Pierre Rivière : retour sur la vie militante d’un centenaire
Il est assez rare de fêter les 100 ans d’un militant CFDT qui prend le temps d’échanger et de relater son engagement dans le syndicalisme.
Quelques militants retraités de Redon (Ille-et-Vilaine) ont partagé un bon moment avec Pierre Rivière qui fêtait son anniversaire en octobre.
Pierre a grandi à Redon, dans le quartier du port, quartier pauvre de la ville. Son père était sabotier, sa mère lingère. Après son certificat d’études, à 14 ans, il est rentré chez Garnier, usine de matériel agricole, comme apprenti, en 1938.
Pendant la guerre, beaucoup d’ouvriers étaient mobilisés et les apprentis ne pouvaient pas être encadrés correctement. Alors que l’entreprise Garnier produisait des machines agricoles, elle a été contrainte de travailler pour l’armement et ensuite pour les Allemands. Après le bombardement des chantiers de Penhoët, à Saint-Nazaire, des ouvriers sont venus travailler chez Garnier.
La découverte du syndicalisme
Pierre affirme que l’arrivée de ces ouvriers a apporté une mentalité plus revendicative. À cette époque, il a connu des responsables de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) et il a rejoint le mouvement. Durant cette période, les activités de la JOC se déroulaient dans la clandestinité. Avant-guerre, dans l’usine Garnier, il y avait des syndiqués CGT et, à la Libération, les adhésions ont été importantes.
L’entrée de Pierre dans le syndicalisme se situe en 1946, lors d’une réunion de la CFTC à Redon, animée par Robert Duvivier*, responsable départemental. Il a pu faire quelques adhésions à l’usine, mais ce qui a lancé la section syndicale, c’est surtout la grève de quatre semaines en 1950.
« Il a fallu organiser la solidarité, Robert Duvivier a passé les quatre semaines avec nous à Redon. »
Pierre souligne l’implication de ce militant dans la formation et il rappelle l’importance de l’École normale ouvrière qui dispensait une semaine de formation chaque été.
La CFTC est devenue majoritaire en 1960 chez Garnier. Le passage de la CFTC à la CFDT s’est fait facilement en 1964.
Un patronat méprisant
Pierre était tourneur et travaillait des pièces de matériel agricole. « L’usine Garnier était considérée comme une bonne boîte, les conditions de travail étaient dures, mais on n’avait pas le stress comme aujourd’hui. »
Des actions de revendication salariale et de défense de l’emploi ont émaillé les années 1970. « Les affrontements avec les CRS marquaient la population locale. » Les méthodes d’action étaient nouvelles. «
Les nouveaux adhérents étaient surtout des gars qui venaient de la campagne, ils avaient des méthodes qui se comparaient à celles des actions paysannes : occuper les voies ferrées, bloquer les routes. »
« L’Église n’a pas toujours été de notre côté, mais pendant les grèves, le clergé et les mouvements d’action catholiques essayaient de comprendre. »
Les rapports avec le patronat étaient violents. La condescendance et le mépris envers le syndicalisme étaient courants dans les rencontres. Pendant la guerre d’Algérie, les discussions ont été plus difficiles, même si le général de Bollardière est venu à Redon pour un meeting contre la torture.
Pierre a été licencié en 1979 lors de la fermeture de l’entreprise, à 54 ans et 10 mois. Il lui manquait deux mois pour bénéficier des Assedic jusqu’à la retraite. Il a repris un emploi chez Maignan, une usine de traitement des peaux.
Il a été à l’initiative de la création de l’association Accompagnement et insertion durable dans l’emploi (A.I.D.E) qui assure toujours un accompagnement social et professionnel de demandeurs d’emploi.
Pierre est un centenaire qui sait raconter le passé pour mieux éclairer le présent. Dans ses échanges, il rappelle simplement l’essentiel : la solidarité, la transmission.
[Françoise Marchand
Pour en savoir plus
Association A.I.D.E : Accompagnement et Insertion Durable dans l’Emploi.