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Le siècle du populisme par Pierre Rosanvallon


Le siècle du populisme de Pierre Rosanvallon est un livre de substance qui se situe dans le prolongement des travaux précédents de l’auteur sur l’approfondissement de la démocratie.

Pierre Rosanvallon considère d’entrée que le populisme est un « mot caoutchouc » mais il constitue une dimension inédite du cycle politique ouvert au tournant du XXIe siècle.
La culture populiste s’exprime autour de cinq éléments : une conception du peuple, une théorie de la démocratie, une modalité de la représentation, une politique et une philosophie de l’économie, « le national protectionnisme » et un régime de passions et d’émotions.

La théorie populiste de la démocratie s’appuie sur trois éléments. Une préférence donnée à la démocratie directe, illustrée par la sacralisation du référendum. Une vision de la souveraineté du peuple qui rejette les corps intermédiaires et entend domestiquer les institutions non élues comme les cours constitutionnelles et les autorités indépendantes. Une appréhension de la volonté générale comme étant susceptible de s’exprimer spontanément.

Sous l’angle historique sont relatées les expériences populistes en Amérique latine. Jorge Eliécer Gaitán en Colombie dans les années 1930 et 1940 et plus récemment Hugo Chávez au Venezuela et Morales en Bolivie. En France, la politique de Louis Napoléon devenu Napoléon III est pointée avec son penchant affirmé pour la « démocratie plébiscitaire ».

Le chapitre « Un régime de passions et d’émotions » distingue les émotions de position (sentiment d’abandon, d’être méprisé), les émotions d’intellection (restauration d’une lisibilité du monde, développement d’une vision complotiste, recours aux fake news) et les émotions d’action (le dégagisme). La proposition politique des populistes réside in fine dans l’invitation à chasser les gouvernements en place, au nom d’une défiance généralisée.

La partie intitulée « Critique » revient sur le référendum, consacré dans la constitution de la Ve République et repris ces derniers temps par les Gilets jaunes. Le référendum tend à dissoudre la notion de responsabilité politique. Il implique une confusion dommageable entre la notion de décision et celle de volonté politique. En proposant des choix binaires, il s’accompagne d’une secondarisation de la dimension délibérative de la démocratie. Enfin, il sacralise le fait majoritaire en tendant à lui donner une dimension d’irréversibilité. L’exemple du Brexit montre que le référendum tranche entre deux propositions mais n’indique pas les conditions de mise en œuvre de l’option retenue.

En conclusion, Rosanvallon insiste sur le fait que la démocratie n’est pas un modèle figé, qu’elle est par nature expérimentale, et il souhaite un renforcement du lien entre représentés et représentants.

Pas toujours facile d’accès, cet ouvrage est à lire car il permet de mieux comprendre les ressorts des troubles qui secouent nos sociétés. Il est fondé sur un sous-jacent, la permanence d’une « exigence démocratique augmentée ».

Jean-Pierre Moussy

Le Siècle du populisme, Pierre Rosanvallon, Seuil, 2020, 270 pages, 27 euros.