Le rapport Vachey défriche le financement et propose un périmètre et une gouvernance
Le rapport cible toutes les sources potentielles de financement et formule des propositions en matière de pilotage et de gouvernance de la nouvelle branche.
Avec ce texte, il ne faut pas jouer à se faire peur. Laurent Vachey n’avait pas pour mission d’écrire le projet de loi mais de présenter tous les choix possibles. Des pistes vont dans le sens de nos propositions, d’autres en sont éloignées, parfois même très éloignées mais ce sont les concertations et les débats parlementaires qui décideront du verdict final, s’il y en a un avant 2022.
Le 7 août, une loi organique et une loi ordinaire relatives à la dette sociale et à l’autonomie ont été publiées au Journal officiel. L’article 3 de la loi ordinaire officialise l’attribution à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) de 0,15 point de contribution sociale généralisée (CSG) à partir du 1er janvier 2024, soit de l’ordre de 2,3 milliards d’euros. L’article 5 acte un changement important puisqu’il intègre le risque autonomie à la Sécurité sociale en tant que cinquième branche. La CNSA est appelée à gérer cette nouvelle branche. Le même article stipule que « la prise en charge contre le risque de perte d’autonomie et la nécessité d’un soutien à l’autonomie sont assurées à chacun, indépendamment de son âge et de son état de santé ». Enfin le dernier paragraphe annonçait pour la mi-septembre un rapport « sur les modalités de mise en œuvre d’un nouveau risque et d’une nouvelle branche de la Sécurité sociale relatifs au soutien à l’autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap ». Son auteur, Laurent Vachey, un ancien directeur de la CNSA, a remis ce rapport le 17 septembre.
Le financement
Sur le financement, en s’appuyant sur les besoins exprimés dans le rapport Libault (6 milliards d’euros d’ici 2024, 10 en 2030), Laurent Vachey énumère toutes les mesures possibles. Parmi celles-ci figurent bien évidemment des réflexions autour de la CSG, de nouvelles contributions des actifs comme des retraités, des niches fiscales, de l’assurance vie, des complémentaires, d’une nouvelle journée de solidarité, de transferts d’autres branches ou organismes, d’économies sur certaines prestations, etc. En 360 pages, annexes comprises, rien n’a été oublié.
Il ressort des auditions et des consultations que le principe d’un financement par la solidarité nationale est partagé tant par le monde syndical qu’associatif. Par exemple, le rapport privilégie le transfert de ressources depuis la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) ou un transfert sous une autre forme tel le fléchage d’une ressource équivalente à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). Les différentes formes de financements complémentaires, tels les scénarios proposés par les représentants du monde assuranciel ou mutualiste (FFA, FMNF) de mise en place d’une assurance complémentaire, ne constituent pas des pistes acceptables pour une grande majorité. Même analyse concernant d’autres propositions (viager, prêt viager hypothécaire, garantie pour l’adaptation du logement dans les contrats habitations, mobilisation de l’assurance vie). S’agissant des niches fiscales, l’évolution du périmètre du crédit d’impôt « aide à domicile » et ses propositions de réduction sont perçues défavorablement car cela contribuerait à fragiliser encore plus le secteur professionnel du domicile. La proposition de la CFDT d’une taxation additionnelle sur les donations et successions paraît plutôt favorablement perçue, hormis parmi certains représentants (la CPME ou la CFE-CGC, notamment).
Le périmètre de la branche va au-delà de l’actuelle CNSA
Le périmètre de départ de la branche serait celui du budget de l’actuelle CNSA. Des transferts depuis d’autres branches de la Sécurité sociale ou depuis le budget de l’État ne posent pas de difficultés, selon Laurent Vachey. En revanche, il sera plus difficile d’afficher dans la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) les contributions des départements aux mêmes dépenses que celles incluses dans le budget de la branche : prestations APA (allocation personnalisée d’autonomie) et PCH (prestation de compensation du handicap), financement des établissements et services. « Cette inclusion aurait du sens, mais la libre administration des collectivités locales rend complexe un vote du Parlement sur un objectif de dépenses qui les inclue », explique l’inspecteur général des finances. A minima, pour 2021, l’annexe de la LFSS devra les retracer. La mission préconise le transfert de certaines prestations aujourd’hui dans le périmètre d’autres branches de la Sécurité sociale, dont la finalité relève de la compensation de la perte d’autonomie : l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, la composante « aide humaine » de l’invalidité, l’allocation supplémentaire d’invalidité et les unités de soins de longue durée. La proposition de transférer la part de l’action sociale de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) consacrée aux aides à l’investissement et à l’aménagement du domicile est accueillie très défavorablement par les partenaires sociaux. Le rapport recommande également des transferts depuis le budget de l’État : l’allocation aux adultes handicapés, et l’aide au poste des travailleurs en Esat essentiellement. Au total, le périmètre de la branche passerait de 27 milliards d’euros (l’actuelle CNSA) à 42 milliards d’euros en 2021 et 2022 (selon la complexité des transferts).
La gouvernance nationale et locale
Concernant la gouvernance locale, les avis sont dispersés sur les différents scénarios (les mêmes que dans le rapport Libault). Les associations représentatives de personnes âgées et des personnes handicapées, ainsi que les partenaires sociaux, sont globalement opposés à une gestion unique par les départements. L’Assemblée des départements de France (ADF), la CFTC et l’ADMR (Aide à domicile en milieu rural) défendent en revanche ce modèle, mais de manière relativement isolée. Le scénario d’une gestion unique par les agences régionales de santé (ARS) est soutenu par quelques associations et fédérations (FNAR, APF France Handicap, fédération hospitalière de France) mais ne fait pas davantage l’unanimité. C’est finalement le scénario partenarial associant départements et ARS qui recueille le plus d’adhésions, en particulier des organisations syndicales et de l’UNIOPSS (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux). C’est aussi le choix de Laurent Vachey qui prône une « gouvernance locale claire et stable ». Il retient l’hypothèse du rapport Libault d’une CNSA qui, comme aujourd’hui, s’appuie sur deux réseaux, les ARS et les départements. Il préconise la mise en place de contrats départementaux pour l’autonomie et la généralisation des maisons départementales de l’autonomie (MDA).
Au niveau national, le principal enjeu de la gouvernance, selon le rapporteur, est surtout, « de donner à la CNSA de nouveaux leviers d’action pour agir sur la gestion du risque et l’équité territoriale des politiques qu’elle finance ou cofinance ». Cela pourrait conduire à une gestion plus exigeante des conventions avec les départements. Le renforcement des prérogatives de la CNSA va dans le sens des propositions de longue date de la CFDT. Ce sont des positions largement partagées par l’ensemble des acteurs qui s’accordent sur la nécessité de donner à la CNSA les moyens du pilotage de la branche et de la politique en faveur de l’autonomie, en renforçant son positionnement.
Un calendrier incertain
Tout devait aller très vite. Grâce au contenu du rapport, les travaux devaient s’engager pour aboutir rapidement à un projet de loi Autonomie. Pourquoi aller vite quand on peut aller lentement ? À la mi-septembre, le Premier ministre n’a pas caché que le texte serait examiné plutôt dans le second semestre 2021. La ministre déléguée à l’Autonomie a annoncé que le projet de loi ne pourra finalement pas être présenté d’ici la fin de l’année « car le travail n’est pas abouti ». En visite dans un Ehpad du Loir-et-Cher, le président de la République a confirmé ce nouveau report et fait part de son intention de bâtir une loi « dans les prochains mois ». En attendant la présentation du texte, une nouvelle phase de consultation, baptisée « Laroque de l’autonomie », sera lancée prochainement. Par ailleurs, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021 intégrera quelques premières mesures en faveur des Ehpad.
Dans les mois qui viennent, la CFDT Retraités en lien avec la Confédération tentera de convaincre le gouvernement de l’urgence de la réforme.
Yves Vérollet
Modifications apportées au Code de la Sécurité sociale par la loi n° 2020-992 du 7 août 2020 - art. 5 (V)
Article L111- La Sécurité sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale. Elle assure, pour toute personne travaillant ou résidant en France de façon stable et régulière, la couverture des charges de maladie, de maternité et de paternité ainsi que des charges de famille et d’autonomie.
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Elle assure la prise en charge des frais de santé, du soutien à l’autonomie, le service des prestations d’assurance sociale, notamment des allocations vieillesse, le service des prestations d’accidents du travail et de maladies professionnelles ainsi que le service des prestations familiales
[…]
Article L111-2- Nouvel alinéa III.
La Nation affirme son attachement au caractère universel et solidaire de la prise en charge du soutien à l’autonomie, assurée par la Sécurité sociale. La prise en charge contre le risque de perte d’autonomie et la nécessité d’un soutien à l’autonomie sont assurées à chacun, indépendamment de son âge et de son état de santé.Article L200-2
Le régime général comprend cinq branches :
1° Maladie, maternité, invalidité et décès ;
2° Accidents du travail et maladies professionnelles ;
3° Vieillesse et veuvage ;
4° Famille ;
5° Autonomie.