Parcours du combattant pour le départ en retraite anticipée des travailleurs handicapés
Les Carsat refusent d'admettre toute autre preuve que les justificatifs fixés par arrêté. En dépit de l'évidence, les travailleurs handicapés qui souhaitent bénéficier d'un départ à retraite anticipé n'ont pas d'autre choix que de saisir la justice.
Le droit à un départ en retraite à partir de 55 ans pour un travailleur handicapé a été ouvert dans le cadre de la réforme des retraites de 2003. Les assurés ayant un taux d’incapacité permanente de 80% peuvent bénéficier d’un départ anticipé en retraite au taux plein de 50%.
La loi de novembre 2010 a étendu cette disposition à tous les travailleurs handicapés reconnus (RQTH).
Pour en bénéficier, il faut remplir trois conditions :
– une durée d’assurance ;
– une durée cotisée ;
– justifier, pendant les durées exigées, d’un taux d’incapacité permanente de 80 % ou handicap de niveau comparable ou de la qualité de travailleur handicapé, c’est-à-dire qu’il doit y avoir concomitance entre les durées d’assurance et le handicap.
Les durées exigées sont variables selon l’âge de départ souhaité.
Les documents justificatifs
L’assuré doit produire auprès de sa caisse de retraite l’attestation de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Cette attestation est délivrée par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) au sein de laquelle siège la CDAPH. Avant la « loi handicap de 2005 » qui a créé cette MDPH, l’attestation était délivrée par la Cotorep.
L’attestation mentionne la période au titre de laquelle est reconnue la qualité de travailleur handicapé. La durée de cette période est variable (de un à cinq ans selon la situation des usagers).
Le renouvellement de la qualité de travailleur handicapé n’est pas automatique. Il n’intervient que sur demande de la personne handicapée, à la date d’échéance. Une procédure de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé est toutefois engagée systématiquement lors de l’instruction de toute demande d’attribution ou de renouvellement de l’allocation aux adultes handicapés.
Sont également recevables :
– l’attestation récapitulative des prestations et orientations accordées à la personne handicapée, dès lors que la qualité de travailleur handicapé est mentionnée à ce titre (avec indication de la période concernée) ;
– la notification de décision d’insertion professionnelle faisant état de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (avec indication de la période concernée).
Il appartient aux assurés qui ne seraient plus en possession de l’un ou l’autre de ces documents, de contacter la MDPH concernée afin d’en obtenir un duplicata.
Les refus des Carsat
De nombreux assurés handicapés se voient refuser cette retraite anticipée en raison de l’absence de justificatifs de leur situation de travailleur handicapé. Ce défaut de demande de reconnaissance s’explique par méconnaissance, absence d’intérêt, voire par négligence ou oubli dans le cas de renouvellement.
De sorte que ces périodes se trouvent écartées dans la validation des durées d’assurance pour l’ouverture du droit, alors que la situation de handicap est incontestable.
À titre d’exemple, des assurés internautes nous posent des questions dans le forum du Guide des retraites en ligne. Ils sont victimes d’une poliomyélite invalidante, d’une infirmité congénitale, ou sont accidentés de longue date…
La justice donne raison au travailleur handicapé
S’appuyant sur un arrêté du 5 juillet 2004, les Carsat refusent d’admettre toute autre preuve que les justificatifs en dépit de l’évidence d’un fait avéré : la présence et la persistance du handicap.
Dès lors, seul un recours en justice peut permettre de se voir reconnaître le caractère concomitant d’un handicap avec les durées d’assurance exigée, l’objet étant de faire reconnaitre par le juge la preuve de l’incapacité tout au long de ces durées.
Le Tribunal des affaires de sécurité sociale (Tass) de Bobigny a eu à se prononcer sur une telle affaire. Par jugement du 2 février 2006, il a estimé que la preuve de l’incapacité était libre et, au vu des moyens de preuve apportés par l’assurée, il s’est forgé l’intime conviction que l’incapacité de celle-ci existait depuis sa naissance.
Il donne donc raison à l’assuré au motif que la liste de l’arrêté du 5 juillet 2004 ne présentait « aucun caractère exhaustif et limitatif et qu’il est incontestable que l’assurée présente depuis sa naissance un handicap, dont le taux n’a nullement évolué au cours de son existence » peu importe que l’assurée n’ait déclaré son handicap auprès de la Cotorep qu’en 1980.
La caisse n’a pas interjeté appel.
Gilbert Jérôme