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Action internationale


Le modèle social européen aux risques de la crise !


Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne, a déclaré en février dernier au Wall Street Journal que « le modèle social européen est mort ». Les plans d'austérité amènent à s'interroger sur son avenir. Mais qu'entend-on par modèle social européen ?

Pour la Confédération européenne des syndicats (CES) cinq éléments essentiels définissent le modèle social européen : les droits sociaux fondamentaux, la protection sociale, le dialogue social, la réglementation sociale, la responsabilité de l’Etat en matière de plein emploi et de cohésion sociale.

D’autres analyses proposent quatre modèles de référence (1) :

 Le modèle scandinave ou social-démocrate en Suède, Danemark, Finlande. Il assure un niveau élevé de protection sociale à tous. L’accent est mis sur l’inclusion sociale. Le taux d’emploi est élevé en particulier celui des femmes et des seniors. Les inégalités sociales sont faibles. Le système repose sur la coopération entre les partenaires sociaux.

 Le modèle libéral (ou anglo-saxon) au Royaume-Uni et en Irlande. Il insiste sur la responsabilité individuelle. Les prestations sociales sont faibles et ciblées sur les plus pauvres. L’emploi n’est guère protégé. Les salaires sont déterminés au niveau des entreprises.

 Le modèle d’assurance sociale ou de l’Europe continentale en Allemagne, en France, aux Pays-Bas, en Belgique, en Autriche. La protection sociale est organisée sur une base professionnelle. Ce modèle comporte une protection de l’emploi. Le taux d’emploi est plutôt faible.

 Le modèle méditerranéen (Italie, Espagne, Grèce, Portugal) est marqué par la survivance des solidarités familiales. Il subsiste de fortes inégalités entre hommes et femmes. Le taux d’emploi est faible.

Cette typologie prend en compte l’hétérogénéité de l’Union européenne. Si le modèle libéral a plutôt le vent en poupe, le niveau des performances sociales plaide à l’inverse pour le modèle scandinave.

Un nécessaire new deal

Il faut maintenant s’interroger sur les politiques d’austérité. Les marchés ont secoué la zone euro et testé ses capacités de résistance : les pays sont passés de la crise des subprimes à celle de la liquidité bancaire, de l’endettement privé à l’endettement public. Des dispositifs ont été mis en place, souvent avec retard suscitant à nouveau la méfiance des marchés.

Aujourd’hui la situation semble stabilisée. Mais l’inquiétude se reporte sur l’Espagne. Le jour même de la signature du traité sur « la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire » début mars, le pays annonce qu’il ne pourra pas respecter les ratios prévus de déficit (Pour 2011 le déficit était de 6%. Il est désormais chiffré à 8,51%).

Quatre pays sont « sous assistance » dont trois de la zone euro.
La plupart des plans de rigueur comportent les mêmes mesures : réduction des effectifs et des salaires de la fonction publique, réforme du marché du travail, mesures restrictives concernant les retraites et les systèmes de protection sociale. Les dispositifs financiers ont-ils eu une influence positive sur la croissance et l’évolution du chômage ? Avec de tels résultats, gouvernements et Commission européenne ne peuvent pas pavoiser.

Les mêmes politiques restrictives sont-elles appliquées partout dans le monde ? Bien sûr que non : les États-Unis ont pris des mesures de relance plus significatives qu’en Europe, la croissance y est plus marquée et le chômage diminue. De même il ne faut pas croire qu’il n’y ait pas d’autre politique possible : des politiques de maîtrise des déficits publics sont possibles à condition d’être étalées dans le temps, des systèmes de mutualisation des dettes peuvent être mis en place (eurobonds). Il en est de même des initiatives de relance des investissements portant sur des infrastructures et l’énergie.
L’Europe, en période de crise, sauf à perdre son âme ne peut s’illustrer par le moins disant-social. Comme le demande la CES un « new deal » est nécessaire.

Jean-Pierre Moussy

(1) Classification proposée par ESPING-ANDERSEN (1990) discutée et détaillée par MATHIEU et STERDYNIAK (OFCE 2008). Sur tous ces sujets voir également « La Chronique internationale de l’Ires » : n°121 « Les acteurs sociaux face à la crise » (novembre 2009) et n°127 « L’État social à l’épreuve de l’austérité » (novembre 2010).