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Le jihad en Syrie et en Irak : un défi pour la France et l’Europe


Nous republions un article déjà publié début 2015, suite aux attentats de janvier. Après l’émotion provoquée par les assassinats de journalistes, de policiers, de clients d’une épicerie kasher, chacun se doit d’approfondir les enjeux du jihad pour mieux en percevoir les ressorts et les moyens de les combattre.

L’afflux de jihadistes étrangers vers une zone de conflit n’est pas nouveau. L’occupation de l’Afghanistan par l’Union soviétique dans les années 1980 a ouvert l’ère du jihad moderne. En 1984, Oussama Ben Laden et Abdallah Azzam créent à Peshawar un « bureau des services » qui, de 1984 à 1989, attire des milliers de combattants. Les estimations varient grandement selon les sources : entre 3 000 et 25 000.

Dans la mythologie jihadiste, le jihad en Afghanistan occupe une place spécifique, parce qu’Al Qaïda y trouve son origine et que les jihadistes sont convaincus d’être les principaux artisans de l’effondrement de l’Union soviétique. Les jihadistes jouiraient ainsi d’une supériorité morale qui leur permettrait de vaincre n’importe qui. Le retour des jihadistes dans leur pays d’origine a été un facteur de déstabilisation. Les « Afghans » ont nourri en Algérie la dynamique de la guerre civile.

Davantage de combattants étrangers se sont rendus en Syrie et en Irak au cours des trois dernières années qu’en Afghanistan dans les années 1980. Trois raisons au moins contribuent à expliquer cet engouement. Au niveau théologique, la Syrie est englobée dans ce que les jihadistes appellent « le pays de Cham ». Cette zone est à leurs yeux magnifiée dans le Coran. Elle constitue la deuxième région la plus importante dans l’islam après la péninsule arabique. Venir en aide aux populations massacrées par le régime alaouite de Bashar el-Assad est vu comme un acte légitime dans une grande partie du monde sunnite.

Au niveau historique, la Syrie et l’Irak ont été le cœur du califat abbasside, de 750 à 1258. Or le chef de l’ « État islamique » (EI) Abou Bakr al Bagdadi s’est autoproclamé calife durant l’été 2014. Le califat se veut transnational et l’EI a beaucoup joué sur la symbolique de l’effacement des frontières héritées des accords Sykes-Picot.
La Syrie est enfin facilement accessible. Quelques centaines d’euros et une simple carte d’identité suffisent pour se rendre à Istanbul, puis à la frontière turco-syrienne. Par ailleurs, les jihadistes déjà présents en Syrie donnent, via les réseaux sociaux, des conseils utiles pour les rejoindre. Ainsi le web n’est pas seulement un vecteur de propagande, mais une véritable plate-forme organisationnelle.

L’engouement pour le jihad en Syrie et en Irak a de quoi inquiéter les autorités des pays occidentaux. Les responsables politiques français craignent en particulier que des combattants ne reviennent en France et ne commettent des attentats. La lutte contre les filières jihadistes est amenée à s’amplifier. Une nouvelle loi antiterroriste a été adoptée en 2014 et, après les attentats de janvier 2015, un renforcement important des services de renseignement a été annoncé.

Marc Hecker
Chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI)
Avec l’aimable autorisation de Justice et Paix.

Un tiers des occidentaux impliqués dans le jihad en Syrie sont français. (Photo Fotolia)

Le profil des jihadistes

Le jihad en Syrie et en Irak a attiré environ 15 000 volontaires étrangers, dont 3 000 Occidentaux. 1 132 résidents français étaient, en novembre 2014, impliqués dans les filières jihadistes. 376 étaient présents en Syrie ou en Irak, plus de 300 étaient décidés à partir de France. 184 étaient en transit, 199 avaient quitté les zones de guerre (dont 109, de retour en France, mis en examen) et 49 étaient décédés.
Si les jeunes issus de familles musulmanes, ayant un faible niveau scolaire et des difficultés à s’insérer professionnellement semblent surreprésentés, on trouve aussi des individus ayant abandonné en France un emploi stable. Les femmes sont nombreuses : environ 250. L’origine géographique des jihadistes est tout aussi variée : plus de 80 départements français comptent au moins un jihadiste en Syrie ou en Irak.