UNION CONFÉDÉRALE CFDT DES RETRAITÉS

Action internationale


Mia de Vits : une Europe plus sociale


Mia de Vits est parlementaire européenne socialiste. Elle explique sa vision de l'Europe sociale et plaide pour plus de solidarité et de justice sociale. Son intervention est présentée sous forme de questions réponses pour faciliter la lecture.

Issue d’un parcours syndical, Mia de Vits a été secrétaire générale de la Fédération générale des travailleurs de Belgique FGTB (1989-2002), puis présidente de la FGTB (2002-2004). Elle fut membre du bureau exécutif de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) (1989-2004) et membre du bureau exécutif de la Confédération européenne des syndicats (CES) (1989-2004). Elle apporte sa connaissance des dossier sociaux en étant élue député européen en 2004.

Quels sont les fondements de l’Europe sociale ?

Mon idée d’Europe sociale est fondée sur un choix de société, partagé par la CFDT, me semble-t-il. Pour moi, socialiste, la cohésion sociale est le moteur du progrès. Or, le fossé se creuse entre les pauvres et les plus riches. Le combat contre la montée de la pauvreté doit être porté au niveau européen. Par exemple, une étude montre que les pensions en Belgique sont parmi les plus faibles en Europe : 30% des retraités belges vivent sous le seuil de pauvreté. Cette situation est néanmoins compensée par leur épargne et la propriété de leur maison. Mais on constate une évolution dangereuse.

Les plus jeunes générations n’ont plus les mêmes possibilités d’épargne, tant le prix de l‘immobilier est élevé. Cela signifie une montée des individualismes au détriment des solidarités.

La globalisation de l’économie met les mécanismes sociaux sous pression. Elle a besoin de règles. Nous avons besoin d’une meilleure organisation de cette solidarité pour assurer une cohésion sociale source de progrès. Dans notre histoire, l’État providence est le résultat d’affrontements entre le capital et le travail. Il a été suivi de compromis permettant un modèle social en Europe.

Ce modèle social est sous pression avec la globalisation de l’économie. Je ne crois pas que nous devions la remettre en cause. Mais nous n’en sortirons pas chacun chez soi, la réponse est européenne. Il faut encadrer l’économie avec des règles pour le social, mais aussi l’environnement ou la protection du consommateur.

Qu’est-ce concrètement que l’Europe sociale ?

L’Europe sociale, telle que nous la voulons, nous socialistes, n’a pas assez avancé ces dernières années. Même si des pas importants ont été faits sous la présidence de Jacques Delors. L’histoire de l’Europe nous démontre qu’elle progresse. L’Europe, c’est d’abord la construction de la paix, après plus d’un siècle de guerres et de violences. Il est nécessaire de le rappeler face à la montée des nationalismes, un peu partout. Comme après la crise de 29 !

Dans les années soixante, la prospérité de l’économie rejaillit sur le social. Les premières règles instaurées concernent la libre circulation des travailleurs sur le principe de non discrimination (nationalité, sexe).

Le Marché unique procède à une intégration plus large de l’économie. Le Livre Blanc de Delors imposera le principe d’un accompagnement social du Marché unique. Si le principe est reconnu au niveau européen, sa mise en œuvre nécessite un vote à l’unanimité des pays européens. Cette règle de l’unanimité constitue, encore aujourd’hui, un frein à la politique sociale. Seul exception, « la santé et la sécurité pour les travailleurs sur le lieu du travail » : elle inspirera la plupart des législations nationales. Dans le même temps, la présidence Delors a favorisé les programmes de développement de nombreuses régions de l’Europe, Mezzogiorno italien, Irlande, Sud de l’Espagne, etc.

La construction de l’Europe sociale continue tout en restant laborieuse ?

La forte résistance d’une Grande-Bretagne conservatrice bloque toute avancée en protection sociale. Avec l’aboutissement de l’Union économique et monétaire, grâce aux efforts de Delors conjugués à ceux du couple Kohl – Mitterrand, les années 90 sont encore quelques années de grâce. La déclaration des droits sociaux des travailleurs aboutit dans cette période. Elle préfigure la Charte sociale qui, je l’espère, pourra prochainement être mise œuvre avec le nouveau traité.

Les premières conventions européennes sur le temps de travail, le congé parental, la formation professionnelle entrent en vigueur. La naissance de la Confédération européenne des syndicats, en 1973, a ouvert la voie à l’instauration du dialogue social. Mais il faudra subir le veto britannique pendant 20 ans, avant la reconnaissance des Comités d’entreprise européens, qui prouvent aujourd’hui leur utilité. La CES, de plus en plus combattante, devient un contre pouvoir, elle obtient une coordination des politiques de l’emploi au niveau européen. Il n’y a pas de cadre législatif européen, puisque les responsabilités en la matière restent au niveau national. Cette période ancre l’idée que les politiques économiques doivent aller de pair avec l’emploi et le social.

L’Europe sociale est-elle en panne ?

Le début des années 2000 marque effectivement une halte au niveau social. L’Europe prend un virage, avec l’arrivée, dans ses instances, de majorités politiques conservatrices. Le triangle économie, emploi, justice sociale est abandonné et les priorités deviennent compétitivité et concurrence.

La Commission européenne, après le départ de Delors, est inerte sur le plan social. Le droit d’initiative lui étant réservé, son influence est déterminante. Seule la concurrence l’intéresse. L’élargissement de l’Europe, aux pays de l’Est, renforce cette idéologie libérale. Ils misent sur la diminution de leurs coûts sociaux et de leur fiscalité pour attirer les investissements, comme l’a fait avant eux l’Irlande. Cette période se caractérise par une forte concurrence fiscale, par une vague de libéralisation des services publics, de l’énergie, des postes, des télécoms, etc.

Quel est le rôle des socialistes européens ?

Les socialistes ne sont plus au pouvoir. Ils ont sans doute été trop sur la défensive. Cette libéralisation aurait dû s’accompagner de contreparties. Le rôle de régularisation et de contrôle de l’autorité publique ont été affaiblis. La crise actuelle nous invite à renforcer le rôle de l’Europe. La mondialisation appelle à une régulation à sa mesure, tant au niveau européen qu’au niveau mondial. Les Etats doivent abandonner certaines de leurs prérogatives.

La question des paradis fiscaux comme celle de l’impunité de grands managers ne seront pas résolues au niveau national. La restructuration des banques, de l’automobile exige des réponses collectives, au niveau de l’Europe. Leur sauvetage doit se réaliser avec des contreparties pour l’emploi, au niveau européen.

Quel enjeu pour les élections européennes ?

Les socialistes représentent la deuxième force politique au Parlement européen. Compte tenu de l’échiquier politique dans les différents pays, ils doivent au moins conserver cette position. Il s’agit de peser réellement pour que l’Europe déploie de nouvelles solidarités et plus de justice sociale.

Je compte sur vous pour expliquer l’importance des groupes politiques au Parlement européen.

L’élection d’Obama crée une opportunité pour changer la donne mondiale. La finance doit se remettre au service d’une économie créatrice d’emplois, de développement durable et de progrès social.