« Le cumul emploi-retraite est un phénomène surtout lié aux basses pensions » 5/5
Qu'en pense la CFDT ? Entretien avec Benoit Prince, secrétaire général de la CFDT Retraités.
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Fil Bleu : Comment la CFDT Retraités analyse-t-elle la question des retraités qui travaillent ?

Benoit Prince. L’augmentation, même minime, du nombre de retraités concernés tient notamment au fait qu’on a changé les règles récemment. Avant la réforme de 2023, le cumul n’ouvrait pas de droit à un recalcul de la pension. C’est le cas maintenant et cela a pu convaincre des retraités réticents jusque-là. Cela étant, si on regarde bien, ça ne rapporte pas beaucoup. Du côté de la retraite complémentaire, le cumul donne des points uniquement sur les salaires inférieurs au plafond de la Sécurité sociale(1). J’y vois surtout un phénomène lié aux basses pensions qui concernent beaucoup de femmes.
La CFDT est-elle favorable à cette seconde retraite dans le cadre du dispositif de cumul emploi-retraite ?
À partir de 2015, le cumul ne permettait plus d’obtenir de nouveaux droits à la retraite et à l’époque, la CFDT n’a pas crié au scandale. Dans l’organisation, ce cumul emploi-retraite faisait débat. Autant quand on évoque les petites pensions, c’est acceptable, autant lorsqu’il s’agit de revenus conséquents, c’est moins bien perçu. Il n’y a d’ailleurs pas de positionnement officiel de la CFDT sur ce sujet qui relève d’un choix personnel. On n’est pas à la place des gens.
Par le passé, on a eu, notamment dans les régimes spéciaux, des employés mis d’office en retraite à 55 ans avec 50 % de leur salaire. Ils se sentaient rejetés et privés d’une part importante de leurs revenus bien qu’en capacité de travailler. Cette possibilité de mettre les gens en retraite a été supprimée en 2008 et, dans le privé, l’employeur ne peut plus mettre le salarié en retraite avant l’âge de 70 ans, une disposition mal connue. Aujourd’hui, les salariés choisissent le moment du départ, même s’ils s’y préparent mal.
En quoi les salariés se préparent-ils mal à la retraite ?
Les salariés pensent qu’il suffit de préparer leur dossier de demande de pensions, et en cela ils peuvent être accompagnés par des militants dans les syndicats de retraités. Mais souvent, ils négligent l’aspect psychologique, il faut aussi se préparer à une deuxième vie. Des groupes de protection sociale et certaines caisses de retraite proposent des préparations à la retraite avec des psychologues qui permettent de s’interroger sur cette deuxième vie.
Ce travail en retraite doit-il ouvrir de nouveaux droits, par exemple à la formation ?
C’est une question difficile en France. Déjà, les chiffres de la formation professionnelle montrent que plus on est âgé et moins on a accès à la formation. La Confédération européenne des syndicats a mené une réflexion sur ce sujet. Certains pays du nord de l’Europe, où les salariés partent plus tard en retraite, sont confrontés à cette interrogation.
En parallèle, ces organisations syndicales mettent sur la table la question de l’aménagement du temps de travail et des conditions de travail, et des pénibilités subies par les seniors. On n’en est pas là en France.
Est-ce que le cumul emploi-retraite répond au besoin d’augmenter le taux d’emploi des seniors pour financer les retraites dans l’avenir ?
Le cumul emploi-retraite y participe, mais seulement à la marge. Comme le montre un rapport du COR(2), si la France avait le même taux d’emploi des seniors que l’Allemagne, on économiserait 60 milliards d’euros. C’est pourquoi la CFDT voulait négocier sur le travail, et notamment sur le travail des seniors, avant les retraites. En 2023, le gouvernement a refusé de parler travail, mettant la charrue avant les bœufs. Maintenant, on va en reparler dans le cadre du conclave voulu par le Premier ministre.
Entretien réalisé par Didier Blain
(1) Lire les fiches n° 26, 36 et 54 du guide des pensions de retraite sur le site Sommaire Guide des pensions de retraite
(2) COR : Conseil d’orientation des retraites.