Les consommateurs sont devenus critiques face aux débordements récurrents du capitalisme
L'Institut national de la consommation (INC) suit de très près l'évolution du commerce équitable. Pour Jean-Pierre Loisel en charge de ce dossier, le commerce équitable interroge les débordements des produits qui, au-delà du commerce équitable, doivent retrouver une dimension éthique.
L’INC porte un regard particulier sur le commerce équitable. Pensez-vous que ce type de commerce se soit professionnalisé et mieux structuré ?
Le commerce équitable a commencé dans les années 60. À l’époque, quelques magasins, quelques initiatives, très contestatrices des canons du « marché » ont mis en place des filières « intégrées ». Les produits vendus dans ces magasins étaient donc réservés à une minorité spécifique.
L’apport de Max Havelaar a été de vouloir en faire un commerce usant des mêmes canaux de grande distribution que les autres. Et ces paris, tant de la multiplication des productions et des ventes, que de la visibilité, ont été gagnés. Les acteurs du commerce équitable, pour une bonne partie, sont de vrais professionnels. Il reste de petites structures qui se veulent toujours « intégrées », qui ont un fonctionnement plus « artisanal » qui n’enlève rien à leur professionnalisme. On a en effet une cinquantaine d’années d’histoire, déjà !
Consommer intelligent
Quand vous achetez par exemple une tablette de chocolat labellisée Max Havelaar, alliez le plaisir du goût et de l’intelligence : lisez sur l’intérieur de l’emballage les informations sur la répartition du prix. Vous y découvrirez des informations que la plupart des autres marques se gardent bien de donner. Instructif, éducatif et toujours savoureux.
Les consommateurs peuvent-ils se fier en la certification Max Havelaar ?
Oui, globalement, la certification Max Havelaar est sérieuse et s’appuie sur une définition du commerce équitable qui n’est sans doute pas la plus « généreuse » pour les pays du sud, mais qui garantit les fondamentaux du commerce équitable. D’autres acteurs souhaitent des engagements plus protecteurs, plus efficaces encore pour le développement des petits producteurs du sud. Certains contestent le fait que le label Max Havelaar s’applique non seulement à des petits producteurs mais aussi à des grosses coopératives.
Mais, globalement, le label est fiable. Les producteurs sont contrôlés (au début, voire en amont, de façon très sérieuse, puis tous les 2-3 ans), et les fondamentaux du commerce équitable sont bien là.
Une critique porte sur « FLO-cert », l’organisme de contrôle. « Indépendant », il est quand même une émanation directe de Max Havelaar et il reste des liens entre ces entités. Des progrès doivent porter en particulier sur les contrôles, et le niveau d’exigence sur le cahier des charges. Mais le consommateur a toutes raisons de considérer qu’un produit labellisé Max Havelaar est à 100% issu du commerce équitable.
Voyez-vous à terme une vraie concurrence se développer avec le commerce traditionnel ?
Pourquoi pas ? Le commerce équitable part de zéro. Aujourd’hui, le café est devenu un produit équitable « visible », avec une part de marché d’environ 5 à 6%. Il peut continuer à se développer.
Il existe de manière très nette chez les consommateurs une attente d’engagement dans les produits de consommation, pour le développement durable, mais également pour des produits éthiquement corrects.
Le développement des pays du sud participe, de la même manière que le respect des droits des salariés, à une image de plus en plus prégnante dans la tête de consommateurs devenus critiques face aux débordements récurrents du « capitalisme ».
Le surcoût d’un café équitable par rapport à un café traditionnel, n’est pas un réel handicap, du moins pour les populations favorisées déjà acquises à ce type de produits.
Leur démocratisation en cours va vraisemblablement se poursuivre, mais ne pourra pas mettre en réel péril les industriels du commerce traditionnel du fait même de la notion de « petits producteurs » qui interdit des cultures extensives et des réductions de coûts. Tout ce que l’on peut appeler de nos vœux, c’est plutôt un glissement du commerce traditionnel vers ce type de commerce engagé, avec des risques de dérives.
Au contraire, peut-on craindre une absorption du commerce équitable par les grandes centrales d’achat ?
Non je ne crois pas. Toutefois le fait que Max Havelaar labellise des produits « distributeurs » pose une vraie question. Un certain nombre d’acteurs estime que c’est là sortir de la logique du commerce équitable. Cette logique voudrait que le distributeur connaisse et encourage ses producteurs. Or la grande distribution passe par des intermédiaires et se contente d’apposer sa marque et de mettre les produits en linéaires. Le risque, à ne pas négliger, serait qu’après cette phase d’observation, la grande distribution s’approprie des filières entières du commerce équitable. Mais je n’y crois pas trop, c’est compliqué. Les acteurs actuels du commerce équitable sont très vigilants. Si des distributeurs tentaient un coup de force, ces acteurs par leur communication auprès des clients pourraient largement décrédibiliser ces tentatives.
L’INC pourrait-elle un jour faire des essais comparatifs ? Par produits ? Sur la traçabilité ?
Oui, bien sûr, nous pouvons l’envisager. Toutefois aujourd’hui c’est très compliqué. Soit on teste juste la qualité gustative des produits. Mais pour quel intérêt ? Soit on analyse la composition chimique, soit on suit vraiment une filière pour vérifier que celle-ci respecte bien les canons du commerce équitable. Et là c’est hors de prix. On réfléchit plutôt à l’idée d’un site sur lequel on trouverait des infos, voire des comparaisons entre les prix et les promesses de différents produits.
Propos recueillis par Georges Goubier
Demain un label international ?
Si Max Havelaar est le label indéniablement le plus connu, il n’est pas le seul à représenter le commerce équitable. D’autres labels existent aussi sur le marché en concurrence avec lui et en l’absence d’un véritable label officiel reconnu par les pouvoirs publics.
Pour être reconnu par la législation française, un label doit comporter :
– un cahier des charges ;
– un organisme certificateur accrédité par l’État ;
– un certificat de conformité ;
– un arrêté doit homologuer son label.Sur le plan international, il doit recevoir un agrément ISO 65 (FLO est en cours d’obtention).