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Les quatre scénarios de l’évolution de l’articulation entre Sécu et complémentaires 3/4


Dans son rapport, le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie émet des scénarios contrastés afin d’alimenter le débat public et d’éclairer la diversité des choix ouverts aux pouvoirs publics.

Sommaire du dossier
 Un peu d’histoire de la protection complémentaire santé 1/4
 Des contrats source de grandes disparités 2/4
 Les quatre scénarios de l’évolution de l’articulation entre Sécu et complémentaires 3/4
 La grande Sécu : une grande fausse bonne idée 4/4

Saisi par le ministre des Solidarités et de la Santé en juillet dernier, le HCAAM (Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie) a rendu son rapport en janvier 2022. Les quatre scénarios retenus n’épuisent pas le champ des possibles. Le premier scénario propose des réformes visant à répondre à certaines limites du système actuel, sans modifier son architecture.

Les trois autres proposent des modifications plus structurelles : l’instauration d’une assurance privée obligatoire, universelle et mutualisée (scénario 2) ; un décroisement entre les domaines d’intervention de la Sécurité sociale et des assurances complémentaires (scénario 3) ; l’augmentation des taux de remboursement de la Sécurité sociale (scénario 4, celui de la polémique).

En annexe du rapport est présentée une analyse concernant l’instauration d’un bouclier sanitaire. Le HCAAM s’est également penché sur les améliorations de la couverture prévoyance, compatibles avec chaque scénario. Le champ retenu n’inclut pas la dépendance, qui fait l’objet de travaux par ailleurs.

Scénario 1 : Améliorations dans le cadre de l’architecture actuelle

Le scénario 1 vise à apporter des correctifs à certaines limites connues de longue date du système actuel : complexité des règles de remboursement, inégalités et incertitude fortes devant les restes à charge, risque d’être exposé à de gros restes à charge du côté de la Sécurité sociale, soutenabilité financière des primes d’assurance complémentaire en particulier pour les retraités modestes.

Les principales propositions portent sur les taux de tickets modérateurs (TM). Ils pourraient être modifiés de manière à mieux répartir les restes à charges après Sécurité sociale entre les assurés sociaux, notamment selon l’âge. Il conviendrait, en contrepartie des baisses des taux de TM sur certains soins, de procéder à des augmentations sur d’autres. Autre proposition : forfaitiser la participation financière des patients à la dépense hospitalière. La forfaitisation permettrait également d’atténuer les « gros » restes à charge. Pour le médicament, il s’agirait par exemple d’examiner la possibilité de réduire la diversité des taux de remboursement.

Scénario 2 : Une assurance complémentaire obligatoire, universelle et mutualisée

Ce scénario pousse à son terme la logique de généralisation de la couverture complémentaire en matière de santé. Il consacre le couple assurance maladie obligatoire/assurances maladies complémentaires comme étant le socle de la protection sociale en matière de santé, comme cela a été le cas en matière de retraites à partir de 1972 avec la généralisation des retraites complémentaires.

Les garanties pourraient se décomposer entre un socle commun à tous les contrats, correspondant aux soins indispensables dont on veut garantir l’accessibilité financière pour tous dans un cadre mutualisé, et de garanties supplémentaires. Celles-ci pourraient être définies, pour les contrats collectifs, ou individuels. Pour les cotisations, plusieurs variantes sont présentées :
 une tarification libre : les garanties seraient uniformisées tandis que les primes resteraient libres ;
 une logique de tarification au risque collectif assurant l’équilibre du système à l’échelle nationale : les cotisations ne dépendraient donc plus de l’âge, ce qui devrait alléger de manière importante l’effort des personnes âgées ;
 une tarification libre mais avec un écart maximal pour chaque contrat entre la prime la plus basse et la prime la plus élevée ;
 une instance de concertation associant l’État, l’assurance maladie obligatoire (AMO), les représentants des complémentaires et les partenaires sociaux traiterait du panier de garanties obligatoires, du niveau des cotisations et des modalités de la péréquation. Selon le rapport, les retraités seraient les grands gagnants d’une telle réforme.

Scénario 3 : Décroisement entre les domaines d’intervention de la Sécurité sociale et des assurances complémentaires

Pour une partie significative des soins – dentaire, optique, audioprothèse, médicaments à service médical rendu (SMR) faible ou modéré – les organismes complémentaires sont le payeur majoritaire. Ces soins sortiraient du panier de soins public. Tous les soins du panier remboursable actuel qui resteraient dans le panier public seraient alors remboursés à 100 % par l’AMO, sur la base des tarifs de responsabilité (hors dépassements) avec suppression de l’ensemble des copaiements actuels.

Ce scénario est un scénario de rupture pour privilégier une logique où Sécurité sociale et assurance maladie complémentaire (AMC) interviennent sur des paniers de soins distincts. Ainsi, ce scénario, est construit sans transformer les solidarités existantes. Un financement entièrement privé de certains soins pourrait aggraver des inégalités d’accès aux soins qui sont déjà importantes aujourd’hui. Certains pays qui ont des systèmes d’assurance supplémentaire pour financer des soins hors panier public (Canada, Pays-Bas…) connaissent des inégalités d’accès aux soins importantes.

Scénario 4 : La « Grande Sécu » et l’augmentation des taux de remboursement de la Sécurité sociale

L’assurance maladie obligatoire (AMO) interviendrait comme assureur unique pour un champ plus large des dépenses. Les aides socio-fiscales à l’acquisition, financées par la solidarité nationale, pourraient être réduites voire supprimées. Ce scénario revient à généraliser le dispositif des affections de longue durée (ALD) à l’ensemble des patients et des prises en charge. Dans ce scénario, tous les tickets modérateurs seraient supprimés et pris en charge par la Sécurité sociale.

Aujourd’hui les dépassements d’honoraires sont en partie remboursés par les complémentaires santé, notamment par les contrats collectifs. Un remboursement par la Sécurité sociale à leur niveau observé pour chaque professionnel (éventuellement plafonné) paraît inconcevable. La voie retenue pour ce scénario consiste donc à aligner les remboursements de la Sécurité sociale sur le tarif de responsabilité, donc hors dépassements.

Ce scénario entraînerait une contraction de 70 % du marché des complémentaires. La réforme devrait inévitablement s’assortir d’un plan complet d’accompagnement social des salariés des organismes. L’augmentation du taux de remboursement des dépenses prises en charge par la Sécurité sociale implique d’augmenter, à due proportion, ses recettes. Ces augmentations, en grande partie, se substitueraient pour les assurés aux primes qu’ils paient aujourd’hui pour les contrats complémentaires. La CSG pourrait aussi être mobilisée.

En fin d’année dernière, le Président Macron avait dit ne pas vouloir « créer d’instabilité ». Il estimait néanmoins nécessaire « d’améliorer la coordination et la coopération entre assurance maladie obligatoire et complémentaires ». Lors de la conférence de presse de présentation de son programme, le président-candidat Macron a clairement écarté la mise en place de la Grande Sécu.