Quand un évènement climatique sert de révélateur à des carences politiques
Les méfaits de la canicule ou quand un événement climatique sert de révélateur à des carences politiques ! Dossier d'analyse.
1. Le contexte environnemental
L’histoire climatologique récente de la planète nous indique que le réchauffement, en cours depuis le 19e siècle, s’intensifie depuis quelques temps : la température de la terre s’accroît régulièrement (+ 0,4 °c de 1997 à 2000).
La Cause ? Les concentrations aggravées des gaz à effet de serre et l’accentuation du trou dans la couche d’ozone.
L’origine ? L’industrialisation généralisée effrénée et souvent anarchique, dangereuse dans les pays du Nord, mais de plus en plus dans les Pays en voie de développement (PVD).
Le remède ? Ramener la concentration de ces gaz à un niveau naturel : il faut savoir que si ces gaz n’existaient pas dans la troposphère, la température serait de - 18 ° sur terre, puisque les rayonnements s’échapperaient dans l’atmosphère et entraîneraient la disparition de la biodiversité.
A contrario, leur concentration aboutit à des conséquences néfastes :
– hausse du niveau moyen des températures,
– élévation du niveau des océans,
– amplitude accentuée des cycles hydrologiques.
Cela se traduit comment ?
– dérèglement du cycle des saisons,
– accentuation de la sécheresse (peu de pluie ou au contraire pluies diluviennes et inondations, grosses chaleurs...) qui gagne le nord de l’Europe,
– déchaînement des forces de la nature (cyclones, fortes tempêtes, raz de marée...)
La réponse des Etats ? Elle est lente, limitée, ponctuelle. Les grandes puissances industrielles -enfin conscientes du danger- et les nations en voie de développement, ont cherché au sein de l’Organisation des Nations Unies (ONU) une réponse au problème de la régulation des gaz à effet de serre.
Le protocole -signé le 11 décembre 1997 à Kyoto- s’inscrit dans le prolongement de la convention- cadre sur les changements climatiques de juin 1992.
Les parties s’engagent à réduire les émissions d’un « panier » de six gaz de 5,2 % par rapport au niveau de 1990.
Cependant, cet engagement est pris pour la période 2008 à 2012 : d’ici là et après, que va t-il se passer ?
Sans l’engagement fort des Etats-Unis et de l’URSS entre autres, l’entrée en vigueur du protocole aura peu d’impact.
L’application de ce protocole se réalisera si 55 pays représentants 55 % de l’émission signent : ce n’est pas le cas (la France a signé le 29 avril 1998).
Aucune sanction n’est prévue...
Quelles conséquences actuelles ? La canicule de l’été 2003 en France ! Ce phénomène était prévisible, comme l’est de plus en plus l’altération du rythme des saisons : il se reproduira, comme les crues, les pluies diluviennes, la perturbations des récoltes, la diminution de l’eau...
2. L’impact de la canicule sur les personnes âgées
Fort des éléments exposés au 1er chapitre, le Secrétariat d’Etat aux personnes âgées a établi -le 12 juillet- une excellente circulaire aux préfets, les incitant à « prévoir les risques sanitaires inhérent à la période estivale, dus notamment aux grosses chaleurs... ». Suivait également un ensemble de recommandations -certes simples mais utiles- à l’intention des directeurs de maisons de retraites : hydratation, rafraîchissement des locaux, diminution des médicaments diurétiques...
Mais c’était en juillet 2002 !!
Et pourtant, dès juin, puis autour du 14 juillet, deux grosses vagues de chaleur auraient pu susciter une réaction, et légitimer des mesures de même type, en même temps qu’une alerte sanitaire...
Et pourtant, aux journaux télévisés, dans la presse, les 4 et 5 août, le signal d’alarme était tiré.
Et le 9 août, les premiers décès étaient annoncés.
Et pourtant, l’Union Confédérale CFDT des Retraités -de son côté- alertait le secrétariat d’Etat aux Personnes Agées dès le 8 août, puis par courrier et communiqués de presse -repris d’ailleurs- le 12 août puis le 20. La Confédération réalisait un dernier communiqué le 27 août.
Peine perdue. Résultat : sans doute 15 000 décès liés à la chaleur et deux polémiques inutiles :
– celle sur les chiffres,
– la récupération politique de cet événement dramatique.
Il est vrai aussi, que le Gouvernement est timidement sorti de sa torpeur le 11 août, puis le 16 août, avec l’intervention -enfin !- du 1er ministre. Hélas l’hécatombe était en route, puisque la chaleur caniculaire a encore persisté jusqu’au 18 août... ainsi que la pollution, son corollaire dans les villes.
3. Les responsabilités dans les conséquences de cet évènement climatologique prévisible
Face à une telle situation le gouvernement frôle le ridicule et la mauvaise foi lorsqu’il accuse les 35 heures dans les hôpitaux et établissements, l’absence des familles, alors qu’il a réduit sensiblement ses engagements sur l’APA. Particulièrement, Jean-François Mattéi devrait se sentir mal à l’aise de prétendre n’avoir pas été informé et de laisser démissionner son directeur général de la santé. Enfin, il n’est pas certain du tout que les français aient apprécié la compassion qu’a manifesté le Président Chirac tout en fustigeant parallèlement les familles, lors de son intervention télévisée.
La canicule a ensuite révélé une carence dans l’alerte sanitaire immédiate et dans la promptitude de la réponse concrète, peut important qu’il s’agisse d’un service plutôt qu’un autre.
De plus, il aura fallu onze jours de canicule pour qu’enfin, le premier ministre lance le « plan blanc » consistant à mobiliser les ressources hospitalières, mobilisation que les personnels avaient déjà accompli du mieux qu’ils pouvaient.
Elle a aussi montré combien la médecine libérale de proximité a voulu profiter de cette belle chaleur pour aller vers le Sud (...des médecins de la partie Nord de la France ont assuré des remplacements de leurs collègues, dans le Sud !) et n’a pas eu à faire face aux difficultés de la période, notamment en Ile de France, zone par ailleurs peu habituée à lutter contre de telles chaleurs.
L’asphyxie des services d’urgence en a résulté.
L’isolement social et physique des personnes âgées n’est pas, bien sûr, une conséquence de la canicule, il est cependant bien certain qu’en luttant contre cet isolement, on limite ses conséquences.
Il est de la responsabilité du Gouvernement de promouvoir cette politique et de soutenir financièrement des actions en ce sens (par exemple : le chèque domicile liberté). Peut-on dire aujourd’hui que c’est le cas ?
– Un gouvernement qui s’en lave les mains.
– Un manque général d’anticipation, une prise de conscience tardive.
– L’isolement des personnes âgées.
– La défaillance de la médecine libérale de proximité.
La conjonction de tous ces faits a particulièrement aggravé l’impact de ce phénomène climatique !
4. Les revendications de l’UCR-CFDT
Loin de vouloir polémiquer sur un tel dossier, l’UCR-CFDT souhaite plutôt favoriser une analyse exhaustive de cette période, tant sur le plan sanitaire que social afin :
– d’en tirer les enseignements,
– de définir des besoins
– d’élaborer des solutions efficaces
– de décider des financements.
Pour ce faire l’UCR défend la création d’une commission d’enquête parlementaire.
Pour autant, elle ne souhaite pas que les enquêtes se déroulent par des échanges fermés entre élus politiques et professionnels : elle revendique une expression des usagers.
Cette expression doit être décentralisée vers les Centres communaux d’action sociale (CCAS), les Comités départementaux des retraités et personnes âgées (Coderpa) et les Conférences régionales des retraités et personnes âgées (Corerpa) qui auront à débattre sur leur réalité locale, dans les établissements ou à domicile.
Les priorités de l’UCR. D’ores et déjà, l’UCR-CFDT estime qu’il est nécessaire :
– « d’articuler » sanitaire et social,
– de moderniser des établissements,
– de construire des établissements,
– d’embaucher du personnel formé en établissement et à domicile (médecins, infirmières, aides à domicile,...),
– de développer les Clic (Centres locaux d’information et coordination gérontologique),
– de dynamiser les CCAS et Coderpa,
– de lutter contre la maltraitance,
– de revaloriser l’APA à court terme.
Rentrer dans le détail. Cela sous-entend qu’il soit procédé à une exacte définition en matière de :
* Prévention et accompagnement de la dépendance et aide au maintien à domicile :
– aide à domicile,
– amélioration de l’habitat,
– maintien du lien social,
– prévention de l’isolement,
– aide au retour au domicile après hospitalisation,
– aide aux aidants,
– hébergement temporaire.
* Structures d’accueil : nombre, moyens et qualité.
* Personnels intervenants : compétence, formation, effectifs, rémunération.
* Moyens d’évaluation des besoins de la personne : qui et comment ?
* Coordination des différents intervenants : financeurs, intervenants, gestionnaires.
Quant au devenir de l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA), la CFDT a déjà porté sa réflexion bien au delà de son réaménagement simple : elle se cristallise autour d’un risque autonome, différent des 4 risques existants, la maladie, les accidents du travail et maladies professionnelles, la famille et la retraite.
5. Le « 5e » risque
La position de fond de la CFDT. Dès le Congrès confédéral de Montpellier, en 1995, la CFDT a inscrit dans une résolution une première vision de cette prestation : « L’allongement de la durée de la vie crée à notre société des responsabilités nouvelles face au risque de dépendance : la CFDT réaffirme sa revendication de création d’une allocation dépendance, véritable aide à l’autonomie, ayant un caractère légal, gérée par la Sécurité sociale et financée par tous les revenus. Cette allocation, variable selon le niveau de revenus, devra garantir pour les personnes concernées le choix d’un service à domicile ou d’un hébergement dans des établissements ».
Lors des Congrès UCR de Lille, en 1997, puis de La Rochelle, en 2003, l’UCR s’inscrivait dans le débat en proposant en 1997 : « Le risque dépendance doit être couvert par la Sécurité sociale au même titre que la maladie, la retraite, la famille, les accidents du travail. [...]
L’UCR exige la mise en place sans délai d’une véritable prestation autonomie, financée par tous les revenus, gérée par la Sécurité sociale, attribuée dès l’âge de 60 ans quel que soit le lieu de vie, d’un montant suffisant pour couvrir les frais réellement engagés, non soumise à obligation alimentaire. »
En 2003, le rapporteur concluait : « Restons-en à la formulation proposée dans la résolution : une prestation gérée par une caisse nationale de Sécurité sociale, financée par la solidarité nationale ».
Ce que doit être le 5e risque. Les bases de la réflexion ont été posées à travers ces engagements, et tenant compte de ce que l’analyse des besoins soulève, il est possible de cerner précisément ce que doit être l’allocation liée au 5e risque :
– Une allocation nationale légale définie par la loi.
– Une allocation universelle accessible à toute personne âgée dépendante.
– Une allocation égalitaire, avec une grille de références identique pour l’évaluation des besoins et un barème national modulé par degré de dépendance et en fonction de l’ensemble des ressources.
– Une allocation polyvalente, destinée à pallier les conséquences de la perte d’autonomie sur les actes de la vie courante, que ce soit à domicile ou en établissement.
– Une allocation dont la mise en œuvre s’appuie sur un réseau de proximité pour l’association aspects médiaux et sociaux, l’évaluation des besoins, contacts avec les bénéficiaires et proches, estimation de l’aide, réalisation du plan d’aide.
– Une allocation financée par la solidarité nationale et par la participation financière des Conseils généraux. Sur ce plan, l’UCR ne peut s’inscrire dans un financement par les seuls salariés et une assurance spécifique aux seules personnes âgées, ce qui remettrait en cause la solidarité intergénérationnelle
– Une allocation gérée au niveau national, par la Sécurité Sociale.
6. En forme de conclusion.
L’UCR estime que ces éléments sont de nature à favoriser rapidement la création d’une véritable prestation dépendance.
Il faut savoir que les perspectives en la matière sont tout aussi prévisibles et inéluctables que la question des retraites, dans des proportions comparables puisqu’il s’agit globalement des mêmes populations.
C’est bien pourquoi la prise en charge de cette prestation doit s’inscrire forcément dans une démarche générale d’édification d’une politique du vieillissement.