UNION CONFÉDÉRALE CFDT DES RETRAITÉS

Actu revendicative


Le mal-logement des retraités pauvres


Depuis les années 80, les « vieux » ne comptaient quasiment plus parmi les exclus. Dans son rapport de 2009 sur le mal-logement en France, la Fondation Abbé Pierre casse l'image et les idées reçues. « Le vieillissement aggrave les inégalités économiques et sociales… Le logement est, pour les personnes vieillissantes, « un marqueur d'inégalité ».

Des personnes vieillissent à la rue. D’autres, vieux travailleurs migrants, croupissent dans des foyers qui les ont accueillis il y a un demi-siècle. La part des migrants de plus de 55 ans accueillis dans les foyers Adoma (ex-foyers Sonacotra) s’élevait à 29% en 1994. Dix ans plus tard, elle atteint près de 49%.

En milieu rural, vivre âgé c’est bien souvent avoir à supporter des conditions de logement inconfortables, voire indignes. Dans le nord des Charentes, 65% des logements insalubres entretenus par le Pact sont occupés par des personnes très âgées.

Ailleurs les propriétaires retraités, notamment les plus modestes, rencontrent de plus en plus de difficultés à entretenir leur patrimoine immobilier. Le parc HLM lui-même est confronté au vieillissement. En 1999, 25% des logements sociaux étaient occupés par les locataires de plus de 60 ans et 10% d’entre eux avaient plus de 75 ans.

Confrontés à un effet de ciseaux entre la décroissance de leurs ressources et la progression du coût des loyers, ces locataires âgées ne bénéficient d’aucun moyen qui facilite leur mobilité : « Si on change de bail dans le parc social, on paie plus cher même pour plus petit » analyse ce responsable d’un Clic de l’Essonne.

Les Banques alimentaires s’alarment

Le nombre de personnes ayant eu recours aux associations qui se fournissent dans les Banques alimentaires s’est accru de 8% entre janvier et juin 2008, puis à nouveau de 8% entre juin et octobre.

Alors que les Banques alimentaires avaient été créées en 1984 pour aider « le noyau dur » des exclus, aujourd’hui les accueils sont fréquentés pour 18% par des chômeurs indemnisés en recherche d’emploi, pour 15% par des gens qui travaillent, et pour 14% par des retraités pauvres.

Rattrapage interrompu

Le temps où l’on appréhendait les personnes âgées comme une population homogène bénéficiant d’un confort de vie supérieur aux jeunes générations est révolu. Quelques publicités cherchent à entretenir l’idée d’une « Sun city » hors du monde close sur ses seuls résidents. Louis Chauvel en est le témoin privilégié. Ardent défenseur de la situation d’une génération de jeunes sacrifiés, le sociologue l’affirme aujourd’hui : « nous vivons le point culminant d’une période marquée par la figure du jeune retraité riche, propriétaire d’un logement devenu inaccessible aux salariés actuels, et dont le niveau de vie est comparable à celui des actifs de son temps. » Et d’aucuns annoncent « le crépuscule des vieux aisés en 2015 ».

Et le rapport de la Fondation de décrypter : « L’évolution du marché du travail (précarité de l’emploi, progression limitée des salaires), la transformation des structures familiales (ruptures et recompositions familiales, poids des personnes seules) comme l’incertitude qui pèse sur les régimes de retraite (augmentation des durées de cotisation) conduiront inéluctablement à une baisse du nombre de personnes pouvant bénéficier d’une pension de retraite à taux plein. »

Le rattrapage par les retraités du niveau de vie moyen des actifs s’est interrompu. Le recul de la pauvreté des personnes âgées, enregistré sur une longue période ? est enrayé. Désormais, les riches sont plus souvent propriétaires et les classes moyennes comme les bas revenus le sont moins souvent.

Adapter le logement

« Pour avoir tout misé sur une politique de lutte contre les méfaits du grand âge et de la dépendance, on n’a pas anticipé l’arrivée à l’âge de la retraite de la génération RMI » affirme un responsable de CCAS. Comme c’est le cas pour 95 % des moins de 80 ans, vieillir chez soi dans de bonnes conditions redevient un enjeu de société.

Les maisons de retraite deviendraient-elles dans ces conditions le seul moyen de garantir un toit ? Ce serait faire peu de cas des capacités d’accueil estimées à 671 000 places inégalement réparties sur tout le territoire. Et comment ignorer que « le reste à charge » est en moyenne supérieur à 1 600 € par mois - et jusqu’à plus de 2 000 € pour les maisons de retraite privées à but lucratif. Sauf à faire appel aux ressources de ses proches quand on en a.

Il faut créer environ 115 000 places d’hébergement d’ici 2015 pour conserver un taux équivalent à celui de 1996. À défaut, il sera nécessaire de développer davantage encore les services à domicile et de poursuivre l’adaptation des logements aux contraintes du grand âge. En 2006, 13 000 logements ont ainsi bénéficié d’une subvention pour la réalisation de travaux d’adaptation pour un montant total de 43 millions d’euros.

Les maires inquiets

En 2008, 37% des maires placent les personnes âgées parmi les trois catégories de personnes les plus en difficulté, alors qu’ils n’étaient que 18% à le faire en 2001. Un maire sur quatre estime même que la situation des personnes âgées s’est dégradée depuis quelques années. Ils n’étaient que 6% à le penser en 2001.
Source : Sofres/Secours catholique février 2008.

L’âge d’or des tempes grises ?

Les collectivités territoriales, par leur implication dans la vie locale, ont une responsabilité de premier plan pour faire en sorte que l’âge ne soit pas un facteur d’exclusion sociale. C’est à elles d’inventer les dispositifs locaux pour éviter que le « placement » d’une personne âgée en institution ne soit une mise à l’écart de la société. Et pour faire que le maintien à domicile ne signifie pas assignation à résidence et isolement forcé.

C’est en tout cas une occasion supplémentaire de refuser que, dans notre société, 600.000 personnes âgées soient condamnées à vivre avec une allocation de solidarité de 628 €. Le recul de la pauvreté des personnes âgées est enrayé.

« Si on arrêtait de considérer la vieillesse comme une maladie, ce serait un premier pas » analyse Bernard Devert, président d’Habitat et Humanisme. Quoiqu’il en soit « l’âge d’or des tempes grises » s’est achevé depuis trois ans. Le phénomène s’est amplifié depuis septembre avec la crise financière et sociale. Il y a urgence. Notre solidarité et nos propositions sont et seront au rendez-vous.