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Malaises après la présidentielle !


Le 24 avril, au deuxième tour de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron a été réélu président de la République avec 58,54 % des exprimés, soit 38,52 % des électeurs inscrits. Cette élection lui confère la légitimité pour agir.

S’agissant du quinquennat écoulé, il se caractérise par une succession de crises, la révolte des gilets jaunes, la pandémie, l’invasion de l’Ukraine par la Russie auxquelles s’ajoutent des événements exceptionnels tels que le limogeage du chef d’État-Major des armées, l’affaire Benalla et l’incendie de Notre-Dame. Ces événements disent quelque chose sur l’exercice du pouvoir par Emmanuel Macron, assumé de façon solitaire.

Le « ni de droite-ni de gauche » lui a permis d’accéder au sommet de l’État, et il a entraîné une quantité de ralliements, malgré l’absence d’une définition précise de l’espace politique. Le président a fini par concéder qu’il se situait à « l’extrême centre ».

Malaise dans la démocratie

La récente campagne présidentielle a démontré jusqu’à l’absurde le cul-de-sac où nous mène la pratique des institutions actuelles. Avec les 12 candidats retenus, après l’obtention des 500 parrainages, s’est déroulée une sorte de non-campagne plus ou moins apolitique. Elle est passée à côté de l’essentiel, les relations internationales et la guerre en Ukraine, la transition écologique, la mondialisation et ses limites. Elle s’est terminée par un duel annoncé et redouté entre le président sortant et la candidate d’extrême droite.

Tout ceci concourt à accroître le malaise démocratique. Le surmonter constitue l’enjeu fondamental du prochain quinquennat, si le président de la République veut vraiment changer de méthode comme il l’a annoncé. En termes d’analyse, trois sujets méritent d’être regardés de plus près : les institutions, l’évolution préoccupante de l’abstention, la progression de l’extrême droite.

Le malaise institutionnel

La Constitution de 1958 a été révisée 24 fois. Des modifications de substance, comme l’élection du président de la République au suffrage universel en 1962, la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel sur la conformité des lois par 60 députés ou sénateurs en 1974. Le quinquennat a été instauré en 2000 et une loi organique en 2001 a mis en place l’inversion du calendrier électoral. Le partage de l’ordre du jour du Parlement, le référendum d’initiative partagée, la question prioritaire de constitutionnalité, ouverte à tout justiciable, ont été introduits en 2008.
En 2018, le gouvernement a proposé une réforme constitutionnelle avec pour objectifs la réduction de 30 % des députés et sénateurs, la limitation des mandats, l’accélération de la procédure parlementaire et une introduction de la proportionnelle à hauteur de 15 %. Cette dernière disposition aurait pu se mettre en place sans passer par une réforme de la Constitution, mais le gouvernement a finalement abandonné l’ensemble de cette réforme.

De ces 24 révisions de la Constitution, on pourrait tirer la conclusion qu’elle a su prouver sa « résilience ». Pourtant, la situation actuelle n’est guère satisfaisante. L’élection du président de la République au suffrage universel direct vampirise les autres champs d’expression institutionnels, développe une personnalisation du pouvoir à outrance et marginalise les corps intermédiaires. De plus, les enseignements des réformes effectuées comme la réduction du mandat du président et l’inversion du calendrier électoral n’ont pas été tirés.

Un régime semi-présidentiel ?

Notre système institutionnel est généralement qualifié de semi-présidentiel. Il est particulièrement décalé par rapport aux autres pays européens, fondés sur un régime parlementaire avec des modes de scrutin comportant une dose plus ou moins importante de proportionnelle, obligeant les partis politiques à négocier entre eux et aboutir à des compromis. En France, le président incarne l’autorité de l’État, il est le garant de l’indépendance nationale, le chef des armées, il négocie et ratifie les traités, il accrédite les ambassadeurs. Il nomme le Premier ministre, promulgue les lois, signe les ordonnances, peut soumettre un projet de loi à référendum et dissoudre l’Assemblée nationale.

Peut-on encore, dans ces conditions, qualifier ce régime de semi-présidentiel ? De cette situation institutionnelle découlent deux particularités : le développement de l’abstention et la place significative de l’extrême droite.

L’évolution de l’abstention

Les chiffres de l’abstention montrent les difficultés des différentes forces politiques à intéresser et à mobiliser les électeurs. Ils montrent aussi que l’élection présidentielle est considérée comme l’élection reine, au détriment des autres institutions et élections. L’augmentation de l’abstention au deuxième tour de l’élection présidentielle signifie qu’une partie de l’électorat ne se retrouve pas dans un choix binaire imposé.

La montée de l’extrême droite

L’extrême droite s’exprime depuis longtemps autour des mêmes thèmes, la dénonciation des élites, l’appel au peuple avec le recours à des référendums à répétition (voir notre dossier « Populisme », Fil Bleu de novembre 2020), l’immigration, l’insécurité, le repli national.

Le vote en faveur de l’extrême droite progresse et constitue une source d’inquiétudes pour nos libertés et notre démocratie. Rappelons que le candidat de l’extrême droite à l’élection présidentielle de 1965, Jean-Louis Tixier-Vignancour, recueillait 5,20 % des voix. Cette progression de l’extrême droite interroge l’ensemble de la classe politique sur sa capacité à représenter la population dans sa diversité.

De plus, il convient d’admettre que la vie démocratique ne se limite pas aux seules échéances électorales. Il faut penser la démocratie dans ses différentes formes, délibérative, sociale, citoyenne, et clarifier les objectifs des conventions citoyennes qui se sont tenues lors du premier quinquennat : Grand débat en 2017, Convention citoyenne sur le climat de 2019 à 2021.

Les enjeux européens et internationaux

Les enjeux démocratiques français sont à relier aux enjeux européens et internationaux. La guerre en Ukraine, déclenchée par l’invasion russe le 24 février, nous rappelle les enjeux de démocratie, les valeurs de paix, de liberté, de sécurité. « L’autonomie stratégique » développée par l’Union européenne dresse un cadre théorique et pratique pour affirmer l’indépendance stratégique de l’Union. La géopolitique a particulièrement bousculé les nations européennes attachées aux libertés. Il s’agit désormais pour l’UE de passer d’une approche fondée essentiellement sur l’économie et le respect des normes, à une approche géopolitique et politique des rapports de puissance et d’interdépendance.

Cela suppose un projet européen clair, cohérent et ambitieux. La Conférence sur l’avenir de l’Europe, qui a conclu ses travaux le 9 mai, nous ouvre des portes en ce sens. Le sursaut démocratique, la géopolitique mondiale, l’affirmation de l’Union européenne nous appellent à une vigilance accrue pour un monde meilleur pour lequel la CFDT va continuer d’apporter une active contribution.

Jean-Pierre Moussy

Des électeurs de moins en moins mobilisés.
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