UNION CONFÉDÉRALE CFDT DES RETRAITÉS

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« La sexualité, c’est comme le sport, ne vous arrêtez pas ! » 6/6


Questions au docteur Sébastien Doerper, chef du service de santé sexuelle du centre hospitalier de Lunéville

Sommaire du dossier
 Parlez-moi d’amour 1/6
 « Comment ça va, la vie intime et sexuelle ? » 2/6
 Ils témoignent 3/6
 Des résidents d’Ehpad saisissent la Défenseure des droits 4/6
 Dans les Éhpad, « s’assurer du consentement des partenaires » 5/6
 « La sexualité, c’est comme le sport, ne vous arrêtez pas ! » 6/6

Fil Bleu. Comment ont évolué la sexualité et la vie intime des personnes âgées ces dernières années ?

Sébastien Doerper. On a l’impression aujourd’hui de découvrir que les personnes âgées ont une sexualité. En 1949, une étude américaine montrait que 70 % des couples de plus de 70 ans avaient une sexualité active. En 1980, une étude française montrait que les personnes âgées de 80 à 102 ans avaient des rapports sexuels pour 63 % des hommes et 30 % des femmes. Le rapport des Petits frères des pauvres va dans ce même sens. Les personnes âgées ont donc bien une vie affective et sexuelle, y compris dans les Ehpad.

Quelles sont les pathologies liées à la sexualité les plus courantes que vous rencontrez chez les hommes âgés ?

Les dysfonctions sexuelles les plus rencontrées chez l’homme sont : la dysfonction érectile, elle concerne un homme sur cinq, l’éjaculation prématurée, un homme sur trois en souffre, des problèmes de désir et/ou de libido.

Et chez les femmes ?

Il y a une différence concernant l’appropriation de leur sexe entre les hommes et les femmes. Les femmes nées avant 1980 connaissent souvent mal leur corps, pour des raisons anatomiques et culturelles. Certaines ont des rapports sexuels sans comprendre ce qui se passe car elles n’ont que très peu souvent exploré leur corps. En vieillissant, elles disent que la sexualité ne les intéresse pas. Les motifs de consultations les plus fréquentes sont les douleurs lors de rapports sexuels, des baisses de libido et/ou de désir.

Quels conseils donneriez-vous à ceux qui veulent poursuivre leur vie sexuelle le plus longtemps possible ?

L’interdépendance entre santé physique et santé mentale est établie depuis longtemps. J’y ajouterai la santé sexuelle. Chacune de ces trois santés impacte les deux autres. Concernant la santé sexuelle, je dirai : c’est comme le sport, ne vous arrêtez pas ! S’y remettre après une interruption longue est compliqué. C’est normal d’avoir des variations tout au long de sa vie. Il n’y a pas de fréquence type. Ce qui compte, c’est de se faire plaisir, d’être heureux de cette relation. Il ne faut pas non plus avoir peur de changer, d’explorer d’autres parties du corps, d’innover. La retraite me semble une période très favorable pour consacrer du temps à la sexualité : on n’a plus de soucis avec les enfants, avec le travail, pas de risques de grossesse, on a du temps, profitez-en !

Quels conseils à ceux qui ont des dysfonctions sexuelles ?

N’ayez pas peur de consulter un sexologue. C’est un professionnel de santé. Sa formation initiale est soit médecin, pharmacien, psychologue, kiné, sage-femme, ou infirmière. Le sexologue a fait une spécialisation de trois années minimum.

La sexologie est-elle facilement accessible ?

Le centre hospitalier de Lunéville(1) a ouvert il y a quatre ans. C’est le premier service de santé sexuelle en France. On prend en charge toutes ses dimensions : les interruptions volontaires de grossesse (IVG), la contraception, les infections sexuellement transmissibles (IST), les dysfonctionnements sexuels, on y fait de la formation, de la communication et de la prévention. À ce jour, il y a peu de services comme le nôtre en France. Je me bats pour que la santé sexuelle soit intégrée comme une discipline à part entière de la médecine. Il existe une sexologie libérale mais elle n’est pas remboursée par la Sécurité sociale. En revanche à l’hôpital public, la discipline est intégrée au parcours de soins du patient et cela ne lui coûte rien.

Vous n’êtes pas favorable à l’emploi de médicaments comme le viagra ?

Je ne suis pas défavorable aux médicaments, étant moi-même pharmacien mais il faut en faire bon usage. Très souvent le trouble érectile est le symptôme d’un dysfonctionnement organique ou psychologique ; il est important de rechercher la cause et de la traiter avant de vouloir traiter le symptôme.

Y a-t-il des ouvrages accessibles de référence sur ces questions ?

C’est un peu coquin mais Jouissance Club(2), le livre de Jüne Plã, est très facile à lire. Il explique aux femmes et aux hommes comment leur corps fonctionne et il donne des astuces pour le stimuler, trouver du plaisir. C’est drôle, un peu cru mais jamais vulgaire.

Entretien réalisé par Didier Blain

(1) 6 rue Gardinet, 54301 Lunéville, Tél. : 03 83 74 24 81
(2) Éditions Marabout, 258 pages, 16,90 euros.