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« La société des égaux » ou l’égalité retrouvée


Inégalités accrues, délitement du lien social, décomposition de l'État-providence menacent notre démocratie. Pour s'y attaquer, il faut bâtir l'égalité sociale entre les citoyens. Pierre Rosanvallon dans « La société des égaux » (Ed. Le Seuil, septembre 2011) appelle à reconstruire un monde commun.

Pour parvenir à une « société des égaux » l’historien-sociologue Pierre Rosanvallon développe trois principes essentiels à une solidarité plus active : la singularité, la réciprocité et la communalité.

La singularité afin que chacun soit reconnu pour ce qu’il est. C’est le contraire d’un individualisme de repli, séparateur, mais une attente de réciprocité et de reconnaissance mutuelle.

La réciprocité, vécue comme la règle qui peut mettre tout le monde d’accord. Elle considère que l’homme n’est ni totalement égoïste, ni vraiment altruiste, mais il est en revanche essentiellement réciproque.

La communalité enfin, comme la construction d’un monde commun, sans passe droit et avec la création d’espaces partagés par les riches et les pauvres.

L’ouvrage de Pierre Ronsavallon nous conduit à approfondir notre réflexion et à nous attaquer à certains concepts de l’égalité comme par exemple les limites de l’égalité des chances, ou à l’idéologie du mérite, voire la simple mesure arithmétique des inégalités injustes.

Le chercheur dénonce les inégalités des revenus et des patrimoines qui n’ont pas cessé de s’accroître depuis les années 1980, dénonciations partagées dans la société, mais qui, selon l’auteur, ne parvient pas à les corriger. Et surtout, il en analyse les causes dans l’affaiblissement de l’idée d’origine d’égalité.

L’historien appuie sa démonstration par l’histoire des révolutions américaine et française, puis l’enrichissement des penseurs socialistes, marxistes, anarchistes du XIXe siècle. La visée de l’égalité démocratique s’appuyait sur une façon de faire la société, de produire et de faire vivre le commun. « Une société d’égaux, où chacun est respecté, où les individus sont considérés comme des semblables, chacun se voit donner les moyens d’être indépendant et autonome, participant à égalité au monde commun ».

Ce plongeon dans l’histoire redevient pertinent aujourd’hui. Pierre Rosanvallon souligne la décomposition du lien social, la concurrence entre les individus, la xénophobie, les discriminations, le national-protectionnisme et le recul de l’État-providence. Pour le sociologue, les fondements de l’égalité sont donc une question de vie sociale et non pas seulement de justice individuelle. Les sociétés les plus égalitaires sont celles ou les individus se sentent le mieux, sont en meilleure santé et où la délinquance est la plus faible.

En pleine campagne électorale, cet ouvrage permet, comme le Pacte civique (1), de repenser la participation au bien-être collectif. Il répond aux frustrations, redonne goût et sens à l’égalité, comme à la solidarité. Il participe à la reconstruction d’une culture démocratique moderne.

(1) Le Pacte civique : des engagements pour le « vivre ensemble »

Jacques Rastoul

Trois temps de l’histoire récente

La qualité démocratique, centrée sur l’égalité sociale était essentielle en 1789. Différente et complémentaire de la citoyenneté qui est une égalité-participation, il s’agit d’une égalité de relation sociale.
La guerre de 14-18 a manifesté un monde de semblables. Dans de nombreux pays, elle s’est prolongée par une « révolution de la redistribution », marquée par l’impôt progressif, la société assurantielle et la régulation collective du travail. Les réformes de 1945 en France ont été pour l’auteur un point d’orgue.

Pierre Ronsavallon occupe depuis 2001 la chaire d’histoire moderne et contemporaine du politique au Collège de France.