Le plan d’investissement européen à soutenir et à améliorer
Le plan d’investissement présenté par le président de la Commission européenne, J.-C. Juncker, le 26 novembre dernier, et validé par le Conseil européen le 18 décembre constitue une initiative bienvenue. Analyse.
Le contexte économique européen est loin d’être favorable. La croissance n’est toujours pas de retour. Pour la zone euro, la croissance du PIB en 2008 (% en volume par rapport à l’année précédente) était de 0,5 %, et encore seulement de - 0,5 % en 2013. Pour les USA, elle était de - 0,3 % en 2008 et de 2,2 % en 2013.
Depuis le début de la crise, la croissance est très faible dans la zone euro. Mais les écarts de croissance se sont accentués avec les USA. Le chômage s’est aggravé. Le taux de chômage était de 7,6 % en 2008 (dans l’UE à 27) et de 8,4 % dans la zone euro. Il est désormais (en août 2014) de 10,1 % dans l’UE à 28 et de 11,5 % dans la zone euro.
Dans ces conditions, la seule surveillance des ratios d’endettement ne suffit plus. Le plan d’investissement constitue un élément de réponse face à cette situation alarmante. Pourquoi un plan d’investissement ? En plus des données générales évoquées, il faut prendre en compte une baisse inquiétante de la « formation brute de capital fixe » (investissements) qui handicape sérieusement l’avenir.
Évolution de la FBCF (en % du PIB)
UE (à 28) | Zone euro | France | Allemagne | USA | |
---|---|---|---|---|---|
2008 | 21,1 | 21,5 | 21,3 | 18,6 | 21 |
2013 | 17,9 | 17,9 | 19,4 | 17,4 | 19,7 |
Cinq cibles
Le plan se donne trois objectifs. Il s’agit d’alimenter la relance dans l’UE et d’inverser la tendance à la baisse des investissements. Il faut aussi répondre aux besoins à long terme de notre économie. Il est enfin nécessaire de renforcer la dimension européenne du capital humain, des infrastructures physiques et des interconnexions.
Les modalités de ce plan d’investissement de 315 milliards sur trois ans reposent sur un Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) qui sera créé au plus tard en juin 2015, et doté de 21 milliards : 5 provenant de la Banque européenne d’investissements (BEI) et 16 de garanties prises sur le budget de l’UE. Il implique aussi la mobilisation de financements privés favorisés par la garantie publique initiale de prise de risque. Un multiplicateur de 15 est attendu (à l’instar de ce qui est réalisé par la BEI), soit 21 milliards x 15 = 315 milliards.
Cinq secteurs d’investissement sont privilégiés : le numérique et l’énergie, les transports, les PME, l’emploi des jeunes, et les projets portant sur l’environnement, l’innovation, la recherche-développement.
Investir pour l’avenir
Plusieurs observations, interrogations, critiques peuvent être formulées sur ce plan. À l’instar du ministre des Finances polonais, on peut considérer ce plan comme insuffisant : M. Szczurek plaide pour un plan de 700 milliards. On peut aussi s’interroger sur l’effectivité du multiplicateur de 15 qui repose sur un pari, celui de l’adossement du secteur privé aux garanties publiques. Enfin, on peut regretter que les États et les principaux pays de l’Union n’aient pas apporté leur contribution spécifique à ce plan.
Malgré ces réserves, ce plan doit être soutenu et amélioré. Des projets d’avenir viables avec les acteurs économiques et sociaux doivent être identifiés. Un certain nombre d’améliorations du dispositif sont possibles, en intégrant la problématique des investissements publics dans la procédure européenne du « semestre européen », afin que ne soient pas sacrifiées les dépenses d’investissement. On doit également assurer une meilleure coordination des programmes nationaux, en particulier dans le domaine des transports, et mettre en commun les ressources et compétences de la BEI avec celles des banques publiques nationales.
Investir, c’est projeter nos sociétés vers l’avenir. Il est grand temps pour l’Europe de se tourner dans cette direction. Ce plan peut y contribuer et favoriser ainsi une reprise de l’activité économique et de l’emploi.
Jean-Pierre Moussy