UNION CONFÉDÉRALE CFDT DES RETRAITÉS

Actu revendicative


La détresse méconnue des familles touchées par la maladie d’Alzheimer


La maladie d'Alzheimer, tout le monde connaît. Mais pas la détresse financière qui l'accompagne souvent. Le témoignage d'Elisa, adhérente CFDT, permet de mieux comprendre concrètement cette réalité méconnue. Après cinq ans de soins quotidiens à domicile, l'hospitalisation arrive. Mais à la charge de la famille, soit 15 000 francs par mois en 1988. Pour payer pendant les 80 mois restant, l'appartement acquis a été vendu. Mais Elisa s'est battue pour obtenir la reconnaissance de cette maladie. Témoignage (voir aussi Qu'est-ce que la maladie d'Alzheimer ?).

Des centaines de milliers de familles ont un proche atteint de la maladie d’Alzheimer. C’est une maladie dégénérative du cerveau. À un certain stade le maintien à domicile n’est plus possible, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité du malade. Presque toujours décidée par les médecins, l’hospitalisation devient la solution proposée. À la douleur, l’angoisse, le désarroi, s’ajoute pour les proches une face cachée dont les familles parlent peu : la détresse financière. Elisa (surnommée aussi Lisette), 84 ans, adhérente et militante à la CFDT, a accepté de témoigner pour nous donner envie de continuer l’action syndicale

Nés en 1919 et 1920 dans la région niçoise, Paul et Elisa ont commencé à travailler tôt. Lui à 14 ans, elle, orpheline de père, à 16 ans comme employée de bureau. Ils militent à la Joc (Jeunesse ouvrière chrétienne). Ils se marient en 1942 en pleine guerre. À la Libération, il devient permanent au Mouvement populaire des familles (MPF), ils montent vivre en région parisienne. À la fin de son mandat, il devient représentant. Ils élèvent leurs trois enfants, militent à la CFDT. À l’aide d’un emprunt, ils achètent en 1958 un appartement à Drancy, dans la banlieue ouvrière de Paris.

Onze ans de soins quotidiens

C’était sans compter sur la maladie d’Alzheimer. À peine à la retraite, Paul déprime. Peu à peu des symptômes de peu d’importance apparaissent : il descend acheter le journal et revient sans. Difficultés à se concentrer, à lire le journal ou des livres, lui qui suivait les affaires du monde.
Consultation chez un neurologue. Elisa est assommée par la terrible révélation : « C’est irrémédiable, l’intelligence supérieure est atteinte. Son état ira en s’aggravant. Vous ne pourrez plus le laisser seul. Votre mari a la maladie d’Alzheimer. ». C’était en 1984. À l’époque on parlait peu de cette maladie.

Elisa soigne Paul à domicile. Mais, cinq ans plus tard, pour des mesures de sécurité, les médecins demandent l’hospitalisation. Comme il ne peut plus rester à domicile, elle recherche un lieu d’accueil adapté. Après un mois passé dans un établissement à Villiers-le-Bel, elle trouve enfin une place en long séjour à l’hôpital Broca de Paris. Mais le coût est élevé : 2 300 euros par mois (15 000 francs) entièrement à charge de la famille du malade. Conséquence, les économies du couple fondent rapidement.

Et c’est l’inévitable. Pour payer chaque mois la note de l’hôpital, Elisa est contrainte de vendre l’appartement durement acquis, de trouver un appartement à louer, de déménager, de changer de quartier. La vente ne lui permet de tenir que pendant 80 mois d’hospitalisation à Broca.
Paul y restera de 1988 jusqu’en 1993. Son fils lui trouve une place dans son midi natal à la campagne, près de chez lui pour lui rendre visite tous les jours. Le prix est moins élevé, mais il faut ajouter les frais de déplacements de son épouse qui s’y rend chaque semaine.

Paul s’éteindra en 1995, onze ans après le début de sa maladie et après 80 mois d’hospitalisation.

Le combat d’Elisa

Elisa vit et découvre l’angoisse, la douleur face à la dégradation d’un être cher, mais aussi le drame financier auquel sont affrontés toutes les familles dont un des membres est contraint d’être hospitalisé. Dès 1989, elle fonde avec d’autres familles d’hospitalisés l’association « Broca familles ». Son but : alerter la société sur la situation des malades et des familles. Obtenir des pouvoirs publics « la reconnaissance du risque de dépendance psychique et physique » et sa prise en charge « en milieu hospitalier ». L’association collabore avec le milieu hospitalier pour améliorer le quotidien des malades et ne cesse d’alerter pouvoirs publics et société civile à partir de dossiers concrets.

Elisa ne comprend toujours pas pourquoi cette maladie n’était pas considérée comme une affection de longue durée prise en charge par la Sécurité sociale au même titre que les autres maladies. Elle ne comprend toujours pas pourquoi les familles doivent supporter financièrement la quasi totalité du coût de l’hospitalisation, pourtant presque toujours décrétée par le corps médical.
Mais elle peut dire que son action aura été utile avec, entre autres, la reconnaissance récente en affection longue durée.

L’UCR-CFDT revendique d’autres formes d’accueil

L’UCR CFDT estime que les malades atteints de maladies du type de la maladie d’Alzheimer n’ont pas à être nécessairement dirigés vers un hôpital. D’autres formes d’accueil existent pour prendre en charge ces personnes. Ce sont soit des établissements spécialisés (certains Ehpad), soit de petites unités (les Cantous), adaptés à ces situations qui ne demandent pas beaucoup de soins mais plutôt des actions de stimulation intellectuelle et d’incitation au travail mental ainsi que des conditions de circulation adaptée aux besoins de mobilité sans risquer les fugues.
Les coûts supplémentaires liés aux conséquences de ces maladies (soins mais surtout conditions de vie) ne devraient pas être à la charge des personnes atteintes.
Il faudrait également que la grille d’évaluation des pertes d’autonomie soit adaptée à la prise en compte des besoins spécifiques.

Le forum de cet article est clôturé.