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Le Conseil d’État, juge des libertés !


À quoi sert le Conseil d’État ? Créé en 1799 par la Constitution du 22 frimaire an VIII, il se distingue par sa double fonctionnalité. Dans sa fonction consultative, il conseille le Gouvernement, donne son avis sur la légalité et l’opportunité des projets de lois. Dans sa fonction contentieuse, il est le juge administratif suprême.

Prenons quatre exemples emblématiques de l’action du Conseil d’État :

1. « Le voile » : Saisi par le Premier ministre le 29 janvier 2010, le Conseil d’État a fait preuve de pondération sur un sujet trop souvent instrumentalisé à des fins politiciennes. Il indique, dans son avis rendu le 30 mars 2010, « qu’une interdiction générale absolue du port du voile intégral en tant que tel ne pourrait trouver aucun fondement juridique incontestable… En revanche, il est d’avis que la sécurité publique et la lutte contre la fraude, renforcées par les enjeux propres à certains services publics, seraient de nature à justifier des obligations de maintenir son visage à découvert soit dans certains lieux, soit pour effectuer certaines démarches ».

2. L’affaire Dieudonné : Dans cette affaire, le Conseil d’État a pris sa décision extrêmement rapidement : le 9 janvier 2014, sur saisine du ministre de l’Intérieur, il a annulé une décision du tribunal administratif de Nantes qui avait autorisé le spectacle intitulé Le Mur de celui qui se présente comme un humoriste. Ces spectacles constituaient en réalité une incitation à la haine raciale. Conformément à la loi, ces spectacles ont été interdits.

Fonction essentielle

3. Les tarifs réglementés de l’électricité : Le Conseil d’État a été saisi par des fournisseurs d’électricité concurrents d’EDF au sujet de l’arrêté du Gouvernement du 20 juillet 2012 qui limitait à 2 % la hausse des tarifs réglementés appliqués par EDF pour la période du 23 juillet 2012 au 31 juillet 2013. Le Conseil d’État a jugé que cette hausse de 2 % était insuffisante pour couvrir l’augmentation des coûts. Dans sa décision du 11 avril 2014, il a ordonné une hausse rétroactive des tarifs réglementés de vente de l’électricité aux particuliers et aux petites entreprises (« tarifs bleus ») et aux entreprises moyennes (« tarifs jaunes »).

4. « L’affaire Vincent Lambert », un patient tétraplégique de 38 ans dans un état de « conscience minimale » depuis 2008 à la suite d’un accident de moto. Le Conseil d’État s’est résolu, le 14 février, à demander une nouvelle expertise médicale devant lui permettre de se prononcer sur le « caractère irréversible » des lésions dont souffre Vincent Lambert et sur le fait de savoir, autant que possible, si ces réactions « peuvent être interprétées comme un rejet des soins » ou au contraire comme un « souhait que le traitement soit prolongé ». La situation est loin d’être simple, puisque la famille est divisée. L’épouse de Vincent Lambert et son neveu sont favorables à l’arrêt du traitement pour mettre un terme à ses souffrances considérées sans issue, tandis que les parents sont favorables – au nom du caractère intangible de la vie – à la poursuite dudit traitement. Depuis, le Conseil d’État a autorisé fin juin l’arrêt de tout traitement. Dans les heures qui suivaient, saisie par les parents de Vincent, la Cour européenne s’y opposait… pour le moment, dans l’attente d’instruire le dossier sur le fond.

Le système juridictionnel français se caractérise par la séparation entre un ordre judiciaire dont la Cour suprême est la Cour de cassation et un ordre juridictionnel administratif dont la Cour suprême est le Conseil d’État. Pour ce qui concerne le règlement des litiges entre l’administration et les administrés, le Conseil d’État a toujours le dernier mot. Ses interventions ont toutes en commun – outre le rôle de Conseil du Gouvernement – de s’attacher à la protection des libertés individuelles en lien avec la défense de l’intérêt général. Dans une société où le règlement des litiges s’effectue par l’intermédiaire du droit, l’action du Conseil d’État est tout à fait essentielle pour l’exercice du vivre ensemble.

Jean-Pierre Moussy

Le Conseil d’État est la juridiction administrative suprême (photo B. Verwée)