Pour la CFDT, la dette sociale doit rester disjointe de celle de l’État
Les députés s’interrogent sur la gestion de la dette sociale (le déficit de la sécurité sociale). La CFDT a longuement exprimé son analyse et expliqué ses positions devant la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale de l’Assemblée nationale (MECSS).
La MECSS permet au Parlement de suivre l’exécution des lois de financement de la sécurité sociale et de s’assurer que les nouveaux outils législatifs et réglementaires répondent bien aux objectifs financiers retenus.
La CFDT a rappelé son attachement à une protection sociale de haut niveau avec socialisation des risques. Elle a réaffirmé que la protection sociale est économiquement soutenable et politiquement nécessaire.
En France, un tiers du produit intérieur brut (PIB) est consacré aux dépenses de protection sociale. Il faut relativiser ce chiffre puisque 60 % de ces dépenses représentent des transferts sociaux : ce sont des opérations de répartition des budgets alloués selon des règles non marchandes pour assurer plus d’égalité entre les ménages (une redistribution entre cotisants). Les 40 % restants sont des transferts en nature comme les soins de santé. Ils sont financés par des prélèvements obligatoires, ce qui place la France au niveau d’autres pays de l’OCDE.
Les spécificités françaises
La différence forte avec les autres pays se situe dans notre système de retraites qui laisse peu de place à la capitalisation. Ainsi, les retraites complémentaires de l’Agirc-Arrco font l’objet par la loi de prélèvements obligatoires tout en reposant sur des accords entre partenaires sociaux. Dans d’autres pays, pas de législatif, l’accord entre partenaires sociaux suffit, retirant de fait la caractéristique « prélèvement obligatoire » aux cotisations versées.
Pour financer les dépenses sociales (vieillissement, aléas du travail, etc.) la CFDT réaffirme qu’il faut accentuer la redistribution et non faire appel aux mécanismes marchands.
La CFDT n’est pas favorable à une réduction de la part prise en charge collectivement. Cela entrainerait inévitablement une augmentation de la part prise en charge par les individus et créerait encore plus d’injustices et d’inégalités entre les citoyens. La CFDT rappelle aussi que les activités de santé (soins, médicaments, etc.) sont génératrices de dynamisme pour l’économie française.
Résoudre la question récurrente des déficits sans augmenter la dette sociale
La CFDT propose d’augmenter les recettes pour couvrir les dépenses. Elle prône un pilotage sur le long terme qui absorbe les écarts conjoncturels (Covid par exemple) pour maintenir le système en équilibre financier. Elle dénonce fortement le fait d’instrumentaliser politiquement les déficits pour justifier des réductions de prestations.
Rappelons qu’en 2022, les organismes de sécurité sociale ont dégagé un excédent de 0,3 % du PIB pour une dette égale à 10,3 % du PIB. L’État a enregistré un déficit de 5,6 % pour une dette représentant 89,3 % du PIB.
Geler les dépenses socialisées ne gèle pas la somme des dépenses auxquelles devront faire face les travailleurs : pour la maladie par exemple, cela se traduirait par une hausse encore plus forte des cotisations des complémentaires santé privées. Au final, les travailleurs ne gagnent rien au gel des dépenses publiques car il y a toujours quelqu’un qui doit payer la hausse des frais de santé. Si la CSG est proportionnelle aux revenus, la cotisation pour la mutuelle est forfaitaire. Elle pèse donc plus sur les bas revenus et particulièrement chez les retraités.
La dette sociale a augmenté fortement durant la pandémie du fait de la baisse des recettes liée au ralentissement de l’activité et aux exonérations exceptionnelles de cotisations. Ces déficits supplémentaires ont été transférés par l’État à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades). L’Etat a décidé le remboursement de la dette d’ici 2033 au détriment de la couverture des besoins sociaux.
Contrairement à l’État qui « roule » sa dette, les assurés sociaux doivent rembourser la dette par des prélèvements sous forme de CRDS et une part de CSG.
L’impact financier, branche par branche, de la Sécurité sociale
Branche retraites. La CFDT a rappelé son opposition à la réforme des retraites de 2023 qui pénalise les plus précaires.
Branche famille. Elle reste structurellement excédentaire sur le long terme.
Branche maladie. Les dépenses sont en augmentation du fait du vieillissement de la population, du renchérissement et des progrès des thérapies. Une des clés réside dans la réduction des déserts médicaux. La CFDT souhaite un encadrement de l’installation des médecins pour désengorger les services d’urgence et l’hôpital public qui souffre, avec tous les personnels. Mais ce sera loin de suffire. La CFDT s’est prononcée en faveur d’une augmentation de la CSG, pour une prise en charge solidaire au niveau de l’ensemble de la Nation. Hausse de la CSG qui, serait forcément moindre que l’augmentation des tarifs des complémentaires à laquelle les individus doivent consentir.
Branche autonomie. La CFDT revendique un cadre et une méthode de travail aboutis avec comme colonne vertébrale une grande loi. Cette loi doit permette aux acteurs de travailler à un projet de société en faveur des personnes en situation de perte d’autonomie et de ceux qui les accompagnent.
Les propositions de la CFDT
Parmi les autres moyens possibles, la CFDT préconise :
– la suppression des exonérations de cotisations sociales au-delà de 1,6 Smic ;
– la reprise de la dette « Covid », indûment attribuée à la Sécurité sociale par l’État, et a minima un allongement de la durée de remboursement de la dette sociale pour ne pas réduire la couverture des besoins sociaux ;
– la mise en place d’un prélèvement de 1 % sur tous les héritages pour financer la prise en charge de la perte d’autonomie ;
– de meilleures politiques salariales permettant d’augmenter l’assiette de cotisation.
La dette sociale n’est pas celle de l’État
La gestion de la dette sociale doit continuer à être différenciée de celle de l’État. La CFDT est profondément attachée à la séparation des comptes de l’État et de ceux de la Sécurité sociale. Elle s’opposera à une fusion de leurs dettes respectives, ce qui reviendrait à rendre la dette de la Sécurité sociale « éternelle ». Or, la CFDT pense que les comptes de la Sécurité sociale doivent être équilibrés à long terme.
La CFDT considère que les dépenses sociales ne sont pas des dépenses comme les autres et qu’elles doivent être financées par la solidarité et collectivement tout en maintenant un haut niveau de prestation et de couverture de tous les Français.