Menaces sur le droit d’asile
Dans une période où se multiplient les dictatures en tous genres, les régimes autoritaires, les conflits locaux fratricides, le rejet des minorités…, le droit d’asile reste le seul espoir de centaines de milliers de personnes de vivre en paix, voire de sauver leur vie. Mais il est menacé lui aussi !
Face à un afflux croissant des demandeurs d’asile lié à une montée des violations des droits de l’homme, les pays de longue tradition de droit d’asile, France en tête ainsi qu’une bonne partie de l’Europe, se trouvent devant une situation de crise économique avec, à la clé, chômage et restrictions budgétaires. Et ça coince.
La situation se complique d’autant qu’au droit d’asile politique – le seul reconnu à ce jour –, des voix s’élèvent pour la reconnaissance d’un droit d’asile économique ou climatique, afin de faciliter aussi l’accueil de populations frappées par la famine, les dérèglements climatiques qui amènent désertification ou, à l’inverse, montée des eaux.
Depuis 2007, le nombre de demandes d’asile en France a augmenté de 70 %. L’Allemagne fait face à la même inflation. On a compté 61 000 demandes en 2012. Un nouveau record sera franchi en 2013, avec plus de 68 000 demandes déposées.
Alors le raccourci est facile et l’on sent poindre un vent mauvais visant à mettre en péril de fragiles acquis. Et se développe l’idée d’ « un peu de droit d’asile mais pas trop ! ». De quoi assurer sa bonne conscience, tout en restreignant ce droit le plus possible.
3 000 disparus
Le 3 octobre dernier, une embarcation transportant près de 500 migrants clandestins fait naufrage à quelques centaines de mètres de l’île de Lampedusa, proche de la Sicile, qui voit arriver de plus en plus de migrants fuyant l’insécurité régnant dans certains pays comme la Somalie, l’Érythrée, la Libye ou la Syrie… Au final, 366 morts ! La plus grande tragédie de ce début de siècle en Méditerranée.
Sous l’émotion, tout le monde y est allé de sa larme à qui promettra du « plus jamais ça ». Mais cette catastrophe est la suite d’une très longue série. Rien n’a vraiment été fait pour assurer la sécurité des milliers d’exilés qui tentent désespérément leur chance. D’autres embarcations de fortune continuent leur chemin chaotique dans la plus grande insécurité. Des ONG qui ont tenté de collecter diverses données estiment que plus de 3 000 personnes sont mortes aux abords de l’île de Lampedusa depuis 2002.
Havre de paix
Si, dans l’immédiat, les instances internationales ont unanimement déclaré vouloir réfléchir sans tarder à des solutions, les bonnes intentions affichées sont retombées comme un soufflé. L’Union européenne, qui avait affiché sa solidarité avec l’Italie et qui avait mis ce point à son ordre du jour d’une rencontre, courant octobre, s’est ensuite dépêchée de ne rien décider.
La France déclare vouloir engager une réforme du droit d’asile. Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, a déclaré fin novembre : « Nous voyons bien que l’asile aujourd’hui est en train d’exploser parce qu’il est utilisé à des fins d’immigration. Pour le sauver, il faut le réformer ! » Ne serait-ce pas plutôt une politique de l’immigration défaillante qui génère des pratiques de contournement sur l’asile ?
La politique de l’autruche risque de se révéler pire encore. La meilleure solution serait à coup sûr d’avoir le courage de regarder la réalité en face. À défaut de pouvoir assurer à chacun de vivre en sécurité dans son propre pays, la communauté internationale se doit au moins de faire en sorte que tout citoyen puisse trouver un havre de paix.
Jean-Paul Rueff
La CNCDH et les associations à contre-pied des propositions ministérielles
La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a rendu fin novembre un avis sur l’asile, à contre-courant des réformes suggérées que les associations ont de leur côté jugé « ?sans ambition ? » et « ?en complet décalage avec les propositions émises ? » par les associations.
Alors que les États membres de l’UE préparent la transposition de règles communautaires sur l’asile, la CNCDH craint que cela ne serve de prétexte aux dirigeants pour « ?prendre des mesures de plus en plus restrictives concernant l’exercice du droit d’asile ? ». Elle confirme « ?son profond attachement au libre choix du mode d’hébergement par les demandeurs d’asile ». Selon la CNCDH, la mauvaise répartition actuelle résulte « ?avant tout de la pénurie de places ? » dans les structures dédiées et « ?de l’absence de solidarité nationale ? ».