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Migrants précarisés, déboutés, condamnés


Pour près de 230 millions de migrants dans le monde, quitter son pays, accepter un déracinement souvent sans perspective de retour, ne relèvent ni d’un caprice ni d’un choix de cœur mais pour l’essentiel d’un choix de survie.

De trop nombreuses raisons conduisent les populations immigrées à un exil quasi forcé. En premier lieu apparaît la nécessité de trouver un emploi qui permette de faire subsister sa famille pour des populations en totale précarité, en l’absence de droits sociaux et parfois même de droits élémentaires.

D’autres partants sont issus de pays soumis à une pauvreté endémique où les moyens élémentaires de subsistance ne sont pas ou plus assurés. Illustration de cet état de fait, le continent africain a le triste privilège de concentrer les difficultés économiques qui minent une large partie de la planète. Ainsi, 19 des pays les plus pauvres de la planète sont africains. À eux tous, ils cumulent un PIB 20 fois inférieur au PIB français pour une population 7 fois supérieure. Dans de telles conditions il devient impossible même de survivre. D’après la FAO ? l’organisation pour l’alimentation et l’agriculture des Nations unies – en 2014, 785 millions d’habitants se trouvaient en insécurité alimentaire.

S’ajoutent au désarroi économique, les risques politiques liés aux conflits locaux, à la disparition d’états de droit, à la répression exercée notamment contre des minorités, à des vagues d’assassinats programmés, d’où la nécessité ressentie par des pans entiers de populations de fuir à tout prix… Syrie, Érythrée, Soudan.

Enfin et plus encore, voilà que s’annoncent encore modestement pour l’instant les réfugiés climatiques, tels ceux qui, comme les Bangladeshis, avec la montée des murs, côté Inde, puis des eaux des fleuves et des océans, vont voir leur pays presque totalement disparaître. Nous y reviendrons dans notre prochain numéro.

Voyages à haut risque

Les victimes des naufrages survenus depuis plusieurs années en Méditerranée relèvent d’évidence de l’asile politique. Les informations transmises sur leur pays d’origine ne laissent aucun doute. Ils arrivent de pays en proie au chaos comme la Syrie, l’Irak et la Somalie ou de pays sous le joug de dictatures féroces comme l’Érythrée décrite comme une prison à ciel ouvert ou la Gambie. Cela signifie qu’en principe tout pays « hôte » a le devoir de les recevoir dignement afin de les aider à constituer leur dossier de demande d’asile et de leur accorder le temps nécessaire à l’examen de leur situation. Or loin de cette obligation ces « voyageurs sans bagages » contraints à l’exil sont à la fois exploités par des passeurs qui leur soutirent les maigres économies souvent d’une vie entière et rejetés de toutes parts.

Embarqués sur des rafiots défiant toutes les lois de la sécurité, ils voguent le plus souvent à la dérive. Certains pays refusent de les laisser accoster comme cela a été le cas des minorités birmanes repoussés par la Malaisie et la Thaïlande, au point qu’a été évoqué un « ping-pong humain ». Et quand ils accostent, chacun rêve de les voir aller ailleurs. L’Europe et ses tergiversations est loin d’être exemplaire en ce domaine. Et il n’y a pas qu’en mer que les immigrés ne voient pas toujours la fin du voyage. Ainsi, l’on estime à quelque 6 000 les immigrés venant du Mexique décédés en tentant de rejoindre les États-Unis. Et d’autres qui ont trouvé la mort, étouffés dans des camions liés au trafic de clandestins ou encore cachés dans les trains d’atterrissage d’avions.

Proies faciles

Pour ceux qui arrivent à passer tant bien que mal l’étape du voyage, le bonheur n’est pas toujours au rendez-vous même si, fort heureusement, certains auront la chance de trouver une issue favorable à leur long périple au fil du temps. Arrivés par des filières clandestines, sans argent, sans relations, ces nouveaux venus sont des proies faciles pour des exploiteurs de toutes sortes. Les exemples récents liés d’une part aux Jeux olympiques d’hiver de Sotchi en 2014 et à la préparation de la Coupe du monde de football au Qatar en 2022, qui ont tous deux eu largement recours à de la main-d’œuvre immigrée, attestent de l’absence de tous scrupules même dans des opérations à haut prestige.

D’un côté strass et paillettes, constructions pharaoniques et dépassements budgétaires, de l’autre, envers du décor, exploitation éhontée et désolation. À Sotchi, selon des rapports d’ONG, les immigrés venus de toute l’ex-URSS ont été sous-payés parfois même non-payés avant d’être expulsés sans avoir pu faire valoir leurs droits. Le Comité international olympique a dû reconnaître que près de 6 millions d’euros n’avaient pas été versés aux ouvriers. Durant cette période, nombre d’entre eux ont connu la confiscation de leurs passeports, des arrestations au faciès. Et pour certains, l’emprisonnement. Au Qatar, Amnesty International a plus que tiré la sonnette d’alarme en indiquant que « les ouvriers étrangers travaillant dans le secteur du bâtiment sont traités comme du bétail ».

On ne peut être plus clair. La liste des manquements est longue et sinistre : travail forcé sept jours sur sept, logement indécent, refus d’accès à l’eau potable malgré une chaleur caniculaire, mauvais traitements, salaires très bas… Pour parvenir aux constructions programmées dans les délais, le Qatar devrait recourir pour 90 % à de l’emploi immigré dont 40 % de travailleurs népalais. Ces derniers ont déjà payé un lourd tribut puisque 40 d’entre eux sont décédés en quelques semaines de l’été 2014. Pour faire barrage à tous ces « dysfonctionnements » démocratiques et financiers, il conviendrait que soit adoptée une charte spécifique des droits sociaux et démocratiques ? sur la base des conventions du Bureau international du travail (BIT) et de l’Union européenne ? avec obligation d’être respectée, pour employer des travailleurs de quelques pays d’immigrations qu’ils soient sur des chantiers d’équipements sportifs à dimension internationale.

Plus largement, la question est aujourd’hui de savoir comment sortir des millions de personnes d’une spirale infernale prises entre un pays d’origine où ils ne peuvent vivre et un rêve de futur paisible trop souvent brisé. Il en va de l’avenir de la planète et de ses citoyens.

Quand la France, comme d’autres, charge la Grèce et l’Italie du poids de l’asile.
Carl Hocquart pour la Cimade