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La laïcité évolue constamment


La laïcité, loin d’être figée, a constamment évolué et est appelée à évoluer dans sa mise en œuvre.

Fruit d’une histoire française spécifique et tumultueuse, la laïcité repose à la fois sur la neutralité de la puissance publique avec la loi Jules Ferry (mars 1882), sur la séparation des Églises et de l’État inscrite dans la loi de 1905, et sur l’égalité des droits sans condition religieuse.

Deux autres principes sont ajoutés : la liberté de conscience et le libre exercice de tous les cultes. La Révolution française et la montée de la libre pensée au XIXe siècle ont favorisé son émergence. Depuis des années, toutes les religions reconnaissent ces principes.

Par ailleurs, la laïcité distingue quatre espaces : l’espace privé (chez soi), l’espace sacré d’une religion, l’espace public et l’espace républicain, celui de l’État où la neutralité doit s’appliquer.

Malgré ces évolutions, plusieurs conceptions et idées reçues sur la laïcité existent comme le développe Jean Baubérot, sociologue et historien, dans Les 7 laïcités françaises. Cela va de la « laïcité antireligieuse, la laïcité identitaire à la laïcité ouverte ».

Derrière les différentes perceptions de la laïcité, c’est l’enjeu du vivre-ensemble et de la fraternité qui est posé. Or, le climat ambiant est anxiogène. Il est soutenu par des surenchères identitaires et électoralistes. Cette ambiance est accentuée par le terrorisme et la violence, mais aussi par des réponses sécuritaires. S’ajoutent à cela la montée de l’apolitisme, le rejet des élites et l’émergence de l’islamisme radical. La méconnaissance des religions et leur instrumentalisation politique entraînent tout autant des confusions.

Pourtant, la France et les Français ont de quoi être fiers des valeurs de notre pays comme l’atteste la déclaration des Droits de l’homme et du citoyen issue de la Révolution française. Ce fondement de l’identité de notre nationalité est donc ouvert.

L’historien Patrick Weil nous rappelle ses quatre « piliers » : « L’égalité, la langue française, la mémoire de la Révolution, la laïcité […], piliers toujours à réaliser. Ce sont des facteurs d’unification et de transformation dans le respect de la diversité des citoyens qui donnent sens à la République. » Cependant, poursuit-il, « la République est paradoxale, elle place l’égalité des droits au cœur de ses valeurs. Mais confrontée à l’immigration et à la diversité culturelle, elle tend à oublier ses propres principes ».

Notre socle, le modèle républicain

Dans ce contexte, il est bon de rappeler que nos principes républicains à mettre en œuvre font toujours sens dans notre société. Comme le précise le politologue Olivier Roy : « Le modèle français d’intégration, tout en étant conflictuel, fonctionne bien mieux que chez nos voisins. Notre société est beaucoup plus mélangée, plus mixte avec une législation et un modèle républicain plus favorables. » Dans la France de plus en plus diverse, « l’adhésion au principe de laïcité est très élevée, souligne Patrick Weil. Le sentiment d’appartenance à une même nation est plus fort que partout en Europe ».

Toutes les instances religieuses, y compris musulmanes, défendent les valeurs de la laïcité et du vivre-ensemble. Certes le rejet de la « classe » politique par de nombreux citoyens questionne. Sur ce débat, l’Église catholique s’est manifestée. Dans une contribution récente intitulée Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique (2), les évêques font l’éloge de la politique pour le bien commun.

Des obstacles subsistent

On ne peut cependant ignorer que bien des incompréhensions et des obstacles subsistent. Les médias et certains politiques exacerbent les différences en mettant en avant des faits divers isolés. Or, pour Patrick Weil, « l’esprit de la République est de rechercher du commun et non ce qui nous sépare ».

La visibilité plus grande de l’islam, dans une société plus areligieuse qu’autrefois interroge ou dérange. Le port du voile est concerné. On a de quoi être gêné par cette tenue, même si, malgré sa progression, elle reste minoritaire. Il est logique que le législateur soucieux du vivre-ensemble ait fixé des règles et des interdits au nom de la propagande religieuse, au sein des services publics notamment. En revanche, sauf pour le voile intégral et l’interdiction des signes religieux à l’école, la loi n’interdit pas un habit de caractère religieux dans l’espace public, y compris à la plage.

Quant au combat de féministes contre le voile, il se situe sur le registre de l’égalité hommes-femmes. Ajoutons certaines situations inacceptables qui ne nécessitent pas d’invoquer la laïcité, mais les discriminations. Citons certaines positions extrémistes : par exemple, le refus de la mixité, et celui de serrer la main d’une femme pour un homme.

Selon les pays, la conception de laïcité est différente : aux États Unis, un catholique peut vivre selon les coutumes de sa religion, se marier à l’église. En France, c’est impossible. Le mariage civil est obligatoire avant tout mariage religieux. Mais des adaptations existent. Personne ne s’offusque, par exemple, des carrés juifs ou musulmans dans un cimetière, pourtant cela est contraire au principe de la laïcité.

La laïcité n’est pas l’ennemie des croyances, religieuses ou pas. Dans le respect de la liberté individuelle en conformité avec le respect de toutes les libertés, il est indispensable de faire preuve d’accueil des différences pour éviter la stigmatisation. Nos principes et nos règles amènent les religions à s’organiser et à s’autoréguler, hier pour les juifs, demain pour les musulmans. C’est une chance pour construire un avenir commun.

(1) Les 7 laïcités françaises, La Découverte, 2014.
(2) www.eglise.catholique.fr

Jacques Rastoul

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