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Loi sur le grand âge : évitons cette fois les vaines incantations


Dans une tribune publiée dans Les Échos le 19 mai 2020, Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, et Thierry Beaudet, président de la Mutualité Française, proposent d’isoler le déficit des assurances sociales lié au Covid-19 et plaident pour des financements fléchés, pérennes et solidaires sur la santé et le maintien de l’autonomie.

La crise sanitaire liée au Covid-19 n’est pas achevée, et nous sommes tous meurtris collectivement et personnellement par les drames qui se sont joués au sein des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou bien au domicile de personnes vieillissantes.

Cette crise a mis en lumière les failles de notre système, l’insuffisance de moyens financiers et humains pour accompagner le grand âge, l’absence de considération accordée aux professionnels qui pallient ces carences, et la nécessité absolue de porter une loi ambitieuse pour le grand âge.

En réalité, tout cela était connu, et de tous. Entre les avis du CESE, les rapports parlementaires, les rapports de Dominique Libault ou de Myriam El Khomri, les témoignages, revendications et propositions des acteurs – de la CFDT et de la Mutualité Française, notamment –, le diagnostic était unanime.

Une urgence sanitaire majeure

Mais, à chaque fois, les ambitions se sont brisées sur une logique budgétaire niant le besoin d’investissements. Alors que partout dans le monde la dépense de santé augmente, les gouvernements successifs n’ont eu de cesse que de limiter année après année l’Ondam (Objectif national de dépenses d’assurance maladie), avec pour principaux effets d’accroître la pression sur les personnels soignants et accompagnants, de fragiliser la prise en charge des patients ainsi que des personnes vulnérables, et d’empêcher la mise en œuvre de changements nécessaires, tels le renforcement de la logique domiciliaire ou la prévention.

Faut-il s’étonner, dans ce contexte, des difficultés du secteur – asphyxié et insuffisamment médicalisé – des Ehpad à affronter une urgence sanitaire majeure une crise de cette ampleur ?

Aujourd’hui, il est de notre devoir – un devoir historique – de construire le financement qui permettra de traduire ces ambitions. Au cours de ces deux derniers mois, la protection sociale a permis à ceux qui en avaient besoin d’accéder aux soins et de se confiner, non seulement pour prévenir la contamination, mais aussi pour sécuriser les personnes, les entreprises, les associations.

Il en résultera un déficit social important pour 2020, et même au-delà. Cela ne doit pas pour autant conduire à un étau budgétaire, lequel obérerait toute possibilité d’une vraie loi sur le grand âge. Au contraire, il nous semble qu’au moment où la protection sociale apporte la preuve indiscutable de son utilité, il est de notre devoir de tenir un langage de vérité aux Français et d’oser revendiquer un consentement quant au financement de ce qui nous a permis de tenir, et qui doit nous permettre, solidairement, de mieux veiller sur nos aînés.

Maintien de l’autonomie

Nous proposons d’isoler le déficit des assurances sociales lié au Covid-19 qu’il faut financer spécifiquement. Nous proposons également d’affecter des financements fléchés, pérennes et solidaires à la hauteur des besoins universels que sont la santé et le maintien de l’autonomie dans la dignité et la citoyenneté. Ces derniers pourraient combiner fractions de la CSG, réaffectation de la CRDS, successions dès le premier euro et tout dispositif généralisé de mutualisation solidaire.

Mais il faut être clair : une hausse des contributions sociales et l’impact qu’elle aurait sur le pouvoir d’achat ne pourront être acceptés que si les citoyens prennent, en contrepartie, la mesure de l’effort auquel ils consentent – tant en matière d’amélioration de la prise en charge des patients et des personnes en perte d’autonomie que d’accessibilité financière à de ces dispositifs.

Au moment où la valeur de tels investissements sociaux s’impose à tous, au moment où nous saluons ces soignants et accompagnants qui pallient nos renoncements antérieurs, au moment où nous pleurons aussi des proches que nous n’avons pas pu suffisamment accompagner, notre conviction profonde est que renoncer à nouveau serait une faute impardonnable de notre génération.

Nous appelons donc le gouvernement et la représentation nationale à renforcer le financement de la santé et à ancrer dans la loi les modalités pérennes d’un financement visant à ce que la prochaine loi sur la perte d’autonomie ne soit pas qu’une vaine incantation.