Les enjeux sur l’eau, une préoccupation majeure du CESE 5/5
Pascal Guihéneuf et Jean-Yves Lautridou, membres CFDT du Conseil économique, social et environnemental (CESE), rapporteurs des avis sur la gestion durable de l’eau et sur sa tarification, répondent aux questions de Fil Bleu.
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Fil Bleu. Quelles préconisations relèvent de l’urgence la plus immédiate ?
Pascal Guihéneuf. Les décisions sur l’environnement et sur l’eau sont urgentes, les résultats étant longs à venir. La lutte contre le réchauffement climatique doit s’accompagner de mesures contre les sécheresses et les inondations plus fréquentes : préserver les cours d’eau, favoriser l’infiltration de l’eau naturelle dans les sols grâce aux haies, méandres, zones humides, etc. La dépollution de l’eau par les industriels, des mesures contre les PFAS, les pesticides et la gestion de l’azote en agriculture sont urgentes pour que l’application de la directive européenne sur l’eau (100 % d’eaux de bonne qualité) soit enfin effective.
Sur le partage de l’eau, les débats sur les mégabassines doivent être objectivés. Une agriculture économe en eau est préconisée. Sobriété dans les usages, réutilisation des eaux usées, réparation des réseaux d’eau potable et usée sont d’autres axes. Diffuser les connaissances scientifiques est essentiel, afin que le public comprenne les cycles de l’eau et ne confonde pas météo et climat.
L’avis du CESE est plus ambitieux que le Plan eau gouvernemental, plombé par le lobbying de l’agriculture intensive. Il a été voté avec 100 pour, 13 contre (agriculture intensive), et 16 abstentions (CGT pour manque d’ambition).
Le financement des actions sera-t-il à la hauteur ?
Jean-Yves Lautridou. Les principes du pollueur-payeur et de l’eau-paie-l’eau financent l’eau potable et l’assainissement, avec un fléchage vers la biodiversité. Les investissements dépassent 10 milliards d’euros par an, gérés en partie par les agences de l’eau et les collectivités territoriales. Le premier principe s’applique via des taxes sur les activités polluantes, mais se heurte à l’identification de l’origine des pollutions et leur caractérisation. La répartition des redevances voit les usagers domestiques payer plus que l’agriculture et l’industrie ! Un troisième principe repose sur les solidarités amont-aval, urbain-rural.
Les budgets sont insuffisants pour réparer les réseaux, améliorer les capacités de traitement, restaurer les écosystèmes. Le budget d’austérité pour 2025, avec la diminution du Fonds vert, est préoccupant.
Un autre avis du CESE sur la tarification de l’eau montre qu’il est vain de chercher un système unique. Ce modèle ne peut être pertinent pour toutes les collectivités, de la petite commune à la métropole. Il peut aussi être socialement injuste, partant du postulat que les « pauvres » consomment moins que les « riches », ce qui n’est pas démontré.
Quels sont les freins à la participation des citoyens aux instances territoriales de l’eau ?
Pascal Guihéneuf. La complexité des dossiers, le manque de sensibilisation et les ressources pour organiser les réunions. Il y a aussi une méfiance des élus à partager leur pouvoir. Le CESE appelle à renforcer la participation des citoyens dans les débats et insiste sur la redevabilité des responsables.
Nous préconisons l’inclusion des organisations syndicales et des groupes de citoyens dans les comités de bassin et les commissions locales de l’eau. Les CESE et CESER pourraient être plus impliqués. Il faut améliorer aussi les relations villes-campagnes sur le sujet. Le Comité national de l’eau va proposer, d’ici fin 2024, de s’élargir à de nouveaux usagers et à la jeunesse. Des initiatives autour des fleuves ou des assemblées d’usagers participent d’un mouvement démocratique autour de l’eau.
Enfin, le Premier ministre Michel Barnier a évoqué une grande conférence sur l’eau, pourquoi pas en incluant une participation citoyenne ?
Entretien réalisé par Nicole Chauveau