Les réseaux sociaux non maîtrisés menacent la démocratie
La révolution de l’information en cours est d’une ampleur sans précèdent et jusqu’où les humains auront-ils le contrôle de la situation ? Tel est le questionnement de Yuval Noah Harari, historien et philosophe, auteur de Nexus, l’histoire des réseaux d’information, de l’âge de pierre à l’intelligence artificielle.
L’information prend des formes nouvelles. Elle est une arme pour les populistes qui affichent l’idéologie d’un « peuple pur et des élites corrompues ». Elle est fondamentalement bonne quand la sagesse nécessaire permet de mieux décrire la réalité, la vérité, et lorsqu’elle facilite la compréhension du monde et des sociétés.
Le pouvoir déraisonnable des plateformes
Le pouvoir que l’Humanité acquiert, en construisant d’immenses réseaux d’information, est immense, pourtant la manière dont ces derniers sont conçus, basés sur l’anonymat, la désinformation, l’influence, les prédispose à un usage déraisonnable de ce pouvoir. Naïvement, l’information voit en elle une solution à tous les maux. Or il faudrait pouvoir vérifier la véracité des faits énoncés, rendre transparente l’information, la faire circuler, la corriger.
Les algorithmes de YouTube s’appuient sur ceux de Facebook et sur l’outrance pour faire grimper l’engagement des utilisateurs et n’incitent pas à la modération. Les dirigeants des plateformes submergées par des contenus fallacieux et outranciers caressent l’espoir qu’en laissant davantage de gens s’exprimer plus librement, la vérité finira par triompher. Mais selon Yuval Noah Harari, ce n’est pas ce qui s’est passé.
L’intelligence artificielle, un atout et une menace
Quant à l’intelligence artificielle (IA), elle est très largement positive pour l’Humanité, mais elle peut aussi nous détruire, juge le chercheur. Des géants comme Google, Facebook et Amazon ont ainsi acquis des monopoles grâce à la puissance des algorithmes. Ces derniers, non maîtrisés, pourraient aussi faire basculer l’équilibre du pouvoir des démocraties en faveur du totalitarisme. Les entreprises de l’IA doivent être tenues pour responsables des actions de leurs algorithmes. En France, la Cnil recommande que l’IA soit au service de l’Homme. Qu’elle l’augmente, plutôt qu’elle prétende le supplanter.
Les travaux de l’historien sur la puissance des algorithmes permettent de comprendre comment les réseaux d’information ont fait et défait notre monde. Il y a lieu, selon le philosophe, de considérer les choix cruciaux auxquels nous sommes et serons confrontés, au moment où l’IA révolutionne la médecine, la guerre, les démocraties, et menace même notre existence.
L’ouvrage de Harari, comme celui d’Asma Mhalla, sont essentiels pour comprendre pourquoi et comment, par des choix éclairés avec un regard critique, on doit maîtriser l’impact des plateformes d’information. Et aussi développer les aspects positifs de l’IA pour le bien commun, tout en contrant ses aspects négatifs.
Jacques Rastoul
Pour en savoir plus :
– Nexus, Yuval Noah Harari, Albin Michel, 2024, 559 pages, 24,90 euros.
– Technopolitique : Comment la technologie fait de nous des soldats, Asma Mhalla, Seuil, 2025, 275 pages, 19,90 euros.
– Le Code de la créativité. Comment l’intelligence artificielle apprend à écrire, peindre et penser, Marcus du Sautoy, 2022, Flammarion, 310 pages, 12 euros.