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La directive sur les soins transfrontaliers enfin votée


Peut-on se faire soigner dans le pays voisin et se faire rembourser des frais dans son pays ? Jusqu'où va la liberté de se déplacer en Europe acquise par les traités européens ? Plus de dix années de discussions et de débats ont été nécessaires. Les députés européens ont enfin adopté la nouvelle directive. Explications.

Une directive sur les droits des patients en matière de soins transfrontaliers vient d’être adoptée par le Parlement européen. Ce vote met fin à un long feuilleton ouvert en 1998. Ce texte devra encore être approuvé par le Conseil de l’Union européenne. Cela ne devrait pas poser de problèmes puisque le texte actuel résulte d’un compromis entre le Parlement et le Conseil. Ensuite chacun des pays aura 30 mois pour adapter sa législation nationale en accord à la directive.

L’aboutissement d’une longue histoire

Un grand pas vient donc d’être franchi. L’histoire commence le 28 avril 1998, lorsque la Cour de justice des communautés européennes (devenue depuis Cour de justice de l’Union européenne) rend un arrêt favorable à deux citoyens luxembourgeois (MM. Kohll et Decker). Ils se voyaient refuser par l’assurance maladie luxembourgeoise le remboursement d’achat de lunettes en Belgique et de traitement d’orthodontie en Allemagne.

D’autres arrêts ont suivi arbitrant entre la libre circulation des citoyens et des services et la protection des intérêts nationaux. Cette évolution voyait se mettre en place un certain nombre de jurisprudences. La Cour de justice construisait de fait un droit. C’est normalement le rôle du pouvoir législatif de construire le droit tandis que le pouvoir judiciaire apprécie l’application de ce droit à des situations particulières.

Cette situation ne pouvait plus durer alors que les frontières disparaissaient à l’intérieur de l’Europe et que se créent des bassins de vie à cheval sur des frontières comme entre le nord de la France et la Belgique, la Lorraine et le Luxembourg, l’Alsace et l’Allemagne ou l’Espagne et la côte basque française. En outre se développe l’installation de retraités dans certains pays tels que l’Espagne ou le Portugal. Bien que limitée en volume et réservée à certains actes particuliers, la pratique du « tourisme médical » complique la situation.

Une première tentative désastreuse eut lieu à l’occasion des débats sur la libre circulation des services. Mais il est apparu que les services de santé ne pouvaient pas être traités comme d’autres services financiers ou industriels. Sur pression des forces sociales dont les syndicats, cette tentative a donc été abandonnée. La nécessité d’un texte législatif européen spécifique a été jugée nécessaire. La voie était donc ouverte pour une directive sur les soins transfrontaliers.

Les enseignements de la jurisprudence

Petit à petit s’est dégagée une référence commune aux jurisprudences successives. Elle faisait la distinction entre les soins de ville et les soins hospitaliers, entre les soins programmés et les soins nécessaires lors d’un séjour tel que des vacances. L’accès au remboursement par l’assurance maladie du pays d’origine a été garanti en cas de déplacements ou de séjours temporaires. C’est ce qui a été à l’origine de l’imprimé E111 puis de la carte européenne d’assurance maladie.

Pour les soins ambulatoires, la Cour de justice a toujours estimé que ce type de soins relevait d’un exercice libéral de la médecine et qu’il ne pouvait donc être limité en conformité avec la liberté de circulation des citoyens et des services. Par contre, estimant que les soins hospitaliers relevaient d’investissements lourds assurés par le pays d’origine, la Cour de justice estimait que chaque pays pouvait soumettre ces soins à une autorisation préalable.

L’incapacité d’obtenir ces soins dans des délais raisonnables dans le pays d’origine ou la spécificité des soins offerts dans un autre pays étaient des raisons permettant de justifier la demande d’autorisation préalable qui assurait ensuite le remboursement des soins par l’assurance maladie du pays d’affiliation. De toute façon, les frais de transport et d’hébergement étaient exclus du remboursement.

L’encadrement de l’autorisation préalable

Le nouveau texte renforce les droits des patients (voir encadré) et la possibilité d’autorisation préalable est fortement limitée. Elle ne doit pas être un obstacle à la liberté de circulation. Elle n’est prévue que pour les soins nécessitant au moins une nuit d’hospitalisation ou utilisant des équipements coûteux de haute technologie comme les IRM. 

Elle peut s’appliquer pour préserver la délivrance de traitement dans le pays qui l’accorde si ceux-ci peuvent être délivrés dans un délai normal, pour éviter des gaspillages financiers ou si l’établissement choisi à l’étranger présente un danger pour le patient. Par rapport aux jurisprudences antérieures, la justification de l’autorisation préalable est inversée. Auparavant c’était au patient de justifier sa demande sur des critères thérapeutiques. Dans l’avenir, ce sera au pays d’origine de limiter les autorisations préalables si son intérêt était mis en jeu.

Le nouveau texte renforce la liberté de circulation des patients. Mais en corollaire on ne peut-pas ignorer la question de la liberté de circulation et d’installation des professionnels. L’adaptation de ce texte au contexte français suscitera sans doute des discussions. Elle devrait apporter plus de souplesse pour les patients habitant dans des zones frontalières mais conduire aussi à des cartes d’équipements hospitaliers qui dépassent le cadre des frontières, ce qui n’est pas dans les habitudes actuelles où les frontières sont étanches en matière de programmation.

Le problème du suivi médical des soins reçus à l’étranger devra aussi être traité comme celui de la répartition des responsabilités entre des professionnels installés dans deux pays différents et concernés par un même traitement.

Protection et libre circulation des patients

Le nouveau texte renforce le droit de libre circulation des patients et garantit le remboursement de tous les soins non hospitaliers, sans autorisation préalable, par leur propre système d’assurance maladie et selon ses règles. La possibilité est donnée aux États d’aller au-delà de ces règles en prenant en charge les frais annexes de transport et d’hébergement.

Cette possibilité risque d’être fortement encadrée par les États confrontés au risque d’inflation des demandes de remboursement. En outre le texte renforce le droit à l’information des patients.

François Hun

Source : Position du Parlement européen arrêtée en deuxième lecture le 19 janvier 2011 en vue de l’adoption de la directive 2011/.../UE du Parlement européen et du Conseil relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers.

La CES prend acte de l’adoption de la directive sur les soins de santé transfrontaliers

La Confédération européenne des syndicats (CES) prend acte de l’adoption par le Parlement européen du projet de directive sur les soins de santé transfrontaliers, qui précise les droits des patients qui voudraient se faire soigner hors de leur pays. Le mouvement syndical européen se félicite des améliorations qui au fil des débats et suite à ses interventions, ont été apportés à ce texte. (…)
« Nous serons vigilants à ce que cette possibilité offerte plus largement aux patients de se faire soigner hors de leurs frontières ne serve ni d’alibi, ni d’exonération aux États membres pour entreprendre les réformes nécessaires de leurs systèmes nationaux de santé, fondés sur la solidarité » a déclaré Josef Niemiec, secrétaire confédéral de la CES.
Source : Extrait du communiqué de presse de la CES du 19 janvier 2011.

Le nouveau texte voté par le Parlement européen renforce les droits et la liberté de circulation des patients (ici vue de la façade à Strasbourg).