulièrement meurtriers. En Syrie, il y a déjà plus de 500 000 morts et 12 millions de personnes ont été déplacées. Au Yémen, la situation humanitaire est dramatique, et au Sahel, au Soudan du Sud, en Afghanistan, en Birmanie, etc. Sans oublier l’annexion de la Crimée par la Russie, la dénonciation de l’accord sur le nucléaire avec l’Iran par les USA, la situation durablement conflictuelle entre Israël et le peuple palestinien.

La montée des populismes et des nationalismes dans plusieurs pays de la planète, Venezuela, Turquie, Hongrie, Inde, Pologne, Philippines, République tchèque, Brésil. La mise en cause du multilatéralisme par les USA de Trump. L’interrogation sur le projet européen due en particulier à la sortie du Royaume-Uni de l’UE pour 2019 et à l’affirmation d’un projet « illibéral » (Hongrie-Pologne). Ces éléments – et d’autres, comme le dérèglement climatique – dressent un panorama qui n’est pas favorable à un développement économique fondé sur une croissance durable.

Les dégâts de la fraude fiscale

Les révélations sur la fraude fiscale faites par des « lanceurs d’alerte » ou par des journalistes d’investigation sont monnaie courante. Ces pratiques privent la puissance publique de ressources financières. L’économiste Gabriel Zucman estime que l’évasion fiscale des entreprises et des grandes fortunes coûterait 350 milliards d’euros de pertes fiscales par an aux États du monde entier. En France, le manque à gagner serait de 30 à 60 milliards chaque année. L‘Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) intervient sur ces questions d’optimisation, d’évasion, de fraude fiscale, de blanchiment d’argent, mais il faut amplifier les actions avec l’appui de la société civile et des syndicats.

Un besoin de régulation

La régulation consiste en des réglementations adaptées qui visent à écarter les risques financiers, en agissant sur les acteurs et sur les produits. Concernant les acteurs financiers, la situation actuelle se caractérise par une forte concentration des banques. Cette situation est-elle bien respectueuse d’une concurrence « libre et non faussée » ? Le bilan de la plus grande banque française, BNP Paribas, pèse plus que le produit intérieur brut (PIB) de la France. Il faut espérer que l’État n’ait jamais à intervenir pour la soutenir.

S’agissant de l’activité, la contribution du secteur financier dans le PIB est variable selon le type de spécialisation économique propre à chaque pays. En France, elle est de 4,6 % alors que la moyenne européenne est de 4,9 %, de 3,8 % en Allemagne, mais de 29 % au Luxembourg. Sauf à considérer que l’on tire définitivement un trait sur le secteur industriel, il est admis en général que cette proportion doit être respectée.

Une autre question est apparue avec la crise de 2007-2008 : la séparation de certaines activités financières « spéculatives » afin de ne pas mettre en péril la sécurité des déposants. En France, la loi du 26 juillet 2013 de « séparation et de régulation des activités bancaires », dite loi Moscovici, était censée répondre à ce souci. Le lobby bancaire a été actif pour en limiter la portée et le patron de la Société Générale a indiqué que seulement 1 % de ses activités seraient touchés par cette loi.

Si la régulation est l’instrument qui permet le mieux de maîtriser le secteur financier, encore faut-il que les règles mises en place ne puissent être contournées. Le régulateur européen doit s’intéresser à toute la filière du crédit, non seulement les banques, mais aussi la « finance de l’ombre » souvent liée aux banques, ainsi que les produits dérivés, les prêts immobiliers.

La période demeure pleine d’incertitudes

Comment sera traitée la question de la dette totale (agents publics + agents privés) qui a crû depuis 2008 de 42 % dans le monde ? Quelle sera la politique monétaire mise en œuvre qui comportera une remontée progressive des taux d’intérêt ? Il n’y a pas actuellement de réponse à ces questions ni aux USA ni en Europe. On ne peut donc pas aujourd’hui conclure que la crise est finie !

Jean-Pierre Moussy

Mécanisme habituel d’une crise économique et financière

À l’origineLe déroulement de la criseLa sortie de crise
Des produits financiers « toxiques »
Une politique monétaire inadaptée
Bulle financière
Système bancaire fragilisé/ faillites bancaires
Intervention de l’État (ou/et UE–FMI) pour :
Soutenir l’économie
« Sauver les banques »
= Endettement public accru
Banque centrale européenne de Frankfort.
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