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Les dépenses de santé en France sont proches des autres pays 2/6


Pour l’année 2018, les dépenses de protection sociale ont atteint en France un peu plus de 740 milliards d’euros, un tiers de la richesse nationale. Est-ce trop par rapport aux autres pays comparables ? Pas si sûr. Démonstration !

Sommaire du dossier
 Notre protection sociale coûte-t-elle trop cher ? 1/6
 Les dépenses de santé en France sont proches des autres pays 2/6
 L’État fait main basse sur l’Unédic 3/6
 Bismarckien ou beveridgien ? 4/6
 Seulement 3 % pour la lutte contre la pauvreté et l’exclusion 5/6
 Les dépenses de protection sociale témoignent du niveau de solidarité 6/6

Pour l’année 2018, les dépenses de protection sociale ont atteint en France un peu plus de 740 milliards d’euros, soit presque un tiers de la richesse nationale, le budget de l’État ne représentant qu’un peu moins d’un quart. Les deux plus gros postes sont la vieillesse (pensions de retraite et de réversion, prise en charge de la dépendance) pour 46 % et la santé (maladie, invalidité, accidents du travail) pour 35 %, soit 81 %. La part pour la famille, dont les allocations familiales, représente 8 %, le chômage et l’insertion, 6 %, la pauvreté et l’exclusion, 3 % et le logement, 2 %.

La Sécurité sociale assure la redistribution de près des deux tiers des dépenses (près de 500 milliards d’euros en 2018).

Les dépenses de santé favorisent l’économie

Consacrer un tiers de la richesse nationale produite chaque année à la protection sociale peut paraître beaucoup. Ce système fait partie intégrante du pacte national. On ne doit donc pas le regarder uniquement comme une dépense. Si l’on prend celles pour la santé, outre l’aspect solidaire et social, elles ont une importance économique indéniable. Ainsi, une population en bonne santé a un impact positif sur le marché du travail et la productivité. Elle favorise un cercle vertueux entre accroissement de l’espérance de vie et investissement dans le capital humain, facteur déterminant de la croissance sur le long terme.

Riche en main-d’œuvre, qualifiée ou non, le secteur de la santé emploie 2,5 millions de personnes, soit près de 10 % de la population active. Ce secteur est dynamique puisqu’il figure dans le trio de tête des industries françaises en matière d’investissement en recherche et développement (R & D), avec les industries automobile et aéronautique. Notre protection sociale a joué un rôle d’amortisseur permettant de limiter les conséquences sociales de la crise financière de 2008 et aujourd’hui avec la pandémie de Covid.

Les dépenses de santé en France dans la moyenne

Pourtant, depuis des décennies, les dépenses de santé sont montrées du doigt, responsables du fameux « trou de la Sécu ». De nombreux politiques, des experts, les sages de la Cour des comptes, n’ont de cesse de rappeler que nous dépensons trop pour la santé, que nous sommes les champions du monde en la matière. Qu’en est-il des dépenses de santé des pays comparables à la France ?

Les dépenses de santé en France dans la moyenne, bien inférieures à celles des USA
L’OCDE, l’organisation internationale d’études économiques, a comparé les dépenses de santé de l’année 2017 des principaux pays qui ont en commun un système de gouvernement démocratique et une économie de marché. Il s’agit de l’ensemble des dépenses en santé, hors investissement, quel que soit le financeur, assurances obligatoires ou non, privées ou publiques, les ménages, etc. La France y consacre 11 % de son PIB (produit intérieur brut). Pratiquement autant que l’Allemagne, le Japon, le Canada et la Suède et légèrement plus que la moyenne des 15 principaux pays de l’Union européenne. Le pays qui connaît les dépenses les plus importantes est de loin les États-Unis avec 17 %. Ces chiffres remettent en cause les discours libéraux qui accusent notre système de santé d’être un handicap pour le développement et la compétitivité de notre pays.

Tous ces pays ont mis en place des systèmes de financement différents, résultats de leur histoire culturelle, sociale et politique. Malgré ces diversités, les trois quarts environ du total des dépenses de santé sont financés par des régimes publics et/ou des assurances maladie obligatoires publiques et/ou privées.

Au Danemark, en Norvège, au Royaume-Uni et en Suède, le système de santé est financé via l’impôt par l’État à hauteur d’environ 80 % ou plus. L’assurance maladie obligatoire est la règle pour l’Allemagne, le Japon, le Luxembourg, les Pays-Bas et la France pour les trois quarts des dépenses de santé. Dans le système français, une complémentaire santé (mutuelle ou assurance privée) s’ajouter à l’assurance maladie. Elle a été généralisée en 2016 à tous les salariés du secteur privé grâce à un accord interprofessionnel signé par la CFDT en 2013. Les employeurs participent à l’acquisition de cette couverture à un peu plus de 50 % en moyenne. Les retraités, les sans-emploi et les fonctionnaires sont toujours privés d’aide. Les personnes aux ressources modestes peuvent bénéficier de la Complémentaire santé solidaire (CSS).

Aux États-Unis, pays chantre du « libéralisme économique », les régimes fédéraux et régionaux, comme Medicaid pour les personnes démunies, représentent environ un quart de toutes les dépenses de santé. Les régimes d’assurance maladie publics, comme Medicare pour les personnes âgées, couvrent 22 % des dépenses. Et la majorité de l’assurance maladie privée, obligatoire en entreprise depuis 2014 sous peine d’amende (Obama care), couvre plus d’un tiers du total des dépenses de santé. Et les non-assurés ont accès à des soins de santé gratuits. Au total, près de 80 % des dépenses sont prises en charge, ce qui n’exclut pas, faute d’un régime universel, de fortes disparités selon les catégories sociales américaines.

Nos retraites complémentaires obligatoires par la loi faussent les comparaisons

Si, pour les dépenses de santé et leur financement, les comparaisons entre pays sont pertinentes, l’exercice est plus complexe pour d’autres postes comme les retraites. Dans son rapport de 2017, le Haut Conseil du financement de la protection sociale classe la France en tête des pays l’Union européenne à vingt-huit pays qui consacrent plus de 30 % de sa richesse nationale à la protection sociale, avec le Danemark et la Finlande. L’Allemagne, avec 28 % de son PIB, se situe juste au niveau de la moyenne.

Le Haut Conseil avertit que la comparaison entre pays doit être « relativisée eu égard aux différences d’architecture institutionnelle des systèmes de couverture sociale ». Par exemple, en France, les dépenses pour les régimes de retraite complémentaire obligatoires (Agirc-Arrco, Ircantec) sont classées dans les dépenses publiques de sécurité sociale. Tel n’est pas le cas des Pays-Bas, du Danemark et de la Suède. Les dispositifs similaires quasi généralisés ont été mis en place dans ces pays au niveau des branches professionnelles ou des entreprises. Par conséquent, ils n’apparaissent pas dans leurs comptes nationaux et faussent les comparaisons.

Les Français ne sont donc pas des dépensiers irraisonnables en matière de protection sociale si on les compare aux habitants de pays industrialisés. Pour autant, notre système doit évoluer. La France doit améliorer l’organisation de son système de soins et sa politique de prévention dont la faiblesse a été mise en évidence par la pandémie de la Covid. Face au vieillissement, le financement de l’autonomie doit être assuré de façon pérenne. Et notre système de retraite doit devenir plus universel et plus juste.